Elle devait être « gagnant-gagnant ». En réalité, la soi-disant « mondialisation heureuse » – celle qui devait stimuler d’un côté le pouvoir d’achat dans les pays riches et permettre de l’autre le développement des pays pauvres – ne s'avère en fin de compte pas si équilibrée que cela. C'est le constat dressé dans une étude récente sur « les échanges inégaux de travail dans l’économie mondiale » parue dans la revue Nature. Avec un résultat édifiant : les travailleurs du Sud global fournissent 90 % de la main-d'œuvre nécessaire à l'économie mondiale et ne reçoivent que 20 % des revenus mondiaux. Car, quel que soit le bien ou le service que nous consommons, une large part de celui-ci est le fruit du travail de petites mains pas chères qui permettent de les rendre accessibles aux populations des pays du Nord global (1).

Environ 370 millions de travailleurs du Sud Global, soit plus que la totalité de la main-d'œuvre américaine et européenne réunies, travaillent pour les pays du Nord Global avec un salaire horaire d'environ 1,6 € pour produire les biens et services que nous consommons. Et tous les secteurs de nos économies sont touchés comme tous les niveaux de qualification… Sans ces pays pauvres, les pays riches seraient obligés de réduire leur consommation ou d'augmenter leur propre temps de travail.


Une production mondiale réalisée à 90 % par les pays du Sud et des revenus captés majoritairement dans les pays du Nord
On connaissait le « travailler plus pour gagner plus » de Nicolas Sarkozy. Dans le cas des travailleurs des pays du Sud, les pays pauvres et moins pauvres, on pourrait plutôt parler d’un « travailler plus pour gagner moins ».
En 2021, ce sont 9 600 milliards d’heures de travail qui ont été consacrées à la production totale de l’économie mondiale. Ces heures de travail ont permis d’extraire du pétrole, du charbon, des minerais, puis de les transformer en métaux, en plastique ; de produire du blé, du soja, des tomates ; de fabriquer des machines, des pièces automobiles, de l’électroménager, des bibelots, etc. Et, sur ce total de production, 90 % a été réalisé par les travailleurs du Sud global. Cela représente 95 % du travail peu à moyennement qualifié et, plus surprenant, 75 % du travail hautement qualifié.


La contribution des pays du Sud à la production mondiale totale augmente régulièrement depuis 1995, et ce dans toutes les catégories de compétences, avec la plus forte augmentation qui est relevée dans la catégorie des compétences élevées. Ce constat ébranle quelque peu le discours rassurant des politiques français, et des autres pays riches, à savoir que le travail qualifié (comme la recherche et développement) resterait épargné par les délocalisations massives vers les pays à bas coûts opérées dans l’hexagone et dans les pays comparables.
Lisez la suite et soutenez un média indépendant sans publicité
S’abonnerAccès illimité au site à partir de 1€
Déjà abonné ? Connectez-vous
13 commentaires
Devenez abonné !
Vous souhaitez pouvoir commenter nos articles et échanger avec notre communauté de lecteurs ? Abonnez-vous pour accéder à cette fonctionnalité.
S'abonner