Le pouvoir a déserté les palais de la République et le sacré s’est éclaté en fonction des différentes îles de l’archipel français. Les « valeurs », devenues omniprésentes dans le discours médiatico-politique, prospèrent sur ce vide. Elles permettent aux hommes politiques de ne s’engager à rien tout en se plaçant du côté du Bien.

publié le 06/09/2022 Par Laurent Ottavi
Le discours des « valeurs » : une duplicité politique et médiatique

À gauche comme à droite, les hommes politiques et les éditorialistes n’ont que le mot de « valeurs » à la bouche. Ils désignent ainsi tout ce qui ne serait pas négociable, le Bien suprême dont la profanation conduirait à la catastrophe. Une alliance entre les Républicains et le Rassemblement national, proclame un ministre, « trahirait nos valeurs». Les attentats islamistes, dira de son côté tel journaliste, nous obligent à « défendre nos valeurs de liberté et de tolérance ». Le président se fera lui réélire en se parant des « valeurs républicaines » pour mieux placer aux extrêmes les autres candidats.

Un ressort de l’impuissance politique

Le mot est extraordinairement polysémique. Les valeurs défendues par les hommes politiques, relève néanmoins la sociologue Nathalie Heinrich, sont soit des « biens abstraits » (la famille, le travail, la patrie, la liberté, la solidarité, l’égalité…) soit des « principes » au nom desquels lesdits biens devraient être préservés (la fidélité, la moralité, l’équité…).

Les invoquer permet de se draper d’une légitimité morale et, par contraste, de diaboliser des opposants qui en seraient dépourvus. Toute alternative ou constat différent sur l’état de la société et du monde s’en trouvent invalidés.

Plus l’homme politique manque de leviers d’actions, plus il a recours à ce stratagème des valeurs afin de se maintenir malgré son impuissance. Il reproche ainsi à l’adversaire souverainiste d’être « replié sur soi » plutôt qu’« ouvert sur le monde ». Les valeurs l’aident également à intimider les opposants aux lois dites « sociétales » ou « mémorielles », mises sur le devant de la scène quand les grands enjeux échappent aux représentants du peuple, et les États de l’Union européenne lorsqu’ils entendent affirmer ou reconquérir leur souveraineté. Ils manqueraient tous deux de « tolérance » et de « dialogue ».

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