Cofondateur du site socialiste et décroissant Le Comptoir, rédacteur en chef des pages « Débats et Idées » de l'hebdomadaire Marianne, Kévin Boucaud-Victoire publiait récemment Mon antiracisme. Deux ans après Frantz Fanon. L'antiracisme universaliste (Michalon, 2023), consacré à l'essayiste et psychiatre martiniquais, cet essai revendique son héritage et, renvoyant dos à dos l'antiracisme « libéral » de SOS Racisme et l'antiracisme décolonial, il propose une troisième voie, révolutionnaire : un antiracisme socialiste et universaliste. Entretien.

publié le 29/06/2025 Par Mikaël Faujour
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Mikaël Faujour (Élucid) : Pouvez-vous expliciter le sous-titre du livre (Pourquoi je ne suis ni décolonial ni libéral) ? En quoi consistent ces deux conceptions de l'antiracisme ?

Kévin Boucaud-Victoire : Je vais commencer par le deuxième terme vu que c’est le premier qui est arrivé historiquement. Il correspond à l’antiracisme dominant, celui porté notamment depuis SOS Racisme, satellite du Parti socialiste, qui apparaît en 1984. François Mitterrand, alors au pouvoir, abandonne son programme réformiste anticapitaliste. Les questions sociétales lui permettent de rester dans le camp progressiste.

Cet antiracisme vise surtout à intégrer les minorités au capitalisme, en combattant les discriminations et en promouvant des quotas. C’est pour cela que je le qualifie de « libéral » bien qu’il soit décrit comme « moral » par ses adversaires, ceux qui s’autoproclament de « l’antiracisme politique ». Ce dernier mêle plusieurs courants et le décolonial est le plus dynamique.

Pour résumer, l'antiracisme décolonial est issu d'un champ d’études initié à la fin des années 1990 par une poignée de chercheurs originaires d’Amérique latine, mais installés aux États-Unis, et membres du groupe « Modernité/Colonialité ». Ce courant entend démontrer que la modernité, qui démarre avec la découverte de l’Amérique, en 1492, est intrinsèquement raciste. Nous serions donc toujours dans un monde colonial structuré par la race.

Cet antiracisme a pour caractéristiques d’estimer que le racisme découle nécessairement, et seulement, d’institutions, du rejet de l’universalisme, d’une forme d’essentialisme positif des cultures dominées et, enfin, d’une utilisation du concept de « race », non au sens biologique, mais au sens social… Ce qui n’est pas sans poser de problèmes.

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