«Les lobbies jouent sur l'inculture scientifique des politiques» Stéphane Horel

À travers de nombreuses enquêtes individuelles ou collectives, la journaliste Stéphane Horel a exploré le monde du lobbying et les diverses méthodes de ses acteurs. Elle a notamment réalisé une importante série d'articles sur les Monsanto Papers, et publié plusieurs ouvrages dont « Lobbytomie, comment les lobbies empoisonnent nos vies et la démocratie » (La Découverte, 2018) et « Les gardiens de la raison, enquête sur la désinformation scientifique » (La Découverte, 2020), écrit avec Stéphane Foucart et Sylvain Laurens.

publié le 16/04/2023 Par Laurent Ottavi

Laurent Ottavi (Élucid) : Le terme de « lobby » est utilisé à propos d'acteurs très divers. Pouvez-vous préciser ce que recouvre exactement ce terme ? Est-ce un mot intrinsèquement péjoratif ?

Stéphane Horel : Le terme de lobby n’est pas péjoratif dans le monde anglo-saxon ni à Bruxelles. En France, c’est de moins en moins le cas également. Le problème est effectivement que le terme qualifie souvent tout et n’importe quoi. Les lobbies seraient des forces obscures, sans nom et sans adresse. Rien n’est plus faux ! Ce sont des organisations très précises qui défendent des intérêts et mobilisent, pour ce faire, d’importantes ressources.

Les lobbies correspondent à des firmes et aux organisations qui représentent leurs intérêts : des associations sectorielles (les trade associations), des cabinets de lobbying mandatés par les firmes ou les trade associations pour des missions particulières, des lobbyistes « in house » (« maison », car ils sont employés par les firmes), des cabinets d’avocats, des think tanks constituant les porte-voix des intérêts des firmes.

Il y a une dernière catégorie rarement mentionnée, car elle est moins connue : les cabinets de défense de produits (product defense firm), qui sont des cabinets de lobbying spécialisés en science.

Élucid : Quelles sont les principales différences entre les lobbies dont vous pointez du doigt les activités dans vos travaux, et des groupes comme des ONG qui font aussi un travail d‘influence ?

Stéphane Horel : Les différences ne tiennent pas à la question de la légalité, car le lobbying est autorisé et normalisé. Les collectifs de la société civile, formée des ONG, des associations de consommateurs et autres associations de citoyens, peuvent avoir des biais et l’on peut se demander s’ils sont toujours véritablement représentatifs de la société. Néanmoins, ils n’ont pas d’intérêts économiques à défendre contrairement aux firmes dont je parlais précédemment.

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