Le secteur des transports est en trajectoire pour rafler la première place du podium du secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre (GES) de l’Union européenne. Dans la trousse à outils de la lutte contre le réchauffement climatique se trouve la voiture électrique, moins émettrice que sa cousine thermique, mais pas pour autant « zéro émission » ni « zéro impact environnemental ». Son usage contribue à une facture carbone déjà alourdie par sa fabrication, et notamment celle de sa batterie qui compte pour moitié. Le curseur des niveaux d’émissions est indexé sur celui du bouquet électrique du pays. On vous explique tout !

La massification attendue des voitures électriques, gourmandes en matières premières, laisse entrevoir une compétition pour les matériaux sans oublier l'enjeu de l’acceptabilité des mines et de la pollution associée. Une acceptabilité bien fragile en Europe, comme en Serbie ou en France, où la colère gronde et conduit souvent à devoir s'approvisionner – et donc à polluer – ailleurs.

Tout miser sur la seule voiture électrique pour atteindre la cible de décarbonation des transports et du développement durable ne suffira pas. Elle doit s’accompagner de politiques volontaristes qui, plutôt que de renvoyer la responsabilité sur les épaules des citoyens, leur permettent une meilleure accessibilité aux transports en commun ou facilitent les mobilités douces (marche, vélo, et)… sous peine de non seulement perdre sa mise, mais aussi de rater la cible climatique.

Les transports, deuxième secteur le plus émetteur de GES, grignotent inexorablement le budget carbone

Les transports, hors aviation et transports maritimes, sont responsables d’un cinquième des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). Ils suivent une tendance à la hausse malgré les rappels à l’ordre réguliers des scientifiques sur la nécessité de réduire les émissions pour éviter la catastrophe climatique. Jusqu’en 2022, sur la deuxième place du podium des secteurs émetteurs au sein de l’Union européenne, derrière celui de la production d’électricité et de chaleur, le transport a conquis la première marche en 2023… une place qu’il occupait déjà en France, où il est responsable de 32 % des émissions annuelles, loin devant les autres secteurs (l’électricité et la chaleur sont à moins de 10 % du total).

Et le GIEC enfonce le clou :« sans intervention, les émissions de CO2 dues aux transports pourraient augmenter de 16 % à 50 % d'ici à 2050 », la conséquence d’une croissance continue de la demande de services de transport de marchandises et de passagers, notamment en Afrique et en Asie.

Contribution des sous secteurs aux émissions mondiales de CO2 des transports, 2022Contribution des sous secteurs aux émissions mondiales de CO2 des transports, 2022 Emissions mondiales de CO2 des secteurs, 1970-2023Emissions mondiales de CO2 des secteurs, 1970-2023

Le budget carbone, ou budget carbone résiduel, « désigne la quantité nette totale de dioxyde de carbone (CO2) qui peut encore être émise par les activités humaines tout en limitant le réchauffement climatique à un niveau spécifié ». C’est un quota d’émissions sans date limite de péremption à l’échelle humaine, c'est-à-dire que tout dépassement déclenche mécaniquement un réchauffement supplémentaire de la planète, jusqu’à revenir dans le quota autorisé d’émissions (1). Sans intervention des États, les transports sont aujourd’hui en trajectoire pour entamer considérablement les budgets carbone pour +1,5 °C et +2 °C.

Ainsi, le budget carbone pour limiter le réchauffement climatique à +1,5 °C est de seulement 275 milliards de tonnes de CO2 à compter du début de 2024. Au rythme des émissions de 2023, ce budget sera consommé en l'espace de seulement sept ans. Sans que cela ne garantisse que l'accomplissement des objectifs climatiques...

Les budgets pour avoir un peu plus de chance qu’à un jeu de pile ou face de rester sous les +1,5 °C sont encore plus faibles, et ils seront épuisés dans les quatre à cinq années qui viennent. Pour rester sous les +2 °C, le budget de 1 150 milliards de tonnes de CO2 sera quant à lui épuisé d’ici 2050, avec les niveaux d'émission actuels. Des budgets carbone sujets à de fortes incertitudes sur leurs niveaux réels, et qui supposent par ailleurs que la planète soit « net zéro » à leur épuisement, c'est-à-dire que les émissions résiduelles soient complètement absorbées par les puits de carbone naturels et technologiques.

En termes de climat, nous agissons collectivement comme des cigales… au risque de nous trouver fort dépourvus une fois nos budgets carbone consommés et le climat déréglé…

Emissions cumulées de CO2 depuis l'ère préindustrielle, 1850-2023-2050Emissions cumulées de CO2 depuis l'ère préindustrielle, 1850-2023-2050

Étant donné sa contribution aux émissions, le GIEC déduit que « pour atteindre les objectifs d'atténuation du changement climatique, il faudrait transformer le secteur des transports ». Selon leurs évaluations, c’est une transformation drastique qui doit se déployer pour aboutir à une réduction des émissions de CO2 du secteur de 60 % à 70 % d'ici à 2050.

Comme le dirait un ancien Premier ministre, « notre route est droite, mais la pente est forte ».

Le véhicule électrique, figure de proue de la décarbonation des transports

Les voitures particulières et les véhicules utilitaires légers représentent la moitié des émissions des transports. Pour réduire la facture, le GIEC suggère d’activer simultanément deux leviers. D’une part, il s'agit de réduire la demande en transports et de « favoriser le passage à des modes de transport plus économes en énergie ». D’autre part, il s'agit de développer des technologies à faibles émissions de GES, avec notamment des véhicules électriques alimentés par de l'électricité à faible émission.

Avec la décarbonation de l’électricité, les voitures électriques présentent un avantage très net par rapport aux thermiques en termes d’émissions de GES sur toute la durée de vie (fabrication, utilisation et recyclage). Toutefois, bien que moins gloutonnes, elles ne sont pas « zéro émission » pour autant.

La fabrication d’une voiture requiert des minerais qu’il faut extraire du sol (fer, cuivre, nickel, etc.), puis transformer via des process industriels en pièces de carrosserie, trains roulants, moteurs, composants électroniques, etc., ou encore des plastiques issus d’hydrocarbures (habillage intérieur, etc.). La fabrication de la batterie est à peu près aussi gourmande que celle du reste de la voiture et, au final, on relève deux fois plus d’émissions à la fabrication d’une voiture électrique par rapport à celle d'un modèle thermique équivalent. Ce surplus est appelé la « dette carbone ».

Ce sont les mix électriques des pays qui déterminent la valeur absolue des émissions à la fabrication, mais aussi à l’usage. Moins le mix est émetteur de GES – du fait de l’utilisation d’électricité issue des renouvelables ou du nucléaire – et plus les émissions recensées au kilomètre parcouru seront faibles.

Intensité en gaz à effet de serre de la production d'électricité dans le monde en 2022

Les mix électriques varient selon les pays et donc avec eux le bilan final des émissions totales de GES de la voiture électrique. Sur ce point, la France fait figure de bonne élève grâce à la prépondérance de son parc nucléaire dans ses moyens de production d’électricité. Avec des émissions évaluées à ~6 g CO2e/kWh, les centrales nucléaires françaises sont 150 fois moins polluantes qu'une centrale au charbon.

La corrélation est directe entre la croissance des énergies bas carbone et la réduction des émissions des véhicules. Si les pays respectent leurs engagements, c’est une baisse des émissions de fabrication de 20 % à 25 % pour les véhicules thermiques et d’environ 10 % pour les véhicules électriques qui sont projetées pour 2030. Une tendance confortée par la mise en œuvre de nouvelles technologies moins émettrices et par le développement du recyclage (batteries, matériaux, etc.).

Au bout du compte, malgré la « dette carbone » de la fabrication, les véhicules électriques sont moins pollueurs quel que soit le pays d'utilisation (1, 2) et font globalement baisser les émissions. Dans les pays aux mix électriques les plus bas en carbone (France, Suède ou encore la Finlande), le bilan carbone des véhicules électriques sur toute la durée de vie y est trois fois plus faible que pour un modèle thermique, c’est deux fois moins en Allemagne ou en Italie. Un constat qui reste valable dans des pays où la production d’électricité est bien plus émettrice de GES, comme l’Estonie, la Pologne ou encore Chypre. Un véhicule électrique y est en moyenne responsable d’un tiers de moins de GES émis que le thermique.

À l’échelle de l’Union européenne, la voiture électrique a ainsi remboursé sa « dette carbone » au bout d’une ou deux années d’utilisation et évite l’émission d’environ 30 tonnes de CO₂e sur l’ensemble de sa durée de vie par rapport à une voiture thermique équivalente. Effet boule de neige, plus le kilométrage parcouru par une voiture électrique est élevé, plus celle-ci devient avantageuse par rapport à un véhicule thermique.

Emissions de gaz à effet de serre d'un véhicule particulier dans l'UE en 2020Emissions de gaz à effet de serre d'un véhicule particulier dans l'UE en 2020

Ces conclusions sont étendues à l'ensemble des pays par le bureau d'études Rystad Energy, cabinet indépendant de recherche et d'intelligence énergétique : « dans l'ensemble, l'adoption des véhicules électriques - même dans le cas d'un mix électrique futur au statu quo - sera bénéfique pour l'environnement, en particulier dans les pays où le kilométrage annuel est élevé, comme les États-Unis ».

Par exemple, la Chine, dont 60 % de l'électricité provient de centrales à charbon fortement émettrices de CO2, émettra 230 millions de tonnes de CO2e en moins durant le cycle de vie des plus de 5 millions de véhicules électriques vendus en 2022. C'est une réduction de presque 15 % des émissions du parc automobile chinois, qui équivaut au deux tiers des émissions totales de la France en 2023. Dans l’hexagone, ce sont 7 millions de tonnes de CO2e qui devraient être évitées grâce aux ventes de 200 000 voitures électriques en 2022.

Emissions de gaz à effet de serre évitées par les véhicules électriques vendus en 2023Emissions de gaz à effet de serre évitées par les véhicules électriques vendus en 2023

La voiture électrique est insuffisante pour enrayer l’engrenage climatique

Avec la contribution des pays en voie de développement, notamment la Chine, l'Inde et les autres pays de la région Asie-Pacifique, le parc mondial de voitures particulières est amené à prendre de l’embonpoint. À mesure de leur développement économique, les modes de transports peu coûteux et efficaces en termes d’empreinte environnementale tels que les deux et trois roues, les bus et le rail, y sont progressivement remplacés par la voiture individuelle plus pratique, mais bien plus gourmande en matériaux et énergie. Le tout dans des pays qui disposent le plus souvent d’un mix électrique fortement carboné.

Le rapport International Energy Outlook 2023 de l’agence gouvernementale américaine EIA (Energy Information Administration) explore les tendances énergétiques à long terme dans le monde à l’horizon 2050. Ses projections estiment que le parc mondial de véhicules légers, constitué de voitures particulières à plus de 90 %, va passer de 1,4 milliard en 2022 à plus de 2 milliards d'unités d’ici à 2050. Le véhicule électrique y grignotera petit à petit des parts de marché jusqu'à occuper entre 30 % et 50 % des ventes mondiales de véhicules neufs.

À terme, et en l’état des politiques publiques prévues, nous serons cependant encore bien loin de la substitution complète des voitures thermiques : il devrait y en avoir encore plus d’un milliard en circulation dans le monde. En raison des politiques incitatives mises en œuvre et de la taille de leur marché respectif, la Chine et l'Europe occidentale se tailleront la part du lion des 650 millions à 900 millions de voitures électriques qui circuleront alors.

Projections du parc mondial de véhicules légers, 2022-2050Projections du parc mondial de véhicules légers, 2022-2050

L’organisme de recherche indépendant ICCT, l’International Council on Clean Transportation, a évalué les conséquences des projections de composition et de taille du parc automobile mondial pour 2050. En l’état des réglementations et sans effort accrus de décarbonation, les émissions des transports routiers (passagers et marchandises) entre 2020 et 2050 représenteraient 285 milliards de tonnes de CO2. C’est un dépassement de plus de 240 % des 84 milliards de tonnes de CO2 du budget carbone attribué aux transports pour ne pas dépasser +1,5 °C de réchauffement. Même la cible des +2 °C (210 milliards de tonnes de CO2) est compromise avec un excès du budget carbone de plus d’un tiers.

C’est avant tout la quantité de véhicules en circulation qui est en cause. Avec 1,5 à 2 milliards de voitures en circulation, tout écart du « 0 émission » prend des proportions gigantesques. Si dès demain, le parc mondial de véhicules passait au tout électrique avec un mix électrique particulièrement vertueux comme celui de la France, c'est tout de même environ 1 tonne de CO2 qui serait émise chaque année par véhicule. Sur les 27 ans qui nous séparent de 2050, ce sont autour de 50 milliards de tonnes de CO2 émises, soit 85 % du budget carbone +1,5 °C résiduel de 2024 pour l’ensemble des transports routiers (passagers et marchandises). Et il faudrait s’y mettre dès aujourd'hui, et sans garantie de rester sous les +1,5 °C !

Emissions cumulées de CO2 du transport routier mondial entre 2020 et 2050Emissions cumulées de CO2 du transport routier mondial entre 2020 et 2050

Voiture électrique : une empreinte environnementale réduite, mais encore trop forte

Aujourd’hui, dans un monde dominé par les énergies fossiles, ce sont des quantités gargantuesques de matières qui sont extraites du sol chaque année. Entre 2018 et 2022, 12,5 milliards de tonnes de charbon brut (charbon plus déchets) ont été extraites chaque année ; pou le pétrole et le gaz, c'est plus de 8 milliards de tonnes annuels. Il s'agit de combustibles fossiles destinés à être brûlés pour la production d'électricité et de chaleur industrielle.

Au total, ce sont 50 milliards de tonnes de roches, métaux et combustibles fossiles qui sont extraits chaque année pour l'ensemble de la chaîne de fabrication et de fonctionnement des transports et de la production d'électricité. Ces deux secteurs atteignent, voire dépassent, à eux seuls la limite soutenable d'utilisation des ressources naturelles au niveau mondial, estimée entre 25 et 50 milliards de tonnes par an.

La transition d’un monde fossile vers un monde électrique se traduira par une baisse de la demande en énergies fossiles et par une croissance de la demande de métaux. L'IEA anticipe ainsi une demande en minerai six fois plus importante pour les véhicules électriques par rapport aux thermiques. Pour la production d’électricité, c’est par exemple neuf fois plus de minerai pour une centrale éolienne que pour une centrale au gaz.

Au global, la demande en métaux va exploser (multiplié par sept d’ici à 2050) tirée par le fer, le cuivre, le nickel, l’argent, le tellure, le cobalt et le lithium utilisés pour la production de panneaux solaires photovoltaïques et de véhicules électriques. La diminution simultanée d’un facteur quatre de l’extraction des combustibles aboutit à une baisse attendue de l’extraction des ressources naturelles d’un tiers par rapport à la situation actuelle dans les domaines du transport et de la production d’électricité. D’autant plus qu’il s’agit de remplacer des ressources qui sont consommées à mesure de leur extraction (les énergies fossiles) par des ressources stockables et réutilisables via le recyclage (les métaux).

Extraction de ressources naturelles des secteurs de l'électricité et des transports, 2015-2050Extraction de ressources naturelles des secteurs de l'électricité et des transports, 2015-2050 Extraction de minerais pour la transition énergétique suivant les technologiesExtraction de minerais pour la transition énergétique suivant les technologies

L'électrification, en particulier des transports, réduit certes la demande globale en ressources naturelles, mais l’empreinte environnementale reste très significative. L’effet conjugué d’une demande accrue et d’une faible teneur en minerai des sols implique que des quantités importantes de minerais bruts seront extraites (de l’ordre de 20 milliards de tonnes pour les métaux).

Les risques de pénuries en minéraux sont cependant faibles d’après les chercheurs, c’est surtout une baisse des concentrations en métaux des minerais extraits qui se profile. Cette baisse aurait pour conséquence d’augmenter les volumes d’extraction qui resteraient néanmoins bien inférieurs aux niveaux actuels. Ces considérations s’ajoutent aux enjeux de cette nouvelle demande, qui s’accompagne de risques de compétition pour l'approvisionnement des pays exploiteurs, un phénomène propice aux tensions géopolitiques, économiques, sociales et environnementales.

Des frictions sont déjà visibles en Europe. Même si le continent dispose de ressources minières, les mettre en service pose des problèmes d’acceptabilité environnementale par la population, comme c’est le cas en France dans le Massif central qui abrite des réserves de lithium. En Aquitaine, c’est un projet de traitement des minerais de nickel et de cobalt pour les batteries électriques qui suscite des inquiétudes quant à son empreinte environnementale.

Mais en ce qui concerne les gouvernements, cette inquiétude se révèle à géométrie variable. En effet, malgré une opposition de la population à l’ouverture d’une mine de lithium en Serbie, l’Allemagne et l’UE se sont escrimés à tordre le bras du leader Serbe Vučić :

« En se tournant vers l'Occident pour permettre sa transition vers un futur plus vert, Vučić a, selon ses détracteurs, condamné les 7 millions d'habitants de la Serbie à davantage d'exploitation économique et de pollution environnementale, ce qui ne fait que rendre les normes occidentales de démocratie et de responsabilité encore plus inaccessibles. »

Cette situation est bien identifiée par les chercheurs. Selon eux, il y a un risque que « les pays ayant une mauvaise gouvernance de leurs ressources soutiennent la transition énergétique ». Comme l’illustre le cas serbe, pour des raisons politiques, économiques, sociales et environnementales, la croissance de la demande en métaux pourrait se traduire par une concentration de l’augmentation de l’exploitation minière, dans des pays où la gouvernance en la matière est défaillante. Et avec le risque que le boom minier induit par la transition énergétique provoque de graves dommages environnementaux, ainsi qu'un ralentissement de la croissance économique au lieu de profiter aux communautés locales.

Cette situation ne ferait qu'aggraver les inégalités entre les pays « consommateurs de ressources », pays riches aux législations environnementales établies, et les pays « producteurs de ressources », pays pauvres ou aux politiques environnementales faibles, voire inexistantes.

Qualité de la gouvernance des ressources nécessaires à la transition énergétique, 2015-2050Qualité de la gouvernance des ressources nécessaires à la transition énergétique, 2015-2050

La lutte contre le réchauffement climatique via la réduction des émissions mondiales de carbone va ainsi de pair avec l’intensification des risques socio-environnementaux pour les pays les plus défavorisés de la planète, accessoirement les moins responsables de la situation, et ceux ayant le plus à perdre d’un réchauffement global. De quoi provoquer (ou pas) un dilemme éthique chez les décideurs politiques et les actionnaires.

À la vue des transformations en cours, c’est pourtant l’occasion de mettre en œuvre les préconisations des Nations unies sur la gouvernance des ressources minérales : « les ressources non renouvelables […] seront exploitées avec mesure, compte tenu de leur abondance, des possibilités rationnelles de les transformer à des fins de consommation et de la compatibilité de leur exploitation avec le fonctionnement des systèmes naturels ».

Ce boom minier, attendu dans des pays souvent en panne de développement économique, pourrait aussi servir de prétexte pour atteindre d’autres objectifs de développement durable de l’ONU, comme l'éradication de la pauvreté, la création d’emplois décents ou encore l’objectif « d'améliorer progressivement jusqu’en 2030 l’efficience de l’utilisation des ressources mondiales du point de vue de la consommation comme de la production, et s’attacher à ce que la croissance économique n’entraîne plus la dégradation de l’environnement ».

La pression environnementale exercée par les transports doit diminuer drastiquement

Dans un monde où les puits de carbone naturel se détériorent comme en Amazonie, où la capture du carbone technologique ne fera pas de miracle, où les points de bascule du climat se rapprochent dangereusement, chaque gramme de CO2 émis compte pour atteindre notre cible de neutralité carbone.

L’ICCT a évalué que, pour rester en dessous des +1,7 °C de réchauffement, l’électrification des transports est certes essentielle, mais elle ne comptera que pour 40 % de la solution. En parallèle, accélérer la sortie des voitures thermiques du parc automobile, réduire la dépendance à l'égard des voitures dans les zones urbaines et améliorer la logistique du fret restent des mesures indispensables.

Cela suppose une politique volontariste des États pour transformer les zones urbaines, développer les transports en commun en les rendant accessibles au plus grand nombre, ainsi que la promotion des modes de déplacements plus efficaces en termes de consommation d'énergie et de ressources naturelles (marche à pied, vélo musculaire et électrique, petits véhicules électriques, etc.). Pour le GIEC :

« Les évolutions des zones urbaines, les incitations aux changements de comportement, l'économie circulaire, l'économie partagée et le développement du numérique peuvent soutenir des changements systémiques qui conduisent à des réductions de la demande en services de transport ou développent l'utilisation de modes de transport plus efficaces. »

Au mirage d’un véhicule électrique sauveur du climat s’ajoute celui, économique, de la « croissance verte ». Avec un risque certain : celui de rater la cible écologique.

Les scénarios d’électrification des transports s’accompagnent d’un découplage « apparent » entre croissance économique (développement massif des secteurs des véhicules électriques et des énergies renouvelables) et émissions de GES (baisse des émissions avec l’adoption du véhicule électrique et la décarbonation à marche forcée du mix électrique). Ce découplage se fait au prix d’un large dépassement du budget carbone alloué pour ne pas dépasser les +1,5 °C de réchauffement. Et remplacer les carburants fossiles par des renouvelables ne fera que changer le fléchage des prélèvements de ressources naturelles.

Le déploiement des véhicules électriques semble être une condition nécessaire à la transition écologique. Mais sans une stratégie de mobilité individuelle et collective plus large, elle ne suffira pas. Foncer tête baissée dans le tout électrique, même au niveau mondial, ne fera, seul, pas d’étincelles.

« Pour les trajets courts, privilégiez la marche ou le vélo »

« Fumer tue ». Depuis 2010, cet avertissement apposé sur les paquets de cigarettes ne doit pas faire oublier que les cigarettiers connaissaient la toxicité de leur produit depuis plus d’un demi-siècle. Et toute ressemblance avec des faits existants ou ayant existé n’est pas du tout fortuite…

Tout comme les cigarettiers, les compagnies pétro-gazières connaissaient les effets des combustibles fossiles sur le dérèglement du climat depuis au moins un demi-siècle. De quoi entendre un peu différemment les messages de prévention obligatoires dans les publicités de voitures depuis 2022. « Pour les trajets courts, privilégiez la marche ou le vélo », « Pensez à covoiturer » ou encore « Au quotidien, prenez les transports en commun ».

Ces messages à la vertu de façade font peser une responsabilité un peu trop importante sur le citoyen lambda, qui n’a pas forcément le choix de son mode de transport… tout en masquant le manque de politique volontariste de l'État; qui s’abrite derrière le techno-solutionisme que constitue la voiture électrique.

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