« Les grandes villes génèrent des modes de vie hors-sol » - Guillaume Faburel

Laurent Ottavi (Élucid) : Le Covid a-t-il révélé une saturation profonde des habitants des grandes villes ? Quelles sont les caractéristiques de cette saturation, et a-elle conduit à beaucoup de départs depuis 2020, dans des petites villes ou à la campagne ?

Guillaume Faburel : La saturation est bien le terme. Il implique un mal-être et renvoie à un désamour durablement installé des grandes densités urbaines, attesté depuis le milieu du siècle dernier. En arrière-plan, promiscuité éprouvée et pollutions ressenties. Et ce sentiment est plus récemment agi par l’accélération des vies, avec sur-stimulation et stress croissants, fatigue et souffrance relayées. On a là, au croisement, la métropolisation, avec aussi des sensations d’isolement non moins croissantes dans les villes de plus de 100 000 habitants. Raison pour laquelle quitter les grandes villes et aller vivre à la campagne constituent à ce jour un désir majoritaire relayé par toutes les enquêtes, souvent à des fins d’aération et de ralentissement, de quiétude et, particulièrement aujourd’hui, d’espaces de nature.

Toutefois, partir est plus facile à dire qu’à faire en raison de l’emploi concentré dans les grandes agglomérations. Paris a un PIB supérieur à celui de la Suisse, c’est peu dire. Mais il existe bien un débranchement à bas bruit depuis plusieurs décennies. On estime à 5 millions le nombre de personnes ayant quitté les espaces centraux des agglomérations françaises depuis 1970, très majoritairement pour le périurbain. Mais on a aussi dedans des départs vers les campagnes moins urbaines, avec par exemple des vagues successives de néo-ruralité, là aussi depuis les années 1960. Et ces vagues se sont multipliées sur les 20 dernières années, par des motivations écologiques notamment. Dans une enquête que nous avons menée en 2019 en pleine canicule dans cinq grandes villes méridionales en France, 30 % des habitants indiquaient vouloir déménager de ce fait.