Le droit, les droits, sont omniprésents dans nos sociétés occidentales développées. De nombreux actes que nous effectuons au cours de notre vie – percevoir un salaire régulier, une retraite ou des aides au logement, voter, prendre un congé maladie, aller à une manifestation (presque) sans crainte d’être molesté – sont encadrés par des normes juridiques qui s’imposent aux tiers concernés : administrations, entreprises privées, forces de l’ordre. Nous y sommes si habitués que beaucoup de ces droits nous paraissent naturels, au sens le plus immédiat de ce mot, c’est-à-dire évidents. « J’ai le droit », « vous n’avez pas le droit » sont des phrases réflexes qui surgissent spontanément dans certaines situations, illustrant l’ancrage de ces normes dans les mentalités. Cette impression de naturalité est historiquement très récente et à bien des égards trompeuse.
Avant d’être une impression subjective, la « naturalité » du droit est un concept philosophique. En effet, la réflexion juridique a longtemps été dominée par la querelle entre jusnaturalistes et positivistes : les premiers affirment l’existence d’un droit naturel (en latin, jus naturale) – ensemble de droits universels, atemporels et inaliénables que tout homme possèderait du seul fait de son appartenance au genre humain ; les seconds ne reconnaissent que le droit positif, c’est-à-dire les règles juridiques effectivement en vigueur dans un pays ou une entité politique. De cette bataille théorique, les positivistes sont ressortis largement gagnants – mais dans le champ juridique seulement.
Des droits naturels ?
Si la grande majorité des théoriciens se réclament aujourd’hui du droit positif, la conscience collective des sociétés occidentales, elle, est lourdement imprégnée d’une sorte de jusnaturalisme spontané. Le discours officiel sur les affaires domestiques et, plus encore, sur les affaires internationales est sous-tendu par l’idée que la légalité ne se résume pas aux lois conjoncturelles que chaque société se donne à un moment T, mais renvoie à un ensemble de valeurs et de principes absolus d’ordre moral, qui servent de référence à l’aune de laquelle ces lois doivent être jaugées. En face, les discours contestataires – revendications, dénonciations, voire appels à la résistance au pouvoir en place – sont tributaires de la même représentation, à ceci près qu’il s’agit ici de corriger les écarts du droit réel par rapport à l’idéal à l’intérieur même des démocraties.
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