Plutôt que de se livrer à l’exercice de l’interprétation de la Constitution ou de déplorer l’instabilité inédite de la Ve République, l’essentiel est de se questionner sur la finalité de nos institutions. Lauréline Fontaine, professeur de droit public, qui a écrit notamment Lire les constitutions (2019, L’Harmattan) et La Constitution maltraitée : anatomie du Conseil constitutionnel (2023, Amsterdam), invite à penser des institutions fidèles à ce que la collectivité souhaite comme société, et dans lesquelles les titulaires de l’exercice du pouvoir restent attachés à l’éthique de la fonction gouvernante.
Laurent Ottavi (Élucid) : Les élections législatives ont abouti pour le moment et peut-être durablement à une situation de blocage. Quels dénouements, à vos yeux de constitutionnaliste, seraient conformes à la lettre et à l’esprit de la Ve République ?
Lauréline Fontaine : Je voudrais d’abord préciser qu’être constitutionnaliste aujourd’hui, c’est souvent être sommé de répondre à des « questions d’expert » à propos de faits et de normes dont la réalité montre chaque jour qu’ils ne répondent à aucune autre logique que la contingence, l’idéologie ou les intérêts des acteurs. Les constitutionnalistes eux-mêmes défendent parfois certains intérêts, et ont des méthodologies, des croyances ou des intentions qui conditionnent leurs analyses. Les batailles d’interprétation créent ainsi le sentiment que tout peut être dit ou pensé à propos des questions constitutionnelles.
Le véritable climat de concurrence à propos du texte constitutionnel est aujourd’hui remarquable : les acteurs politiques entendent tous le mettre de « leur côté », en recourant aux possibilités qu’il donnerait (article 49-3 à propos de l’engagement de la responsabilité du gouvernement sur le vote d’un texte, article 47-1 à propos de la procédure d’adoption d’un projet de loi de financement de la Sécurité sociale, article 44-3 à propos de la procédure dite du « vote bloqué », article 12 sur la dissolution de l’Assemblée nationale, article 7 sur le nombre de mandats présidentiels, article 16 sur les pouvoirs dits « exceptionnels » du chef de l’État, etc.), et les experts valident ou invalident, dans un brouhaha général, ces interprétations ou ces recours au texte.
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