« L’ingérence militaire est le fait du fort contre le faible » - Rony Brauman

Ancien président de Médecins sans frontières et auteur, ces dernières années, de Humanitaire, diplomatie et droits de l’homme (Cygne 2010), Diplomatie de l’ingérence (avec Frédéric Dufourg, Elytis, 2016) et Guerres humanitaires ? mensonges et intox (Textuel, 2018), Rony Brauman retrace l’histoire du droit (ou devoir) d’ingérence, et souligne les points communs et les différences entre guerre juste et guerre humanitaire.

publié le 09/04/2023 Par Laurent Ottavi

Laurent Ottavi (Élucid) : Le droit ou devoir d’ingérence a eu plusieurs significations. À quand remonte-t-il ?

Rony Brauman : La formule « devoir d’ingérence », parce que c’est ainsi que cela a commencé, a été inventée dans les années 1970 par Jean-François Revel et Olivier Todd dans le but de mobiliser les intellectuels d’Europe occidentale en faveur de la liberté d’expression de leurs homologues de l’autre côté du rideau de fer. Il s’agissait de soutenir ceux-ci par l’édition à l’ouest de livres et de documents qui circulaient à l’est sous la forme clandestine de samizdats. Cette formule doit son succès au fait qu’elle inversait le principe onusien de non-ingérence dans les affaires d’États étrangers. En droit, l’ingérence peut être un délit.

Le devoir d’ingérence fut repris avec un autre sens dans l’action humanitaire par Bernard Kouchner et André Glucksmann. D’un soutien à l’expression libre dans un régime communiste, il devenait une aide à des gens qui fuyaient un régime dictatorial, par exemple les boat people vietnamiens. Ce sont notamment Todd, Revel, Glucksmann, Kouchner, qui lancèrent l’opération « Un bateau pour le Vietnam » en novembre 1978.

De « devoir », on est passé à « droit d’ingérence » pour désigner le franchissement illégal de frontières par les médecins humanitaires français (Médecins du monde, Médecins sans frontières, Aide Médicale Internationale etc.), d’abord en Afghanistan, puis dans quelques autres pays où c’était possible, notamment en Érythrée et en Angola. Nous pénétrions dans ces pays en empruntant les voies de passage des forces d’opposition armées, afin d’apporter une aide médicale aux populations se trouvant dans ces « zones libérées ».

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