Le capitalisme contre la démocratie et la sphère privée

Après avoir vu pourquoi il était impossible de moraliser le capitalisme en se concentrant sur le champ strictement économique, ce second article explique, à partir des écrits de Christopher Lasch, comment les libéraux ont échoué à protéger la sphère privée, à commencer par la famille, et analyse les effets du libéralisme moderne sur la démocratie.

publié le 06/04/2022 Par Laurent Ottavi
Le capitalisme contre la démocratie et la sphère privée

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Loin de s’en tenir aux biens et aux services, le capitalisme a reconfiguré l’ensemble des activités humaines. Le pari des libéraux du XIXe siècle, écrit Christopher Lasch dans Un refuge dans ce monde impitoyable, était de protéger du capitalisme la sphère privée, tenue pour un refuge de la sincérité, de la bienveillance et du sentiment - en un mot de la morale. Elle ferait contrepoids au déchainement des appétits individuels dans le monde public, à l’effritement des communautés et à la dégradation du travail en train de devenir une marchandise.

La famille occupait, à cet égard, une place éminente. En tant que socle affectif et cadre d’apprentissage des responsabilités, elle devait transformer des joueurs ou des spéculateurs en travailleurs consciencieux capables de différer la gratification et de saisir leur intérêt personnel éclairé. Elle contribuerait, par ce biais, à pacifier les relations sociales.

La famille et l’école en régime capitaliste

La sphère privée, cependant, n’est pas coupée du reste de la société par une frontière étanche. Les politiques publiques libérales et le marché capitaliste ont miné la spontanéité, la fidélité et la confiance qui animaient à leur base la famille ou encore le quartier. Ces cadres particuliers d’appartenance sont devenus plus abstraits, contractuels et supervisés par des experts en lieu et place des parents, des individus et du voisinage.

Les spécialistes, de plus en plus nombreux bien que de moins en moins officiels depuis l’essor des « influenceurs », se sont placés au chevet d’une société malade à guérir de ses tares : les tabous, les préjugés, la culpabilité, une conception trop peu « inclusive » de l’identité, l’« arriération » et l’« immoralité » populaires. Ils ont ainsi contribué à changer des citoyens actifs en des « assistés », comme l’écrit Christopher Lasch, n’ayant plus confiance en eux. Ces derniers détruisent la confiance sociale en projetant sur les autres leur propre sentiment de ne pas être responsable moralement de leurs actes.

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