Emmanuel Macron a récemment annoncé vouloir engager un processus de révision constitutionnelle dans le but d’étendre le champ d’application du référendum et de faciliter l’organisation de référendums d'initiative parlementaire (RIP). Il faut prendre cette annonce pour ce qu’elle est : une énième illustration de l’opportunisme cynique du locataire de l’Élysée, prompt à utiliser toutes les idées, tous les thèmes, toutes les personnes susceptibles de combler un temps, dans un secteur de l’opinion ou dans un autre, un déficit chronique de popularité.
Si elle manque de sincérité autant que de conviction, cette annonce présidentielle s’inscrit cependant dans l’air du temps. Face à la désertion civique, à la crise de la représentation, au sentiment de plus en plus répandu d’une dérive oligarchique de nos institutions, un nombre toujours plus grand de voix s’élève pour revendiquer le retour à une pratique référendaire régulière, sur un mode par ailleurs renouvelé. Il faut dire en effet que le référendum, placé au cœur de la vie politique par le fondateur de la Ve République en 1958, en a progressivement été écarté, décennie après décennie, jusqu’à disparaître complètement.
Une démocratie affaissée
Le contraste a quelque chose de saisissant : alors que, de 1958 à 1969, avec de Gaulle au sommet de l’État, la Ve République naissante voyait sa vie politique scandée régulièrement par des référendums tous chargés d’enjeux importants, cette pratique s’est ensuite raréfiée. Les 50 années qui ont suivi n’ont vu que 5 référendums, soit autant qu’au cours de la période gaullienne... Plus grave encore, cette éminente disposition constitutionnelle a fini par disparaître complètement depuis près de deux décennies. Le dernier référendum a en effet été organisé il y a près de vingt ans, en mai 2005. Depuis cette date, aucun des quatre présidents qui se sont succédé n’a souhaité laisser le peuple exprimer directement sa volonté sur un sujet d’importance.
Il faut voir dans cet abandon de la pratique référendaire une entente tacite des élites, qui trouve sa source dans une politique ouvertement réactionnaire, destinée à ôter au peuple sa faculté de juger par lui-même et en conscience, au motif d'une soi-disant « irresponsabilité foncière ». Il faut dire que les citoyens de ce pays, en rejetant à 55 % la prétendue « constitution » européenne en 2005, avaient à ce point heurté la sensibilité des élites, percuté frontalement leur horizon moral et idéologique, que cela justifiait en retour une réaction radicale : l’iconoclasme populaire devait être neutralisé pour l’empêcher de nuire à un Avenir dont l’élite prétendait plus que jamais définir les contours à elle seule, c’est-à-dire pour elle-même.
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