Dans sa trilogie, L’Archipel français, Naissance d’une nation multiple et divisée (Seuil, 2019), La France sous nos yeux, économie, paysages, nouveaux modes de vie (co-écrit avec Jean Laurent Cassely, Seuil, 2021) et La France d’après, tableau politique (Seuil, 2023), Jérôme Fourquet, sondeur, « politologue » et géographe de formation, explore un pays très fragmenté, mais dont les morceaux, les îles comme il les appelle, sont aussi reliés par un certain nombre de passerelles. La France qu’il décrit diffère radicalement de ses caractéristiques d’avant les années 1980, en raison de multiples évolutions, dont la principale est l’effacement de sa double matrice catholique et républicaine. Les résultats électoraux s’éclairent à l’aune de ces bouleversements à la fois économiques, sociaux, culturels et religieux.

publié le 10/06/2024 Par Laurent Ottavi

Il arrive que la recension d’un ouvrage gâche le plaisir du lecteur, tant elle se veut exhaustive. La trilogie écrite par Jérôme Fourquet, dont l’un des tomes a été co-signé avec le journaliste et essayiste Jean-Laurent Cassely, et dont l’ensemble est le fruit d’une collaboration avec le géographe-cartographe Sylvain Manternach, résiste pour sa part à tout enfermement.

Le directeur du département « Opinion et Stratégies d’entreprise » de l’IFOP y explore les tréfonds de la société française et leurs effets sur la vision du monde et les opinions de ses habitants. Il se situe, pour ce faire, à différentes échelles et mobilise une très grande variété d’approches et d’indicateurs (auteurs académiques des sciences humaines, courants idéologiques, processus économiques, monographies de territoires, histoire des groupes sociaux et de leurs récits, pratiques individuelles et collectives, étude des flux, examen des prénoms, musique, gastronomie, littérature, photographie, cinéma, télévision, réseaux sociaux, observation directe, itinéraires personnels, témoignages, portraits, etc.), y compris les plus cocasses de prime abord, comme le nombre de consultations de fiches Wikipédia, la possession de telle ou telle machine à café et la présence ou non d’un animal de compagnie.

Le socle géographique de l’analyse

Jérôme Fourquet parvient de cette façon à établir des constats généraux tout en signalant des cas particuliers, des exceptions qui, au sens propre, confirment la règle. Le croisement entre géographie et sociologie, parmi toute la palette dans laquelle il puise, lui offre un précieux point d’appui. La carte, d’un côté, indique l’influence du contexte et du milieu sur la formation des opinions et l’inclinaison de sensibilités. Elle révèle notamment les disparités du vote et des visions du monde d’un même groupe social selon les régions, entre les ouvriers du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, typiquement, et ceux de la Mayenne ou de la Vendée. Le sondage, d’autre part, renseigne sur l’influence des caractéristiques individuelles (niveau de diplôme, profession, âge) que les cartes ne permettent pas de restituer.

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