L’économiste hétérodoxe est une espèce menacée. Nicolas Postel, économiste, professeur à l’université de Lille, est l’un des fondateurs de l’Association française pour l’économie politique, regroupant plus de 600 enseignants et chercheurs, qui défend depuis 2009 davantage de diversité dans l’enseignement et la recherche en économie. Il explique pour quelles raisons le pluralisme dans cette discipline fait largement défaut dans l’enseignement et la recherche, et les conséquences politiques que cela entraîne.
Laurent Ottavi (Élucid) : Le manque de diversité idéologique est un constat régulièrement fait à propos des grands médias. Quel état des lieux faites-vous du pluralisme sur les questions économiques à l’université, l’un des viviers des experts des plateaux médiatiques ?
Nicolas Postel : Le débat en sciences économiques au sein de l’université est très largement verrouillé, ce qui est très problématique compte tenu du poids de l’économie dans la société aujourd’hui. Il en est de même au sein des grandes écoles. Les personnes qui se retrouvent dans la haute administration ont été très mal formées en économie, car elles n’ont eu qu’une seule représentation, celle selon laquelle il faut laisser faire les prétendues lois du marché.
Le problème n’est pas que des enseignants, des chercheurs, des praticiens croient en les vertus de l’ajustement marchand, mais que cette position épistémologique et éthique ait été érigée en loi scientifique… au mépris d’ailleurs des principaux résultats de la science économique qui, précisément, montrent qu’il n’existe pas de loi systématique en économie, et notamment pas de lois de l’offre et de la demande !
Il y a de ce fait un formatage qui s’opère, au détriment des nombreuses traditions d’économie théorique qui ne s’articulent pas autour d’un homo oeconimicus rationnel et d’un marché en concurrence pure et parfaite. Celles-ci permettraient pourtant de réinscrire l’économie parmi les autres sciences sociales et de replacer les questions d’économie à l’intérieur d’un débat politique. Car avec la prétendue loi de l’ajustement marchand, c’est l’idée d’une économie désencastrée du social et de l’écologique qui creuse son sillage.
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