La dégradation des services publics par les réformes managériales alimente le rejet populaire des fonctionnaires. Julie Gervais, politiste, spécialiste de la haute fonction publique et des cabinets de conseil, qui a écrit L'impératif managérial (Septentrion, 2019) fait paraître avec l'historienne Claire Lemercier et le sociologue Willy Pelletier La haine des fonctionnaires (Amsterdam, 2024). Ils y déconstruisent ce qu'ils considèrent comme une stigmatisation des fonctionnaires, en recherchent les causes et réfléchissent aux façons de changer le regard des classes populaires sur les fonctionnaires tout en améliorant leur sort grâce aux services publics.
Laurent Ottavi (Élucid) : Le mot de « fonctionnaire » recouvre un spectre extrêmement vaste. Qu’est-ce qui rassemble ceux qui relèvent de cette étiquette ?
Julie Gervais : La définition du terme de fonctionnaire est assez complexe et fait l’objet de grands débats parmi les juristes. Les fonctionnaires ont en commun un statut d’emploi, ce sont des agents qui relèvent du Statut général de la fonction publique. Ils partagent donc une position professionnelle spécifique, faite de droits et de devoirs. Leurs droits ne sont pas des « privilèges » et ne sont pas si éloignés que cela du privé (la sécurité de l'emploi vaut aussi pour le salarié en CDI dans le privé).
Les usagers bénéficient aussi du fait que le fonctionnaire n’ait pas sans cesse à penser à son prochain contrat de travail. La tranquillité d’esprit que cela garantit permet aux fonctionnaires de rendre le service public avec sérénité, en se concentrant sur leurs missions plutôt que sur leur devenir professionnel. Il ne faut pas oublier que les fonctionnaires ont également des devoirs qui protègent les usagers, comme la garantie que son dossier soit traité en toute confidentialité. Mais ces devoirs peuvent aussi être très contraignants, comme la mobilité géographique imposée.
Élucid : Par quelles divisions cette catégorie de fonctionnaires est-elle traversée ?
Julie Gervais : Une fois dit cela, les situations sont très diverses au sein de la fonction publique et la multiplication des statuts rend difficile les distinctions entre les fonctionnaires proprement dits, les agents publics contractuels, les personnes qui rendent le service public bénévolement, comme 80 000 sauveteurs en mer par exemple, ou encore ceux qui le rendent sous statut associatif, comme c'est le cas de beaucoup de métiers dans le social. Le fait d’avoir un employeur public n’est pas non plus un critère puisqu’il y a des personnes rémunérées par l'État qui ne sont pas fonctionnaires (comme les enseignantes et enseignants du privé qui sont payés par le ministère de l’Éducation nationale – on y pense rarement quand on débat sur les dépenses publiques.
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