Les élus locaux tentent de résister face aux convoitises des mastodontes du numérique. Dans Les villes face aux géants de la tech (Rue de l’échiquier), un livre initialement paru sous le titre Comment les géants du numérique veulent gouverner nos villes, l’économiste et urbaniste Jean Haëntjens, conseiller scientifique de Futuribles International, estime que l’avenir des villes se structure autour de l’affrontement entre deux visions, celle de la cité politique et celle de la ville service numérisée.

publié le 13/07/2025 Par Laurent Ottavi
geants-tech-smart-city-veulent-gerer-nos-villes-jean-haentjens

Laurent Ottavi (Élucid) : En 2017, Google obtient la responsabilité du premier projet urbain d’Amérique du Nord. Pour la première fois, un géant du numérique est donc reconnu officiellement comme un maître d’ouvrage. Dans quel contexte cette rupture est-elle survenue et que révèle-t-elle de l’enthousiasme pour la « smart city » qui régnait alors ?

Jean Haëntjens : Il faut resituer le déploiement de la smart city dans son contexte historique. Au cours des années 2000, on a vu apparaître, en appui des gouvernements locaux, une première génération d’opérateurs numériques qui étaient des techniciens, issus du monde de l’électronique, comme IBM ou CISCO, et qui s’intéressaient principalement aux fonctions techniques des villes : éclairage, gestion des réseaux, circulation, surveillance… À partir de 2010, une nouvelle génération d’opérateurs venant du monde du logiciel a émergé, avec des acteurs comme Airbnb, qui a pris pied sur les marchés du logement et de l’hôtellerie – Uber qui s’est installé dans le domaine des transports, et Amazon qui a concurrencé les commerces de proximité.

C’est un peu plus tard, vers les années 2013-2015, que les milieux de l’urbanisme en France et en Europe ont commencé à s’enthousiasmer pour les concepts de « smart city » ou de ville intelligente. Des villes qui seraient pilotées avec les algorithmes pour réguler les flux de transport, les réseaux d’eau et qui marqueraient une avancée majeure par rapport aux supposées « villes stupides » des siècles précédents. Dans notre France, qui a une forte culture d’ingénieurs, l’administration s’est montrée particulièrement enthousiaste pour le thème de la « ville intelligente ». Étant à la fois urbaniste et auteur d’un livre sur la société numérique, j’ai alors été invité dans de nombreux colloques sur le thème de la ville intelligente. Pour beaucoup d’intervenants, il n’y avait alors pas d’autre salut pour une ville que de devenir « smart ».

Lisez la suite et soutenez un média indépendant sans publicité

S’abonner
Accès illimité au site à partir de 1€
Des analyses graphiques pour prendre du recul sur les grands sujets de l’actualité
Des chroniques et des interviews de personnalités publiques trop peu entendues
Des synthèses d’ouvrages dans notre bibliothèque d’autodéfense intellectuelle
Et bien plus encore....

Déjà abonné ? Connectez-vous