La conscience du grand reporter, sur une zone de guerre, est constamment mise à l’épreuve. Le reporter de guerre Laurent Larcher, qui travaille pour le journal La Croix, témoigne de son expérience dans un livre, La fureur et l’extase (Bayard), traversé par les questionnements, par le doute et par le surgissement de l’improbable. Il décrit certains des tiraillements de son métier, les parades ou élévations qui lui permettent d’y échapper ou de les surmonter, et se confronte à l’insondable mystère du fond des choses qui pousse à commettre des actes de grande violence. Entretien.

publié le 22/06/2025 Par Laurent Ottavi
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Laurent Ottavi (Élucid) : Le point de départ de votre livre est le massacre, le lynchage et le démembrement d’un homme pris pour un autre, à Bangui, en République centrafricaine, auxquels vous avez assisté. Il était d’autant plus sidérant qu’il était associé à une allégresse, à une jubilation. Qu’a déclenché en vous cette vision ?

Laurent Larcher : Je l’avais d’abord abordé dans un article, mais j’ai eu besoin d’y revenir, de le mettre en mots. J’éprouvais la nécessité de comprendre l’écho que ce massacre avait eu en moi, d’essayer de percer ce que j’avais vu. C’est la fameuse phrase de Charles Péguy : « Il faut toujours dire ce que l’on voit et il, surtout, il faut toujours, ce qui est plus difficile, voir ce que l’on voit ». Je ne pouvais pas ne pas écrire, à la fois pour comprendre et pour faire savoir.

L’évènement paroxystique que vous évoquez s’inscrit aussi dans un rapport à la guerre ancien. Il était peut-être temps pour moi de prendre le moment de m’arrêter pour ramasser ce que j’avais vu, ce dont j’avais été le témoin pour réfléchir sur ce qu’est l’Homme et ce que ces zones de guerres disent de l’humanité.

Enfin, il était important pour moi de battre en brèche cette interpellation que je ne supporte pas et que je vis comme une grande violence : « ça, c’est l’Afrique ! ». J’entends cette rengaine de la part de proches, de diplomates, de militaires, de personnes chargées de nous diriger, de nous représenter. Qu’est-ce que cela dit de notre rapport à ce continent, de notre rapport à la violence, de notre capacité ou incapacité à vouloir s’y mesurer, y faire face ? Ne pas se confronter à ses questions rend possible la poursuite de la violence.  

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