« Le néolibéralisme se nourrit des crises qu’il génère » - Pierre Dardot

Le néolibéralisme ne signifie pas un libéralisme avec un État minimum. Le philosophe Pierre Dardot, notamment co-auteur avec Christian Laval de La nouvelle raison du monde (La Découverte, 2009), de Ce cauchemar qui n’en finit pas, comment le néolibéralisme défait la démocratie (La Découverte, 2016) et de Dominer, enquête sur la souveraineté de l’État en Occident (La Découverte, 2020) précise le sens d’une notion sujette à beaucoup de contresens et souligne en quoi il représente un système antidémocratique par essence.

publié le 21/01/2024 Par Laurent Ottavi

Laurent Ottavi (Élucid) : Le néolibéralisme est parfois compris comme une somme de réformes. Est-ce une approche trop restrictive à vos yeux ?

Pierre Dardot : Jusqu’au début des années 2010 environ, le néolibéralisme est d’abord et avant tout considéré par la plupart des analystes comme une politique économique. Il relève, de ce point de vue, d’une entreprise de libéralisation de la part d’un gouvernement dans le but de rompre avec ce qu’il reste du capitalisme des Trente Glorieuses, notamment son État-Providence. Nous nous sommes opposés dès 2009, avec Christian Laval, à cette réduction du néolibéralisme à une politique économique. Nous y voyons l’expression d’une paresse intellectuelle et théorique.

Selon cette conception, un changement d’équipe gouvernementale suffirait à sortir du néolibéralisme. Les choses sont en vérité beaucoup plus complexes. Au cours des alternances depuis les années 1980, les gouvernements successifs n’ont pas remis en cause les politiques de leurs prédécesseurs. Cela tient au fait que le néolibéralisme, et la logique de la concurrence qui se situe en son centre, imprègne tout l’ordre social et non pas seulement la sphère gouvernementale et la façon dont l’État est dirigé.

Le néolibéralisme s’est imposé comme type de rationalité, autrement dit comme logique d’ensemble ou comme système, entre le début des années 1980 et le début des années 1990, au moment de la chute du mur de Berlin et du consensus de Washington. Nous parlons d’ailleurs de « crise systémique » à propos de la crise de 2008 dans un livre, Le cauchemar qui n’en finit pas, consacré à cet évènement et à ses conséquences.

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