Chomsky analyse la politique américaine dans sa globalité et cherche à démontrer que celle-ci est fortement influencée par les intérêts privés en lien avec un système médiatique propagandiste.
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Comprendre le Pouvoir (1989) est un recueil d’interviews de Noam Chomsky datant des années 1980. Dans ces entretiens, Chomsky participe à la déconstruction de certaines idées reçues, dénonce le poids de l’endoctrinement, et défend le principe d’autodéfense intellectuelle.
Ce qu’il faut retenir :
Nos sociétés démocratiques sont caractérisées par la manipulation. Les médias principalement, mettent en œuvre des mécanismes de propagande subtile et implicite, qui permettent de contrôler l’opinion publique et de défendre l’intérêt des élites. Cette élite s’est créée grâce au système capitaliste qui donne la priorité à l’individualisme et à l’économique, au détriment du politique. Le pouvoir est aux mains d’un pouvoir financier rassemblant une petite élite, et les possibilités de socialisation sont difficiles. Il faut ajouter à cela, le risque que fait peser le capitalisme sur l’écologie.
Pour défendre le retour d’un modèle démocratique, un travail d’éducation populaire est nécessaire. Il faut apprendre, non pas des connaissances, mais la faculté de juger, de penser et de réfléchir aux citoyens. Pour cela, il faut créer des collectifs militants, des médias alternatifs, afin de protéger le peuple de la propagande.
Biographie de l’auteur
Noam Chomsky, né en 1928 à Philadelphie, est un linguiste américain et professeur émérite de linguistique au Massachusetts Institute of Technology où il a enseigné durant l’intégralité de sa carrière. Également connu pour son activisme politique et sa critique de la politique étrangère et des médias américains, il s’affiche comme un sympathisant de l’anarcho-syndicalisme. Entre autres, il fustige l’utilisation du terme « terroriste » qui, selon lui, permet aux gouvernements de se dédouaner de la dimension terroriste de leurs propres politiques. Il est également un fervent défenseur de la liberté d’expression.
Très apprécié par l’extrême gauche, Noam Chomsky est soumis à de vives critiques de la part des libéraux et des partisans de la droite américaine. Il reste pourtant reconnu comme l’un des plus grands intellectuels vivants, ayant notamment reçu de nombreux diplômes honorifiques des plus grandes universités au monde.
Avertissement : Ce document est une synthèse de l’ouvrage de référence susvisé, réalisé par les équipes d’Élucid ; il a vocation à retranscrire les grandes idées de cet ouvrage et n’a pas pour finalité de reproduire son contenu. Pour approfondir vos connaissances sur ce sujet, nous vous invitons à acheter l’ouvrage de référence chez votre libraire. La couverture, les images, le titre et autres informations relatives à l’ouvrage de référence susvisé restent la propriété de son éditeur.
Plan de l’ouvrage
I. Colloque à Rowe : première session
II. Colloque à Rowe : pause-café
III. Colloque à Rowe : en soirée
IV. Conversation en soirée
V. Diriger le monde
VI. Les collectifs militants
VII. Intellectuels et changements sociaux
VIII. Luttes populaires
IX. Organiser la mobilisation
X. Le tournant
Synthèse de l’ouvrage
Premier Mouvement
Chapitre 1. Colloque à Rowe : première session.
Les États-Unis sont en réalité à la tête d’un réseau d’États mercenaires indépendants et disposant d’une puissance d’armement suffisante pour intervenir là où ils le souhaitent. Cette stratégie est évidemment secrète et permet ainsi de ne pas informer la population américaine de certains agissements internationaux auxquels elle pourrait s’opposer. De manière générale, le secret gouvernemental est utilisé pour maintenir la population dans l’ignorance, et « de s’assurer que l’ensemble de la population ne sache pas ce qui se passe ».
Mais, les élites ne se limitent pas à cacher des choses, elles mettent en œuvre, par le biais des médias, certains mécanismes d’influence particulièrement subtils. Contrairement à la propagande totalitaire, celle mise en œuvre dans nos sociétés est implicite. Ainsi, les médias, tout en s’affirmant neutres et objectifs, ne présentent que certaines opinions, celles de l’élite, et éludent les autres, celles qui s’opposent à elle. En effet, la presse est principalement financée par des annonceurs publicitaires qui, en majorité, appartiennent à la classe dirigeante. Pour continuer de recevoir leurs financements, les médias savent qu’ils doivent mettre en avant les opinions et les perspectives politiques qui satisferont les besoins des membres de cette classe. En conséquence, les journalistes se rapprochent de plus en plus des élites américaines et finissent par défendre les mêmes opinions, concernant la guerre du Vietnam, ou le démantèlement des programmes de sécurité sociale par exemple.
Comment peut-on considérer être encore en démocratie, alors qu’une élite minoritaire se sert de son influence « pour fabriquer l’assentiment de l’ensemble de la population envers les politiques » ?
Chapitre 2. Colloque à Rowe : pause-café.
Les mots, selon la manière dont ils sont employés, peuvent nous influencer plus que l’on ne croit. La phraséologie est toujours imprégnée d’idéologie et, la définition d’un mot, même lorsqu’elle se veut être neutre, peut s’inscrire dans une guerre idéologique. L’usage du mot « terrorisme » par le gouvernement américain, par exemple, ne peut, par nature, jamais servir à décrire les agissements des États-Unis ; le terrorisme est toujours, selon le lexique de la classe dirigeante, « ce que font les autres ». De même, le terme « démocratie », dans la bouche des dirigeants américains, renvoie aux « pays dont les dirigeants sont alignés sur Washington », peu importe si ces derniers suppriment la presse indépendante ou massacrent leur population tant qu’ils suivent la ligne directrice américaine. C’est ce qui différencie, par exemple, le Salvador du Nicaragua. Depuis 1989, plus généralement, l’idée selon laquelle les États-Unis commettent des crimes de guerre est acceptée, formant un certain consensus au sein de l’élite dirigeante. Les États-Unis se sont autoattribué le droit d’outrepasser la loi internationale et d’attaquer des pays de manière unilatérale. « Selon les principes des procès de Nuremberg, chaque président américain depuis lors aurait été pendu ».
Cependant, il existe de nouveaux facteurs politiques à prendre en compte dans les affaires du monde, l’écologie au premier chef. Les conditions capitalistes, qui favorisent les intérêts privés des entreprises, conduisent inévitablement à la destruction de l’environnement. Préserver la vie humaine et la planète sur laquelle l’homme vit entre dans le domaine de l’intérêt général ; or, une entreprise agit, par nature, pour augmenter ses bénéfices et se désintéresse de fait des conditions environnementales. Cet état de fait remet profondément en cause la croyance capitaliste selon laquelle la poursuite de desseins privés participe en même temps à la satisfaction des besoins publics. « Aussi longtemps que le système fonctionnera ainsi, il va s’autodétruire ». Nous sommes face à deux possibilités : soit le contrôle des sujets économiques et écologiques demeure entre les mains des puissants, et il ne nous restera plus qu’à prier pour notre survie et celle de nos enfants ; soit, les populations tentent de s’organiser pour détruire ce système d’exploitation pour construire un système participatif.
Chapitre 3. Colloque à Rowe : en soirée.
Le principal ennemi de chaque État est sa propre population. Il doit ainsi, pour éviter le mécontentement, garder sa population docile et passive. L’instrumentalisation d’un conflit international est un moyen efficace pour y parvenir : face à un ennemi commun, les citoyens acceptent aisément d’abandonner leurs droits pour privilégier la sécurité. Les États-Unis ont souvent utilisé l’atmosphère de crainte et la tension générale produite par un conflit pour éviter les soulèvements dans leur population. Dans ces conditions, l’État peut réduire les dépenses sociales et concentrer ses moyens sur l’économie du pays qui, de fait, ne profitent qu’à quelques-uns. Le système américain n’est de toute façon pas conçu pour améliorer les conditions de vie des citoyens, mais pour rendre l’économie florissante. C’est en s’assurant qu’il règne un climat de peur, dans lequel l’État apparaît comme une institution inamovible et, surtout, irréformable, que le gouvernement peut garantir le bon fonctionnement de l’économie.
Seule une démocratisation à grande échelle de la société, passant notamment par l’accroissement des contre-pouvoirs, pourrait permettre une réforme des institutions pour les soumettre « à la pression de l’opinion publique ». Seule une déconstruction du système que l’on connaît actuellement permettrait de mettre les individus au cœur de la société. « Il n’y a simplement pas d’autre voie que dissoudre le pouvoir et de le redistribuer de façon démocratique ».
Mais, les individus ont été formés pour obéir. Ainsi, la vie politique, et donc sociale, est hors d’atteinte. Il ne leur reste rien d’autre que le divertissement et le sport. Ces préoccupations superficielles les écartent définitivement des affaires réellement importantes. Ce n’est pas sans raison que les classes dominantes financent et favorisent la diffusion des compétitions sportives. En outre, le soutien inconditionnel que certains supporters donnent à leur équipe favorite constitue un véritable apprentissage de la passivité : « ce sentiment de fidélité irrationnelle à une sorte de communauté dépourvue de sens est un entraînement à la subordination, au pouvoir et au chauvinisme ».
Deuxième mouvement
Chapitre 4. Conversation en soirée
Contre les apparences, nous vivons aujourd’hui en régime totalitaire – et « le pire des systèmes totalitaires ». Pourtant, la population américaine, si bien endoctrinée, ne peut pas imaginer que les États-Unis ne soient pas une véritable démocratie.
Le scandale du Watergate, évènement de premier rang de la politique américaine, constitue un parfait exemple des modalités du pouvoir dans le pays. En effet, ce scandale a mis au jour un élément important : le pouvoir n’est pas entre les mains du gouvernement. Les dirigeants ne sont que la main-d’œuvre de puissantes organisations privées, cachées dans l’ombre. La véritable raison de la chute de Nixon à la suite du Watergate est en réalité sa décision de mettre fin aux accords de Bretton Woods, faisant ainsi perdre aux États-Unis leur statut de banquier du monde. Son choix n’a pas été accepté par les élites américaines et le Watergate a été l’occasion pour elles de se débarrasser de lui.
Voilà « ce qui arrive aux serviteurs lorsqu’ils oublient leur rôle et s’en prennent à leur maître : on les remet rapidement à leur place et quelqu’un prend la relève ».
En outre, le Watergate a mis en lumière le rôle insidieux des médias qui ont attiré l’attention du public uniquement sur la pose de mouchards dans les bureaux du Parti démocrate, laissant sciemment dans l’ombre les révélations concernant les multiples assassinats de dirigeants des Black Panthers, de membres du Mouvement indien américain ou du Mouvement des femmes. Autrement dit, l’État peut supprimer certains citoyens sans craindre d’être accusé publiquement.
De manière générale, la presse a pour fonction d’endoctriner la masse de la population. Elle attire son attention sur le sport, les actualités people ou sur les faits de violence. De cette manière, cette partie de la population est isolée, écartée du processus décisionnel et le pouvoir peut « leur faire croire n’importe quoi ».
Comment espérer un changement ? La réponse est simple : persévérer. Tous les changements sociaux qui se sont produits dans l’histoire ont pu se réaliser grâce à la persévérance des individus. « Si vous partez du point de vue que les choses peuvent changer, alors peut-être changeront-elles. Le seul choix rationnel face à cette alternative, c’est de laisser tomber le côté pessimiste ».
Chapitre 5. Diriger le monde.
Diriger le monde, d’une bonne manière, implique la création d’un système viable et pérenne, qui œuvre dans l’intérêt général de la population. Dans cette perspective, un régime démocratique devrait constituer une bonne manière de diriger le monde. Mais, le pouvoir est aujourd’hui concentré entre les mains de quelques-uns qui, seuls, profitent du système. L’unique moyen d’instaurer une véritable démocratie est de démanteler au préalable le système capitaliste à l’œuvre. Ce « travail de longue haleine » commence par une refondation des bases culturelles et institutionnelles de la société.
Sur la scène internationale, le comportement des Américains va à l’encontre de tout l’esprit démocratique. Alors que les États-Unis dénonçaient la terreur stalinienne, ils ont eux-mêmes appliqué la terreur au Timor oriental, au Guatemala, ou encore au Vietnam. Loin de lutter contre la terreur, les Américains l’ont installée de façon pérenne dans les relations internationales.
La lutte contre la terreur, par la terreur, a servi à marginaliser l’idéologie socialiste. En l’associant au totalitarisme soviétique, il s’agissait de la discréditer et de faire croire que le capitalisme américain triompherait là où le socialisme avait échoué. Cette propagande a ainsi permis aux élites occidentales d’empêcher toute tentative de réforme du système social. C’est dans cette perspective que les États-Unis ont imposé des mesures restrictives à l’égard de Cuba. La diabolisation des régimes communistes a servi de justification pour détruire Cuba et cacher les réussites du régime en matière de politiques sociales (notamment leur système de santé). Les États-Unis craignaient « l’effet de démonstration », plus précisément, que les Cubains servent de modèle aux pays voisins.
Au cours de la dernière décennie, on a observé une évolution dans la politique militaire américaine à l’étranger. Depuis le fiasco de la guerre du Vietnam, et le mécontentement public qu’elle a provoqué, l’interventionnisme américain n’est plus toléré par la population américaine. Ainsi, les interventions militaires sont limitées à des États trop faibles pour réagir ou sont faites indirectement, par le recours à des États mercenaires.
Dans le cas de la guerre du Golfe, les États-Unis ont par ailleurs pris soin de ne pas consulter l’opinion publique. Comme tout régime totalitaire, le gouvernement a refusé le débat et a empêché la circulation d’informations. De leur côté, les médias ont usé de leur influence pour diffuser la propagande d’État à propos de la dangerosité présumée des Irakiens. Les États-Unis ont ainsi pu, en toute impunité, faire la démonstration de leur puissance et montrer qu’ils étaient devenus l’unique puissance hégémonique du Nouveau Monde, post-URSS.
Chapitre 6. Les collectifs militants.
Il n’existe aujourd’hui aucune structure ou institution populaire dans laquelle pourrait s’exercer une forme de collaboration militante. Néanmoins, face à l’endoctrinement auquel nous soumettent les médias, il est impératif de créer des alternatives pour rassembler les citoyens, notamment d’instituer des médias alternatifs et indépendants. Seulement dans ces conditions, nous pourrons accumuler progressivement l’expérience nécessaire pour instaurer un système plus collectif.
Cependant, il est important de bien réfléchir aux conséquences de cette idée. Elle implique en effet un renouvellement de la connaissance, du pouvoir, et un développement de la conscientisation. Or, cela implique des efforts importants, que certains ne sont pas prêts à donner, craignant de perdre leur travail et de ne plus pouvoir subvenir aux besoins de leurs enfants. « Il est difficile de se battre pour ses droits, souvent, on en souffre ».
Par où commencer ce travail d’émancipation ? La première étape concerne l’éducation, afin de garantir que chacun sache en quoi consiste le pouvoir et que les mentalités changent. Cela donnera aux citoyens les moyens de se développer sans être contraints par les institutions de contrôle, et de bénéficier d’une liberté de pensée maximale.
En somme, il faut enseigner la résistance, face à ce monde dans lequel ni l’honnêteté ni l’indépendance ne sont encouragées. Dans ce monde, dans lequel le pouvoir est détenu par une minorité, seules la servitude et l’obéissance sont récompensées. Pour s’émanciper, notre unique solution est de développer des organisations populaires, de soutenir les actions de solidarité et, en général, de rassembler les gens.
Troisième mouvement
Chapitre 7. Intellectuels et changements sociaux.
Le marxisme, comme le freudisme, est devenu un culte irrationnel. Les marxistes ont fait d’une personne, Marx, l’incarnation d’une idéologie. Or, « cela n’a aucun sens parce que les gens ne sont pas des dieux ». En dehors même de la dimension fanatique du marxisme, les lois sur lesquelles il se fonde posent un problème. Selon Marx, l’histoire serait dirigée par des lois qui expliquent l’apogée du capitalisme et prédisent sa fin (une hypothèse que la réalité n’a d’ailleurs pas confirmée). Cependant, en réfléchissant de la sorte, Marx devient lui-même un théoricien du capitalisme.
Les intellectuels, marxistes ou non, sont en théorie chargés de l’éducation. Cependant, le système éducatif est aujourd’hui inefficace dans la mesure où les programmes scolaires n’ont pas réussi à transformer le travail d’assimilation des connaissances au plaisir d’apprendre. Le bachotage et le par cœur n’empêchent pas les étudiants d’avoir oublié toutes les connaissances qu’ils ont ingurgitées aussitôt que l’examen est terminé. Il faut que nous changions notre conception de l’enseignement : l’essence de l’éducation ne réside pas dans une base de connaissances qui constitue la vérité et le savoir, mais dans le fait de penser par soi-même. Tout enseignement devrait avoir pour vocation première de susciter la volonté de réfléchir, la volonté d’apprendre.
Finalement, « se contenter de régurgiter les "bons livres" est le pire moyen d’y parvenir, c’est simplement une façon de transformer les gens en automates. Appelez ça éducation si vous voulez, mais c’en est l’exact contraire ». Dans ces conditions, l’école n’est que l’institution chargée de fournir une main-d’œuvre au capitalisme, c’est-à-dire qu’elle forme à l’obéissance et à la conformité. « Vous n’êtes pas censé réfléchir, vous êtes censé obéir et assimiler ce qu’on vous demande de connaître de la façon requise. »
Chapitre 8. Lutte populaire.
Si l’on veut révolutionner le système – au sens littéral du terme –, il faudrait changer les mentalités, ce qui semble difficile.
Quand on parle de liberté, il convient de distinguer les libertés positives des libertés négatives. Au sens négatif, la liberté signifie l’absence d’entraves ; on ne doit pas nous empêcher d’agir. Au sens positif, la liberté renvoie à l’exercice même de sa liberté, aux circonstances effectives ; elle nous permet de faire quelque chose. Aux États-Unis, la liberté négative l’a emporté. Or, « les libertés négatives doivent exister, il faut fermement les défendre, mais tenter ensuite de les transformer en libertés positives. »
Le second volet de la lutte populaire doit être la question du libre-échange, inhérente au système capitaliste. Les accords internationaux qui favorisent son développement vont en réalité à l’encontre de la démocratie. La libéralisation totale, avec la floraison des banques, des sociétés d’investissement entre autres, entraîne un accroissement du pouvoir de ces sociétés, et cela, sans aucun contrôle public.
Dans ce système de domination, les États-Unis sont champions, particulièrement concernant les démonstrations de violence. L’un des exemples de la violence des agissements américains est le génocide soutenu par les États-Unis au Timor oriental. Il est difficile de savoir clairement ce qui se passe là-bas, en raison de l’absence de couverture médiatique. Mais, on peut facilement deviner que ce massacre perdure grâce à l’aide active des États-Unis aux Indonésiens (principalement par la vente d’armes).
Avant de mettre en place un type d’organisation sociale viable pour limiter l’exploitation du tiers-monde, la prolifération d’armes – notamment nucléaires – ou la crise environnementale, il faut détruire le système de l’État-nation, imposé au reste du monde par le processus de décolonisation. Il s’agit d’un système à l’image de la société européenne, c’est-à-dire hiérarchique, inégal et violent.
C’est donc dans l’objectif de remettre l’individu et les communautés au centre de la vie politique que la création de nouvelles formes d’organisation prend tout son sens. C’était l’objectif de l’ONU, avant que la trop grande puissance de certains pays, notamment les États-Unis, empêche son bon fonctionnement.
Un autre problème prend une ampleur considérable à l’échelle internationale : la crise environnementale, conséquence des effets néfastes du capitalisme. En maximisant le profit à court terme, le système capitaliste ne se soucie à aucun moment des répercussions à long terme, en l’occurrence, de la destruction de l’environnement. « Les êtres humains se révéleront être une mutation mortelle, susceptible de détruire de nombreuses vies en même temps que la leur. » Pour conserver une part de rationalité et d’optimisme, il est sûrement possible d’améliorer la situation et de réparer ce qui a déjà été endommagé.
Chapitre 9. Organiser la mobilisation
La question du militantisme est inhérente à celle des médias. Ce qui ressort de l’analyse des organisations militantes est l’importance du libre arbitre. Avec la propagande des médias, il semble impossible de se fier à qui que ce soit d’autre que soi-même. « Il faut tout lire d’un œil sceptique. »
Aujourd’hui, les médias ont adopté une nouvelle forme de censure qu’ils nomment la concision. « C’est une technique de contrôle de la pensée » qui oblige un orateur à énoncer ses idées en un laps de temps très court – et très souvent entrecoupé de spots publicitaires – afin de limiter son argumentation et, par la même occasion, de ne pas laisser le temps à l’auditeur d’assimiler ce qu’on vient de lui dire. De surcroît, les individus cherchant à se mobiliser ne se regroupent que très rarement et ignorent souvent l’existence de mouvements connexes auxquels ils pourraient s’affilier.
Ce mécanisme repose sur un principe simple d’atomisation de la population. Il s’agit d’un frein à l’accroissement du poids militant, qui pourtant, devrait être au cœur du projet politique de gauche. Il faut d’ores et déjà, pour la gauche, convaincre les individus que le système est injuste et qu’il est possible de s’organiser pour le changer. Cela passe évidemment par un travail d’éducation et de mobilisation qui implique de créer des groupes, de délivrer des connaissances par la rédaction et la lecture de livre, mais également par des conférences.
Le système de l’État-nation doit aussi être repensé. Il est indéniable que certains pans défendus par ce système sont à conserver et à protéger, comme l’État providence. « Dans n’importe quelle perspective réaliste, ce système politique, avec tous ses défauts, contient des possibilités de participations […] que d’autres institutions, telles que les entreprises, ne contiennent pas. » Le gouvernement, notamment, constitue le seul contre-pouvoir contre les entreprises qui gangrènent la société. Même si ces dernières exercent une forme de pression sur les gouvernements, ils conservent malgré tout une marge de manœuvre pour influer et réguler. La réduction des déchets toxiques, ou la mise en place de normes médicales en sont des exemples. Se débarrasser tout de suite du gouvernement serait contre-productif. Avant cela, « il faut que nous obtenions du gouvernement qu’il fasse tout ce qui est en son pouvoir ». C’est pourquoi il faut obliger ces entreprises, ces fonds de pension à rendre des comptes à la population, en leur retirant ce pouvoir quasi illimité dont ils disposent.
Il existe une désillusion massive chez les individus. Elle s’explique par une crainte du futur, par la perte de confiance vis-à-vis des deux partis politiques, et par un fort mécontentement face aux institutions. C’est le moment de réagir et de se mobiliser pour obtenir des changements sociaux, et ce même si les individus se sentent impuissants. « Nous sommes confrontés au mélange d’un très haut degré de désillusion et d’un très faible degré d’espoir et de perceptions d’alternatives. » C’est donc sur ce point que les militants devraient s’investir et intervenir.
Chapitre 10. Le tournant.
Bien que certains soient sensibles au discours réformateur, voire révolutionnaire, un problème contextuel persiste. Les individus doivent survivre financièrement, subvenir aux besoins de leurs enfants, et disposer de temps pour les éduquer. On peut comprendre que certaines personnes craignent pour leur propre sort et cherchent dans un premier temps à s’en sortir.
Dans le même temps, les dirigeants continuent d’aider gracieusement les plus riches. Ils le font de deux façons, tout d’abord via les subventions directes au commerce, deuxièmement, par des mesures fiscales régressives. Le mécanisme fiscal est inversé, et les plus pauvres payent alors proportionnellement beaucoup plus d’impôts que les plus riches.
En ce qui concerne l’aide sociale, il y a une propagande et une désinformation sur le sujet. Tout réside dans la définition de l’aide sociale, présentée de facto comme une aide aux pauvres. En raison d’une véritable propagande des médias en la matière, les Américains ont une image négative de cette aide, comme une aide favorisant l’assistanat dans une situation où eux travaillent durement pour survivre. Par conséquent, il y a un réel décalage avec la réalité : le problème réside surtout dans le fait que ce type d’information attise la haine et participe à l’atomisation et à la désunion de la population.
Parallèlement, depuis quelques années, le poids du capital spéculatif devient démesuré. Ainsi, les investisseurs possèdent presque un droit de veto concernant toutes décisions politiques. En effet, leur impact financier est tel que le gouvernement ne peut se permettre de l’ignorer. Le magazine Fortune a en effet montré l’explosion des hauts revenus et des bénéfices des grandes entreprises. En somme, nous sommes face à une économie de contes de fées, qui n’est favorable qu’à un faible pourcentage de la population dont les revenus ont atteint des sommets.
Il faut s’alarmer devant la précarité du travail, et surtout devant le désastre écologique qui nous guette. « Il ne faut pas attendre que les désastres se produisent… Il faut créer les structures de fond. » En termes de destruction humaine, ces problèmes environnementaux atteignent une échelle qui n’a jamais été connue dans l’histoire de l’humanité. Chacun doit faire son choix pour savoir s’il souhaite ou non participer au sauvetage de la Terre et de ses habitants par la même occasion.
En parallèle, le mécontentement du peuple est croissant, n’ayant plus foi, ni confiance en personne, il ne sait plus vers qui se tourner et se retrouve alors abandonné et dépourvu de tout soutien. C’est dans ce sens et dans la nécessité de résoudre ce problème que cette période est une charnière dans l’histoire, « […] parce qu’à ce stade-là, les gens sont tellement désillusionnés qu’ils croiront quasiment n’importe quoi. »
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