La « taxe Zucman » a été adoptée le 20 février à l’Assemblée nationale avec le soutien des députés de gauche et l'abstention du Rassemblement national. Portée par les écologistes, il s’agit d’un impôt plancher sur le patrimoine des ultra-riches. Un impôt qui risque toutefois de passer sous les fourches caudines du Sénat, majoritairement à droite. Le camp présidentiel est vent debout contre cette taxe et les députés macronistes se sont peu mobilisés le jour du vote, rejoignant l’avis de la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, pour qui la proposition de loi est « confiscatoire et inefficace ». Pourtant, une étude de la Direction générale des Finances publiques aurait dû les convaincre de voter pour. L’organisme, qui dépend du ministère de l'Économie, rapporte une richesse démultipliée ces vingt dernières années pour les plus aisés.

publié le 03/06/2025 Par Alexandra Buste, Xavier Lalbin
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Les richesses se concentrent au fil des ans entre les mains d’un nombre restreint de ménages. Ce mouvement creuse des inégalités que la fiscalité parvient de moins en moins à corriger. Avec des impôts qui ont d’un côté augmenté pour la majorité des Français, et diminué de plus de 10 % de l’autre, pour le 0,1 % des plus riches… Sans compter que la croissance des revenus de ces « happy few » n'est pas le fruit de progrès techniques ou d’une meilleure qualification de ces derniers, mais plutôt de dispositions législatives favorables à leur égard.

Les ultra-riches disposent en effet de nombreuses possibilités de réduire leur base fiscale et échappent à la progressivité de l’impôt. En 2016, le taux d’imposition culminait à 46 % pour les 0,1 % les plus riches, mais il redescendait à 26 % pour les 80 foyers les plus riches des plus riches. Un effet régressif de l'impôt – plus on gagne moins on paye – que les largesses fiscales de l’ère Macron sont venues renforcer.

Les revenus et le patrimoine des ultra-riches s’envolent

La Direction générale des Finances publiques (DGFiP), qui regroupe les directions des impôts et de la comptabilité publique, a passé au crible les déclarations de revenus et de patrimoine depuis 2003 des foyers fiscaux les plus aisés résidant en France. Le premier constat est que les ménages à « très hauts revenus » (THR) – le 0,1 % des ménages aux plus hauts revenus – et ceux à « très hauts patrimoines » (THP) – le 0,1 % aux plus hauts patrimoines – sont deux groupes totalement distincts. Dans les deux cas, plus de 40 000 foyers sont identifiés, mais moins de 7 000 font partie des deux groupes. Il y a donc, selon la DGFiP, près de 75 000 ménages qui peuvent être qualifiés de très aisés en France.

Caractéristiques des très hauts revenus et très hauts patrimoines en France en 2022Caractéristiques des très hauts revenus et très hauts patrimoines en France en 2022

Les très hauts revenus constituent un petit cercle de personnes plus âgées que la moyenne, pour beaucoup mariées ou pacsées, habitant Paris ou sa région. En 2022, pour en faire partie, il fallait avoir déclaré un revenu annuel de plus de 460 000 euros, soit près de 40 000 euros par mois.

La moyenne de ces ménages affichait cependant un peu plus d’un million d’euros de revenus annuels, c’est trente fois plus que le reste de la population, qui émarge en moyenne à 32 000 euros par an. Ce 0,1 % de la population cumulait ainsi 3 % de l’ensemble des revenus des foyers de France.

Répartition par âge des foyers très aisés en France en 2022Répartition par âge des foyers très aisés en France en 2022

Et alors que le Produit Intérieur Brut (PIB) par habitant de la France a progressé de près de 50 % entre 2003 et 2022, le revenu moyen de ces foyers privilégiés a lui plus que doublé dans le même temps (+120 %), soit un rythme de croissance deux fois plus important que celui de l’économie nationale et que celui des revenus du reste des ménages. Une fois prise en compte l’inflation, c’est même une croissance des très hauts revenus (3 %/an) six fois plus rapide que le reste de la population (0,5 %/an).

Car, en France, comme dans beaucoup d’autres pays « riches », plus on est riche, plus on s’enrichit. Ainsi, en moyenne, les 10 % les plus riches en revenus se sont accaparés plus que leur part légitime de la croissance depuis 2003. Mais plus on monte dans l’échelle des revenus au sein de ce dixième de privilégiés, plus la part du gâteau a grossi.

Ainsi, la queue de peloton des plus riches, les neufs premiers pour cent du top 10 % – du 90e centile au 99e centile – ont vu leurs revenus croître d’un « maigre » +60 % sur la période. C’est tout de même une fois et demi de plus que les 90 % des Français les moins riches, mais deux fois moins que les très hauts revenus (le top 0,1 %).

Dans le même temps, le dernier centile à l’exclusion des très hauts revenus – du 99e centile au 99,9e centile – s’est vu gratifier d’une augmentation de +80 %. Pour eux aussi, c’est largement plus que les 90 % les plus pauvres (deux fois plus), mais encore loin de l’amélioration de 120 % qu’ont obtenus les très hauts revenus.

Evolution des revenus des foyers à très hauts revenus en France, 2003-2022Evolution des revenus des foyers à très hauts revenus en France, 2003-2022

La DGFiP a par ailleurs pu suivre les trajectoires des individus des ménages à très hauts revenus, avec un constat sans nuances : « une majorité d'entre eux ont été THR (très hauts revenus, ndlr) continûment entre 2006 et 2022 ». Les très riches restent donc majoritairement très riches et les inégalités se creusent avec le reste de la population. Même au sein des 10 % les plus aisés, cette petite minorité de privilégiés se détache et voit ses revenus s’envoler. La France est d’ailleurs 16e sur 38 dans le classement OCDE des pays les plus inégalitaires sur les revenus avant redistribution.

Côté hauts patrimoines, les tendances sont similaires. Le suivi des hauts patrimoines depuis 2003 est cependant compliqué par la transformation, à partir de 2017, de l'impôt sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI). Les données de la DGFiP ne contiennent donc plus d’information sur le patrimoine mobilier (ensemble des avoirs financiers : actions, obligations, assurances-vie, etc.) à partir de cette date.

Entre 2003 et 2016, le patrimoine moyen – immobilier et mobilier – des 0,1 % des ménages aux plus gros patrimoines a doublé, passant de plus de 5 millions d’euros à plus de 10 millions d’euros, c’est plus de 5 % d’augmentation par an. Quant au 99,9 % de la population restante, c’est une multiplication par un peu plus d’un et demi sur la même période (+3,6 % par an), avec un patrimoine moyen de 280 000 euros en 2022. Et ce niveau de patrimoine reste inférieur à l’augmentation annuelle moyenne de 380 000 euros des très hauts patrimoines de 2003 à 2016 !

Depuis 2017, seules les données immobilières sont connues de la DGFiP. C'est une lacune qui pèse lorsqu’il s’agit d'observer les très hauts patrimoines, car ils sont formés aux trois quarts de patrimoine mobilier ; c'était même 79 % en 2016. Cette répartition est à l’inverse du reste des Français, dont près de 70 % du patrimoine est constitué d’immobilier.

Fait rare pour les plus riches, alors que le patrimoine immobilier de la quasi-totalité de la population a augmenté de presque 30 % depuis 2017, celui des très hauts patrimoines n’a crû que de 20 %. Pour autant, avec en moyenne 4,6 millions d’euros d’actifs immobiliers en 2022, ces ménages possèdent un capital immobilier presque vingt fois plus important que le reste des Français (250 000 euros par ménage). Résultat, 0,1 % des ménages détiennent 2 % du patrimoine immobilier français.

Pour la DGFiP, bien que l’on ne dispose plus des données sur les actifs mobiliers des très hauts patrimoines depuis 2017, il est probable que ceux-ci aient augmenté depuis, puisque les revenus qu’ils en tirent ont augmenté.

Patrimoine moyen des foyers à très hauts patrimoines en France, 2003-2016Patrimoine moyen des foyers à très hauts patrimoines en France, 2003-2016

Dividendes, plus-values et bénéfices des entreprises boostent les revenus des plus aisés

La hausse des inégalités a été alimentée à la fois par l’enrichissement des plus riches et l’appauvrissement des plus pauvres. Sur les 20 dernières années, pendant que les 10 % les plus riches en revenus augmentaient de 1,7 point leur part de l'ensemble des revenus (avant fiscalité et transferts sociaux), le quart le plus pauvre de la population voyait sa part réduite de 0,9 point.

Comme souvent, la moyenne masque de fortes disparités. Parmi le décile aux plus hauts revenus, le creusement des inégalités avec le quartile le plus pauvre est bien plus marqué avec les très hauts revenus (top 0,1 %) qu’avec le reste du décile. Pendant que le revenu moyen du dernier décile (hors le dernier 0,1 %) passait de 4,35 à 4,5 fois celui du quart le plus pauvre entre 2003 et 2022, celui du dernier 0,1 % passait de 26 à 32 fois celui des plus pauvres.

En effet, la structure des très hauts revenus est bien différente de celle du reste de la population. Ainsi, traitements et salaires ne représentent qu’un gros tiers du total contre près des deux tiers dans le reste de la population. Ce sont les dividendes et les plus-values tirés des capitaux qui constituent l’essentiel de leurs ressources (47 %). Les bénéfices des entreprises dont ils sont propriétaires et la rémunération de leur patrimoine foncier ferment la marche. Dans le reste de la population, le patrimoine mobilier ne contribue qu’à hauteur de quelques pour cent aux revenus des ménages.

Distribution des catégories de revenus des foyers très aisés, 2003-2022Distribution des catégories de revenus des foyers très aisés, 2003-2022

Cette situation transparaissait déjà à la lecture de l’étude de la Banque de France sur la distribution du patrimoine des ménages. Seuls les ménages des derniers déciles de patrimoine disposent d’un patrimoine financier susceptible de procurer des revenus significatifs.

Les ultra-riches ont ainsi bénéficié à plein de la hausse des marchés financiers, dont le CAC40, l’indice vedette de la Bourse de Paris, qui a doublé entre 2003 et 2022. Quant à la hausse des prix de l’immobilier, selon la DGFiP, elle a non seulement valorisé leur patrimoine mais a aussi atténué les déconvenues financières qu’ils ont pu subir lors de la crise des subprimes de 2008 ou de la crise des dettes souveraines en 2011.

Répartition du patrimoine moyen des ménages par déciles de patrimoine en 2024Répartition du patrimoine moyen des ménages par déciles de patrimoine en 2024

En 2022, tirés par le top 0,1 %, le dixième des ménages les plus aisés capte plus du tiers (34,1 %) des revenus de tous les Français, alors que c’était moins du tiers (32,4 %) en 2003.

D’après les calculs de Bercy, sur l’ensemble de la période, l’enrichissement des 10 % de foyers les mieux dotés est responsable de près de la moitié de l’accentuation des inégalités, telles que mesurées par l’indice de Gini du revenu. Une aggravation des inégalités telle que, « les inégalités après impôt [sur le revenu, ndlr] en 2022 sont semblables aux inégalités avant impôt en 2003 » selon les mots de la DGFiP. En clair, les effets redistributifs de l’impôt sur le revenu d’il y a vingt ans ont été effacés par l’accroissement des écarts de revenus avant redistribution au sein de la population.

Indices de Gini du revenu des ménages, 2003-2022Indices de Gini du revenu des ménages, 2003-2022

Des ultra-riches qui paient de moins en moins d’impôts

La fiscalité rebat certes les cartes, mais les mesures de contournement de l'impôt mises en place par les gouvernements successifs et les écarts initiaux de revenus sont tels que la réduction des inégalités reste faible.

Il est vrai que les très riches sont mis à contribution. Ainsi, en 2022, 13 % de toutes les sommes collectées au titre de l’impôt sur le revenu ont été payées par les seuls 0,1 % de Français déclarant les plus hauts revenus. C’est en moyenne 265 000 euros d’impôt sur le revenu par foyer et 26 000 euros de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.

Mais alors que le taux d’imposition moyen sur le revenu a légèrement augmenté (+ 0,2 point), c’est la progressivité de l’impôt qui a perdu de sa force. Pour la DGFiP, depuis le début des années 2000, le taux d’imposition réel a effectivement augmenté pour la moitié des Français les plus modestes et même pour le décile des plus aisés – hors le top 0,1 %. Dans le même temps, il a baissé pour le reste de la population (soit le top 0,1 % et les 40 % de la population compris entre la moitié la plus pauvre et le dixième le plus riche). C’est notamment le cas pour les très hauts revenus, le top 0,1 %, dont le taux d’imposition moyen a baissé de plus de 10 % passant de presque 30 % à un peu plus de 25 %.

Au point qu’à l'extrême, les milliardaires (le top 0,01 % de la distribution des revenus) ne contribuent aux revenus fiscaux de l’État qu’à hauteur de seulement 26 % de l’ensemble de leur revenu selon le rapport 2024 « Global Tax Evasion » de l'Observatoire européen de la fiscalité. C’est moitié moins que le reste de la population.

Taux de taxation effectif des revenus économiques en 2022Taux de taxation effectif des revenus économiques en 2022

Les plus riches ont notamment profité de la transformation en 2017 de l’impôt sur la fortune. En place depuis 1988, cet impôt – qui touchait 350 000 foyers fiscaux dont le patrimoine était supérieur à 1,3 million d’euros – a vu son assiette restreinte aux seuls biens immobiliers. Devenu l’impôt sur la fortune immobilière, 700 milliards d’euros de patrimoine des plus riches (notamment mobilier) ont échappé à la taxation. Voilà le résultat de la fumeuse « théorie du ruissellement » chère à Emmanuel Macron et ses soutiens, qui tous imaginaient que ce patrimoine non taxé viendrait généreusement irriguer l’économie pour soutenir une croissance économique atone.

Pour faire bonne mesure, l’introduction de la « flat tax », ou prélèvement forfaitaire unique, a permis de baisser de 30 % l’imposition des revenus du capital des plus hauts revenus. Avec cet impôt, les revenus mobiliers sont sortis de la tranche à 45 % de l’impôt sur le revenu et ne subissent plus qu’un taux unique de 30 %. C’est autant de recettes en moins pour les services publics, la protection sociale, etc.

N’oublions pas que, compte tenu de la composition des très hauts revenus, les foyers concernés font aussi partie de ceux qui ont profité de la baisse du taux d’impôt sur les sociétés de 33,5 % à 25 %. Avec ce taux réduit, les entreprises paient un quart d’impôts en moins à l’État (8,5 % / 33,5 %) ; c’est donc un supplément de bénéfices distribuables mis à disposition des entreprises et de leurs actionnaires. De quoi venir augmenter la distribution de dividendes qui constituent une bonne part des ressources de cette tranche de la population.

Taux d'imposition effectifs des Français les plus riches en 2016Taux d'imposition effectifs des Français les plus riches en 2016

Alors certes, ils supportent la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, un impôt qui représentait en moyenne 26 000 euros par foyer en 2022, soit l’équivalent d’un salaire annuel médian. C'est une somme élevée pour de nombreux Français, mais qui doit être rapprochée du million d’euros de revenus moyens perçus en 2022 par les assujettis. Même après impôts sur le revenu (~260 000 euros en moyenne) cela ne vient amputer leurs 60 000 euros mensuels que d’un peu plus de 2 000 euros…

Cela n’a pas empêché les élus macronistes et LR de pousser des cris d'orfraie à la proposition de surtaxe à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus du gouvernement Barnier. Malgré cette opposition, la surtaxe fait partie du nouveau budget de François Bayrou, sous le nom de « contribution différentielle applicable à certains contribuables titulaires de hauts revenus » (CDHR). Elle n’est pourtant dans les faits qu’un mécanisme visant à s’assurer que nos compatriotes à très hauts revenus (les 60 000 euros mensuels nets d’impôts) atteignent au moins 20 % de taux d’imposition sur le revenu.

Présentée comme une concession au Parti socialiste, elle devrait rapporter dans les 2 milliards d’euros et concernerait finalement environ 24 000 foyers. En moyenne, cela correspond donc à un peu plus de 80 000 euros d’impôts supplémentaires par ménage. Une belle somme certes, mais ce ne sont qu’environ 7 000 euros par mois à déduire des quelque 60 000 euros de revenus mensuels. De quoi voir venir la fin du mois…

Et pour adoucir la « douloureuse » facture, le gouvernement s’est empressé de signifier qu’il s’agissait d’un prélèvement exceptionnel. Sans doute la peur de la fuite de nos très hauts revenus vers des pâturages fiscaux plus accommodants...

Réinsérer les plus riches par l’impôt

Contrairement aux idées reçues d’un enfer fiscal français pour les plus riches des plus riches, « si nos milliardaires partaient demain s’installer aux îles Caïmans, leur facture fiscale baisserait peu, car elle est déjà très faible », selon l’économiste Gabriel Zucman. Ainsi, son estimation de la perte de revenu fiscal pour l’État en cas de fuite massive de nos premiers de cordée devant l'insupportable et confiscatoire pression fiscale française serait de… 0,03 % du produit intérieur brut soit de l’ordre de 800 millions d’euros.

Un chiffre à mettre en regard des recettes nettes du budget général de l’État estimées à près de 320 milliards d’euros pour 2025 (pour l’instant) ou encore des 284 milliards d’euros de la fortune estimée de nos 72 milliardaires.

Pour Gabriel Zucman, nul besoin pour ces méritants moteurs du rayonnement de l’hexagone de s’exiler aux îles Caïmans pour réduire leur facture fiscale. La France, comme d’autres pays européens, leur offre déjà l'accès aux sociétés-écrans pour réduire leurs impôts. En se rémunérant par le biais de « holdings familiales », nos milliardaires peuvent y accumuler leurs revenus sans crainte d’être taxés, tout en gardant la capacité de satisfaire leurs caprices : achats de journaux, de yachts, d’immobilier, etc.

Cela n’a pas empêché notre champion national Bernard Arnault, à l’issue de son escapade américaine pour participer au second couronnement de Donald Trump, de s'empresser de se réjouir du vent de liberté qui y régnait, tout en déplorant l’augmentation des impôts en France : « Quand on revient en France après avoir passé quelques jours aux USA, c’est un peu la douche froide […] on a l’impression qu’aux USA on vous accueille à bras ouverts, les impôts descendent à 15 % ». Avec l’éternel sous-entendu de son départ…

Disons alors chiche ! Dans les faits, en émigrant aux États-Unis, Bernard Arnault n’y gagnerait globalement pas grand-chose, tout au plus 2 à 3 points de taux d’imposition en moins ramené à l’ensemble de ses revenus économiques (revenus fiscaux, dividendes non distribués, etc.). En l’état, la perte pour le budget de la France serait là aussi minime, comme vu précédemment.

Pour Zucman, des mesures existent cependant pour éviter l'évasion fiscale via des holdings, comme l’instauration d’un taux minimum d'imposition exprimé en pourcentage du patrimoine. Il s'agit d'un outil puissant qui permet de cibler toutes les formes d'optimisation fiscale, quelle que soit leur nature, puisque basé sur le patrimoine, difficilement manipulable, et non sur le revenu.

C’est l’objet de la proposition de loi du groupe Écologistes adopté en première lecture le 20 février 2025. La proposition prévoit un impôt minimum de 2 % du patrimoine pour les foyers fiscaux dont la fortune dépasse 100 millions d'euros. Une mesure qui pourrait rapporter une vingtaine de milliards d'euros par an (0,8 % du PIB), tout en ne concernant qu'environ 1 800 contribuables. C’est surtout le moyen de s'assurer que les acteurs économiques les plus riches ne paient pas moins d'impôts que les classes moyennes, afin de respecter le principe d'égalité devant l'impôt.

Et pour rassurer ceux qui s'inquiètent d’un grignotage inexorable de la fortune de nos « premiers de cordée » et de la disparition à terme de la « poule aux œufs d’or » : un taux d’imposition de 2 % reste modeste comparé à la rentabilité du capital des grandes fortunes. Avec un rendement moyen de +7 % par an, net d'inflation, au cours des 40 dernières années, une ponction de 2 % laisse tout de même la possibilité de doubler son capital en 14 ans. Une performance hors de portée de la majorité de la population française et qui laisse même entrevoir davantage de marges de manœuvre dans la fiscalisation des plus riches des plus riches.

Photo d'ouverture : Le PDG du groupe de luxe français LVMH, Bernard Arnault, s'adresse à l'assemblée générale du groupe à Paris le 18 avril 2024. (Photo Miguel MEDINA / AFP)