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La crise sanitaire a fortement perturbé l’économie mondiale, en particulier le marché des produits alimentaires. Il s’en est suivi une impressionnante hausse des prix, qui a été aggravée avec la guerre en Ukraine. Contrairement aux annonces faites par le gouvernement, aucune amélioration n’a eu lieu : les prix de l'alimentation continuent à grimper, impactant de plus en plus fortement le budget des ménages, déjà mis en difficulté par le contexte économique global.

Graphe Économie
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publié le 15/04/2023 Par Olivier Berruyer
Explosion des prix de l'alimentaire : la hausse continue...
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Cet article est un résumé et une mise à jour de la série consacrée à ce thème l’année dernière.

Des prix mondiaux toujours au niveau du pic de 2008

L’observation de l’indice FAO des prix des produits alimentaires (corrigés de l’inflation) fait apparaître une grande volatilité des prix de ces produits depuis la crise des subprimes. Alors que de 1990 à 2005, les prix des produits alimentaires étaient relativement stables, on distingue depuis lors plusieurs périodes très marquées.

Entre 2006 et 2008, les prix ont brutalement augmenté de 65 %, ce qui a provoqué de graves crises alimentaires et entraîné des « émeutes de la faim » en 2007-2008, notamment sur le continent africain, mais aussi dans plusieurs pays d’Asie et d’Amérique du Sud. Plusieurs phénomènes expliquent cette soudaine flambée des prix des produits alimentaires :

- La hausse de la consommation alimentaire, en particulier de viande, dans de grands marchés émergents comme la Chine et l’Inde, qui deviennent gros consommateurs de viande avec leur développement ;

- La baisse de la production mondiale — notamment céréalière — entre 2005 et 2007, aggravée par « El Nino », un courant chaud à l’ouest de l’Amérique latine survenu en 2006-2007 qui perturbe le climat mondial, et donc les récoltes ;

- L’augmentation de la part de la production agricole mondiale consacrée à la fabrication d’agrocarburants.

Après une très forte baisse des prix en 2009 à cause de la crise mondiale, ils ont à nouveau augmenté à partir de 2010, et ont retrouvé leur niveau d’avant la crise. À partir de 2012, les prix des produits alimentaires ont amorcé une baisse continue qui s’est poursuivie jusqu’à la fin de l’année 2019.

Ensuite, la crise sanitaire du Covid-19 a engendré une spirale inflationniste : les prix des produits alimentaires ont augmenté de 70 % entre mai 2020 et mars 2022, ce qui a propulsé l’indice FAO à son pic historique. Ce renchérissement est notamment dû au ralentissement économique mondial (qui a entraîné une baisse de la production dans certaines régions du monde), mais aussi à l’augmentation du prix de l’énergie (qui a perturbé les chaînes d’approvisionnement) et à des perturbations climatiques (comme les canicules en Amérique du Nord à l’été 2021).

La crise politique et économique qui se déroule depuis la guerre d’Ukraine a entraîné une nette baisse des prix mondiaux, qui restent cependant 30 % supérieurs au niveau de 2019 et 60 % au-dessus de leur niveau moyen historique.

Dans le détail, on constate que ce sont les huiles végétales qui ont connu la plus forte hausse : leur prix a triplé entre 2019 et 2022, avant de baisser de moitié. Le prix des céréales reste élevé après avoir atteint un pic historique ; il se situe, comme le prix du sucre, 50 % au-dessus de son niveau de 2019. Enfin, le prix des productions animales a moins augmenté sur la période : les produits laitiers ont ainsi augmenté de 30 % et la viande de 20 %.

Les prix des différentes huiles ont connu le même mouvement, de fortes hausses puis de moindres baisses, à l’exception de l’huile d’olive qui reste à des niveaux historiquement hauts.

Comme la Russie et l’Ukraine figurent parmi les plus grands exportateurs de maïs et de blé, les prix de ces céréales restent élevés. Seul le riz, peu impacté par la crise en Europe, est resté à un niveau relativement stable.

15 % de hausse des produits alimentaires en France

L’inflation en France, tous produits confondus, dépasse désormais les 7 % selon Eurostat. Comme cet institut travaille avec des normes harmonisées, ses résultats sont plus fiables que ceux de l’Insee, dont le calcul sous-estime en permanence l’inflation. L’institut français estime l’inflation à seulement 6 %, ce qui augmente d’ailleurs fictivement la croissance du PIB et celle du pouvoir d’achat de 1 point.

On observe que l’inflation des produits alimentaires dépasse les 15 % sur un an, comme les consommateurs ont pu douloureusement le constater.

L’inflation alimentaire est également de +15 % dans le seul secteur de la grande distribution, la viande (+30 %) et les pâtes (près de +25 %) y sont les plus impactées.

Rappelons que l’inflation se calcule sur un an glissant, donc par exemple entre mars 2022 et mars 2023. Comme les fortes hausses ont eu lieu en février et mars 2022, le chiffre d’inflation va bientôt « oublier » la hausse de cette période. Il est cependant utile de garder une trace des fortes hausses passées. Si on regarde ce qu’il advient depuis janvier 2022 des prix des 150 produits les plus achetés par les Français, on arrive à un total de +23 % de hausse, 16 % en 2022 et déjà +6 % en 2023.

Ainsi, les hausses de prix mensuelles (de 1 à 3 %) sont désormais largement supérieures aux hausses annuelles de la décennie 2010.

Les marques les moins chères ont le plus augmenté

Si on analyse plus en détail l’évolution des prix des différents types de produits dans les grandes surfaces, on observe que ce sont les marques de distributeurs (c’est-à-dire les produits de marque Carrefour ou Casino par exemple) qui ont le plus augmenté par rapport aux marques nationales. Ce phénomène a particulièrement touché les marques premiers prix, qui ont augmenté de 21 %, car elles utilisent des produits fortement frappés par l’inflation (pâtes, farine, etc.). Nous avons développé ceci dans notre chronique vidéo.

Face à la hausse des prix, une des réactions des consommateurs a été de baisser leur gamme d’achats : on passe du premium au normal, de la marque nationale à la marque de distributeur, ou de la marque de distributeur aux marques Premier prix. Le volume de vente de ces produits Premier prix a ainsi augmenté de 15 % en un an, malgré leur forte hausse de prix, car ils restent malgré tout moins chers que les marques nationales.

L’autre réaction des consommateurs a évidemment été d’acheter moins : le volume total des ventes alimentaires en grande surface a ainsi baissé de près de 3 % en moyenne sur un an, ce qui est considérable. L’inflation commence donc à impacter durement l’alimentation des moins aisés.

Diminution de l’offre et des volumes vendus

Les grandes surfaces, quant à elles, ont décidé de diminuer le nombre de produits différents en rayon (ce qu’on appelle l’assortiment), afin de réduire leurs coûts. Ces assortiments venaient pourtant à peine de retrouver leur niveau normal après les pénuries de la crise du Covid. Si vous ne trouvez plus votre produit préféré en rayon, surtout dans les petites surfaces et drives (-6 % d’articles en moins en un an dans les Proxis et -5 % en drive, après un plus bas à -10 % au printemps 2022), ce n’est donc pas un hasard.

Le Bio a particulièrement été touché, avec 11 % d’articles en moins mis à disposition. Par ailleurs, en raison de leur prix élevé (qui a augmenté de 12 % en un an), ces produits ont été délaissés au profit du non-Bio (descente en gamme). Tout ceci explique que les ventes de Bio ont diminué au final de 12 % en volume depuis un an (après 3 % de baisse l’année précédente). C’est une catastrophe pour les agriculteurs concernés qui ont fait le pari de la qualité sanitaire et environnementale.

De grands écarts entre les grandes enseignes

Le levier principal utilisé par les grandes surfaces pour faire face à l’inflation des prix de leurs achats a été tout simplement d’augmenter les prix des produits. Cela pose certains problèmes, car la grande distribution a mangé son pain blanc et est en perte de vitesse comme nous l’avons vu dans notre analyse du secteur de la grande distribution. Si son chiffre d’affaires de 2021 est 4 % supérieur à celui de 2011, le volume de ses ventes est 4 % inférieur. Comme nous l’avons vu dans un précédent article, cette désaffection touche d’ailleurs plus les hypermarchés (-3,5 % en volume) que les supermarchés (+0,1 %). Ceci oblige donc certaines enseignes et magasins à encore plus monter leurs prix.

Cependant, le niveau des augmentations de prix a été très différencié suivant les enseignes, car celles-ci pratiquent des prix beaucoup plus éloignés que ce que pensent les consommateurs. Des analyses sur des panels de dizaines de milliers de produits aboutissent à des écarts allant jusqu’à 30 % entre enseignes – et donc encore beaucoup plus entre les magasins plus et moins chers des enseignes, car les prix ne sont pas les mêmes dans tous les magasins d’une même enseigne. On parle donc ici d’écarts de prix de 1 à 2 euros sur la plupart des produits courants – pour les mêmes produits vendus dans 2 enseignes différentes. Le graphe suivant illustre les écarts relevés entre enseignes.

Au final, selon ces études, le groupe Casino pratique de très loin les prix les plus chers dans ses Supermarchés Casino, Monoprix et Géant Casino (et également dans les supermarchés Match, non représentés ici). Cela explique les gros écarts de prix constatés dans le relevé de prix chez Casino que nous avons effectué l’année dernière. Les magasins les moins chers en 2021 étaient comme toujours les magasins E.Leclerc, suivis de près par Système U et Intermarché. Suivent à quelques pour cent d’écart les hypermarchés Carrefour et Auchan.

Comme l’a relevé sur son site un des experts du sujet, Olivier Dauvers, Casino a brutalement baissé le prix en ligne (c’est-à-dire pour les seuls drives et livraisons) de ses supermarchés début 2021 afin de rattraper son énorme retard en drive ; ce groupe utilise clairement ses hautes marges en magasin pour réaliser en drive des marges parmi les plus faibles du marché. C’est tout à fait visible sur l’outil de suivi des prix en drive Distriprix réalisé par M. Dauvers.

L’IRi, société spécialisée dans la mesure des prix, a réalisé une statistique très intéressante en mesurant l’écart de prix entre les deux enseignes les plus chères et les deux les moins chères. Il est flagrant que, après s’être rapprochés durant la crise du Covid, les écarts de prix entre les enseignes ne cessent d’augmenter depuis le début de la crise inflationniste à l’automne 2021 comme en témoigne le graphique ci-dessous :

Cela démontre clairement la présence de nombreuses hausses abusives de la part de certaines enseignes, probablement pour augmenter leurs marges, phénomène qui devrait être sérieusement analysé par les pouvoirs publics. Rappelons que, hélas, l’alimentaire est souvent la variable d’ajustement du budget, une fois le loyer et les charges payés. Pour beaucoup de Français, chaque euro compte. Le Secours populaire a réalisé un sondage qui indique que 1 Français sur 3 manque tellement d’argent qu’il doit diminuer la qualité de sa nourriture, et que 1 Français sur 5 est contraint de sauter des repas et ne mange pas à sa faim.

C’est le cas de 1 jeune de moins de 35 ans sur 3, de 1 employé sur 3, et de presque 1 Français sur 2 qui gagne moins que le SMIC. Ces pourcentages sont majorés d’au moins 10 points si on s’intéresse uniquement au cas des femmes de ces catégories, qui souffrent bien plus que les hommes. Les prix de l’alimentation sont donc un sujet majeur.

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