Nationalisme américain : naissance d'une politique étrangère messianique

Messianisme, réalisme, isolationnisme : ces trois termes représentent les déterminants structurels de la politique étrangère américaine. Chacun d’entre eux est façonné par la culture politique propre à ce pays, au centre de laquelle figurent les croyances et les idées constitutives du nationalisme.

Le réalisme se caractérise par son souci de la mesure et de la modération, par l’importance accordée à la stabilité des relations internationales et par une analyse approfondie des risques encourus en cas de guerre. S’il peut pêcher par pusillanimité ou par cynisme, il n’est pas synonyme d’inertie, mais de rationalité dans le choix ou le refus de la guerre. Dans sa version américaine, il ne présente pas de singularité qui le distinguerait de celui des autres puissances.

Il en va différemment du messianisme, c’est-à-dire de l’idéalisme propre à la nation américaine : l’extrême importance du lien direct et privilégié à la Providence – croyance gravée dans le cœur du nationalisme américain – induit un sentiment d’élection, la conviction inébranlable de la supériorité morale de « l’Amérique » et la nécessité de son affirmation, pour son bonheur et pour celui du reste de l’humanité. Forts d’une telle certitude, les États-Unis donnent très tôt et inscrivent dans la longue durée une dimension belliciste à leur politique étrangère. Si leur messianisme au XIX^e siècle n’est par original dans son principe même – il est observable chez beaucoup d’autres nations à un moment ou à un autre – il détonne cependant déjà par sa constance et par son intensité.