Dans L’Empire du moindre mal (2007), Jean Claude Michéa revient sur l’origine du libéralisme en distinguant le libéralisme politique du libéralisme économique. Selon l’auteur, les dérives respectives de ces deux ramifications du libéralisme ont une origine commune.

audio

Podcast La synthèse audio

Recourant à la fois à la philosophie et à l’anthropologie, il tente de décrypter des concepts encore mal compris par la « Société des Modernes ».

Ce qu’il faut retenir :

Le libéralisme a été théorisé dans l’objectif de protéger les populations des guerres civiles aux XVIIe et XVIIIe siècles. Cependant, il apparaît clairement qu’il n’est, sous sa forme contemporaine, plus que l’ombre de l’idéologie initiale d’émancipation. La distinction qui s’est faite au cours de l’Histoire entre libéralisme politique et libéralisme économique est une conjoncture du clivage droite/gauche. L’un découlant de l’autre, les deux pans de cette idéologie sont en réalité interdépendants. Le libéralisme est ainsi une idéologie politique qui a dépassé le clivage entre droite et gauche.

Le libéralisme est caractérisé par un principe de neutralité axiologique qui proscrit le recours à la morale ou à la vertu en ayant recours à des systèmes de normes supérieurs : le Marché et le Droit. Finalement, il prive l’homme du bonheur en encourageant un mode vie égoïste. Ce libéralisme englobant est caractérisé par l’absence de morale. L’idée d’une common decency manque cruellement à la société libérale. C’est explicitement la métaphore qui réside dans la mutation de l’empire du moindre mal en meilleur des mondes.

Comment parvenir à garder l’Humain au cœur d’une société déshumanisante ? La question ne semble même pas se poser en la présence d’un Marché omniprésent, tendant à voir son influence s’agrandir à l’infini. L’empire du libéralisme s’étend : d’un empire du moindre mal, il devient un empire du meilleur des mondes et tend à enfoncer encore davantage l’homme dans l’égoïsme.

Biographie de l’auteur

Jean Claude Michéa (1950-) est un philosophe français. Agrégé de philosophie depuis 1972, il enseigne ensuite en classe préparatoire au lycée Joffre à Montpellier.

Étudiant d’abord l’œuvre de George Orwell, Michéa se concentre ensuite sur la critique du libéralisme économique et politique et de ses effets atomisants et aliénants sur les individus. Dans cette perspective, il condamne la gauche progressiste, qu’il considère être, malgré les apparences, un courant de pensée issu du libéralisme. Michéa défend ainsi une tradition politique socialiste, plébéienne, ouvriériste – position proche de celle de George Orwell. Reprenant à son compte l’idée d’un socialisme conservateur résistant à la fois contre le capitalisme et contre l’individualisme triomphant, son influence dépasse progressivement les milieux intellectuels de gauche et s’étend à certains cercles de réflexion conservateurs.

Avertissement : Ce document est une synthèse de l’ouvrage de référence susvisé, réalisé par les équipes d’Élucid ; il a vocation à retranscrire les grandes idées de cet ouvrage et n’a pas pour finalité de reproduire son contenu. Pour approfondir vos connaissances sur ce sujet, nous vous invitons à acheter l’ouvrage de référence chez votre libraire. La couverture, les images, le titre et autres informations relatives à l’ouvrage de référence susvisé restent la propriété de son éditeur.

Synthèse de l’ouvrage

Chapitre I. L’unité du libéralisme

Malgré une distinction entre un libéralisme politique et culturel et un libéralisme économique, la doctrine libérale doit être envisagée globalement, comme un courant de pensée cohérent et véhiculant des valeurs uniques. Plus précisément, le libéralisme est « l’accomplissement logique » de l’idéologie originelle des Lumières. Il convient donc de parler, de manière englobante, d’une « logique libérale ».

Les deux axiomes du libéralisme sont constitués par un libéralisme politique et culturel – défini généralement comme un courant de gauche appelant à une avancée illimitée des droits et à une libéralisation des mœurs – et par un libéralisme économique – apanage de la droite, dont l’objectif est la liberté économique totale entre les individus. Il faut cependant comprendre que ces deux pans du libéralisme se recoupent inévitablement.

Afin de comprendre comment le projet libéral est devenu une nouvelle pensée philosophique globale, il est nécessaire d’opérer une généalogie du courant de pensée et d’expliquer les motivations initiales. Il s’agit d’abord de comprendre comment l’état de nature, qui vient soutenir la pensée libérale, a été théorisé par les philosophes des XVIIe et XVIIIe siècles. L’histoire est marquée par deux types de guerres : les guerres traditionnelles, qui soudent le peuple, et les guerres civiles, qui créent des divisions idéologiques. Ces deux guerres ont renforcé la crainte de la mort et la méfiance entre les hommes – deux idées qui incitent les penseurs à développer une nouvelle idéologie moderne. C’est donc la lutte contre le “pire des maux”, c’est-à-dire la guerre, qui provoqua l’avènement du libéralisme. Cependant, la logique libérale ne supprime pas la guerre ; elle ne fait que changer sa forme : la guerre par les armes est remplacée par une guerre tournée vers le travail et l’industrie. Le positivisme d’Auguste Comte explique en effet qu’en l’absence de conquête, l’Homme se concentre sur la production afin d’améliorer son quotidien. Pour la première fois, une idéologie a pour objectif primordial la sécurité et le confort de l’individu sur terre.

Le libéralisme philosophique est soutenu par deux structures : le Marché et le Droit. Chacune d’entre elles prend appui théoriquement sur l’autre afin de se soustraire à leurs antinomies. On parle donc d’un « tableau philosophique à deux entrées » selon lequel le Droit est chargé d’harmoniser, par un principe de justice, la défense des différentes libertés. Le Droit incarne ainsi l’autorité de régulation du système libéral, qui s’appuie sur une théorie de la justice censée dépasser les différentes conceptions du Bien.

« L’axiome de base du libéralisme politique est bien connu. Si la prétention de certains individus à détenir la vérité sur le Bien est la cause fondamentale qui porte les hommes à s’affronter violemment, alors les membres d’une société ne pourront vivre en paix les uns avec les autres que si le pouvoir chargé d’organiser leur coexistence est philosophiquement neutre, c’est-à-dire s’il s’abstient, par principe, d’imposer aux individus telle ou telle conception de la vie bonne. »

Ainsi, une théorie libérale de la justice se doit d’être philosophiquement neutre et définit uniquement un modus operandi. Ainsi, pour les libéraux, l’État le plus juste est l’État « qui ne pense pas », c’est-à-dire sans idéologie. Cette idée de neutralité axiologique a été définie par Emmanuel Kant, pour qui « la seule mécanique du Droit suffirait à assurer la coexistence pacifique même d’un peuple de démons ».

Si bien pensée théoriquement, l’idéologie libérale a pourtant échoué dans sa quête de neutralité. Le libéralisme politique, avec l’autorité du droit, n’arbitre plus les libertés en s’appuyant sur une conception définie du Bien, mais en se fondant sur la liberté elle-même. Quel critère, dès lors, doit-il être utilisé pour concilier les libertés de chacun sans nuire à l’exercice de la liberté d’autrui ? En l’absence d’un tel critère, le libéralisme est en proie à l’évolution perpétuelle des mœurs et aux problèmes sociaux qui surgissent, sans pouvoir proposer de solution. Plus encore, l’extension des droits individuels de manière illimitée tend à faire apparaître une « nouvelle guerre de tous contre tous » puisque la neutralité intrinsèque au Droit libéral ne lui permet pas de statuer sur les différents rapports de force qui orchestrent l’opinion publique et la société. L’absence de limitation, conséquence logique d’une telle situation, génère inévitablement des injustices et des comportements égoïstes.

Il convient ainsi de s’interroger sur la différence entre une société juste et une société décente, en recourant notamment au concept de common decency développé par Orwell. En d’autres termes, il s’agit de questionner le socialisme en tant que solution aux problèmes que rencontre le libéralisme. La critique socialiste visait la limitation de l’application du principe de fraternité à la sphère privée, dans laquelle l’État ne peut pas interférer. Limiter la fraternité aux relations privées conduirait inévitablement les individus à adopter un comportement égoïste. Les auteurs libéraux, spécialement Bastiat, ont alors contré la critique socialiste en lui opposant l’idée de Marché. Ainsi, le libéralisme politique se retrouve dans le libéralisme économique. Il permet de le rendre pérenne. Afin de se maintenir, le libéralisme politique n’a pas d’autre choix que de se fonder sur un État juste qui, parce qu’il est neutre, n’édicte qu’un minimum de règles. Il faut donc concéder au Marché et à « sa main invisible », la place de chef d’orchestre pour régler les problèmes, mais aussi tirer profit de ceux-ci. Ainsi, « le scepticisme méthodologique du Droit trouve sa vérité ultime dans le dogmatisme arrogant de l’Économie. »

Néanmoins, la question se pose de savoir si l’économie est bel et bien une solution pour résoudre le problème de « l’ordre moral ». Bien qu’elle soit à présent la voie à suivre, l’idée d’une croissance illimitée qui en découle semble prendre le pas et ainsi le Marché semble désormais incarner le fer de lance de l’idéologie initiale au point qu’il précède l’existence d’un État libéral.

« Le libéralisme politique de Benjamin Constant n’est jamais un aller simple. Il inclut toujours, qu’on le veuille ou non, le retour à Adam Smith. »

Chapitre II. Questions de méthode

La notion d’idéologie mérite d’être précisée. Si, traditionnellement, elle est appliquée aux sociétés totalitaires, l’idéologie peut servir à caractériser le libéralisme. Pour Pierre Manent, il y a, dans la politique libérale, un processus « délibéré et expérimental [qui] suppose un projet conscient et construit. » On trouve en effet, dans le libéralisme, un désir d’organiser scientifiquement l’humanité, conformément à la vision libérale de l’homme, et de matérialiser le dogme libéral à l’échelle planétaire.

Chapitre III. “Société ouverte” et politique de la nécessité

Selon Alain Gérard Slama, la démocratie libérale repose sur « deux valeurs cardinales » : la liberté et la croissance. La liberté, défendue par le Droit, constitue la forme du libéralisme, alors que l’économie, caractérisée par la croissance, en détermine le contenu.

Il faut cependant, ajouter à ces deux valeurs, une condition supplémentaire, qui constitue peut-être une condition de son existence : la tolérance. On pourrait être tenté de donner un sens élevé à cette notion alors qu’en pratique, la tolérance ne désigne que la coexistence entre individus ou l’union entre « des millions d’individus, sans qu’ils aient besoin de s’aimer, ni même de se parler », selon les termes de Milton Friedman. En d’autres termes, le libéralisme correspond à l’avènement d’un monde uniformisé, où la tolérance ne permet que l’institution de relations intéressées et motivées par la consommation.

Chapitre IV. Tractacus juridico-economicus

En conséquence, l’idéologie libérale pose le problème de la création d’une communauté. Le sentiment d’appartenance communautaire semble impossible dans une société libérale définie par un agrégat d’individus « abstraits », n’ayant en commun qu’un objectif de croissance, par la production et la consommation. Ce n’est ni la langue, ni l’histoire, ni une culture commune qui doit servir de ciment social, mais l’intérêt économique. Comment faire société dans ces conditions ?

La notion de communauté dans la pensée libérale est extrêmement pauvre. Elle repose sur l’absence de conflit : le marché et le droit créent un équilibre fondant une « communauté » d’individus qui ne font plus la guerre de tous contre tous et vivent ainsi dans la prospérité. C’est une communauté fondée avant tout sur la division du travail et l’intérêt privé de chacun à commercer avec les autres, sans fondement commun. Autrement dit, l’absence de guerre suffit à faire société grâce à « d’un côté […] le droit de faire tout ce qui n’est pas interdit par la loi, et de l’autre […] celui de faire tout ce qui ne contrevient pas aux lois du marché. »

Cette vision pauvre de la vie en société a plusieurs implications. La première se présente sous la forme d’un paradoxe. Si la vie en société se limite à l’absence de conflit et à la coexistence entre individus pour garantir leur liberté, le rôle de l’État doit être réduit au minimum puisque la liberté individuelle prime. Pourtant, l’État libéral a de nombreuses prérogatives qui l’amènent à s’immiscer dans le domaine privé des individus. Il doit à la fois veiller à la protection du libre fonctionnement du marché et du droit, et garantir la séparation du pouvoir politique « de toutes conditions de la liberté », tout en défendant les conditions de la liberté.

Une autre implication d’une vision minimaliste de ce qu’est la vie en société, d’une « société du moindre mal », tient à l’absence d’exigence morale. En effet, la société libérale n’exige pas de l’individu qu’il travaille moralement sur sa personne. Plus encore, selon Adam Smith, ce n’est que lorsque les individus refusent d’accomplir un tel travail que la société libérale fonctionne le mieux. Étant la source de « toutes les utopies et tous les maux », la tentation morale s’oppose ainsi à l’idéologie libérale. Cela justifie le monopole du Droit et du Marché dans l’organisation sociale. Le Droit libéral permet de prendre des décisions sans aucun jugement de valeur, en recourant à la raison pure : c’est le principe de neutralité axiologique. Par conséquent, la catagenèse des mœurs est la condition sine qua non de l’évolution du droit libéral.

La neutralité axiologique s’applique également au Marché, tourné vers l’objectif de croissance. « La Croissance représente l’alpha et l’oméga du salut politique des hommes » et constitue le fondement réel du lien social moderne. Afin d’atteindre cet objectif, le Marché doit mettre en œuvre une concurrence libre et non faussée afin de garantir, à nouveau, un comportement rationnel. Comme le Droit, le Marché doit être immunisé contre les comportements moraux. Seuls la rationalité, le calcul coût-bénéfice et l’utilité doivent être pris en compte. Sur le marché, « les agents ne se laissent jamais infléchir par de douteuses considérations morales ou idéologiques. »

Il existe toutefois des différences primordiales entre les deux superstructures. Les superstructures juridiques et culturelles sont opposées à l’infrastructure économique. Les conséquences inhumaines du déploiement du marché s’opposent aux velléités émancipatrices contenues dans le Droit libéral. Selon Pierre Manent, l’ensemble du dispositif théorique libéral est organisé en pensant « la vie humaine selon son bien ou selon sa fin ». Or, puisqu’il n’y a ni sujets ni limites dans l’État libéral moderne, la notion de limite, au Marché ou au Droit, est impossible puisqu’elle ne peut être pensée philosophiquement.

Chapitre V. Égoïsme et common decency

L’essence du libéralisme réside donc dans la conviction que, grâce au Droit et au Marché qui proscrivent la morale, il est possible de créer une société libre, pacifique et prospère, annihilant la guerre de tous contre tous. Contre cette approche neutre, individualisante et inhumaine, il convient d’opposer le concept de common decency développé par Orwell.

Le libéralisme a nié l’existence historique de vertus universalisantes. Autrement dit, il refuse une quelconque vision du Bien ou position morale pour régir la vie sociale. Il fait primer le Juste sur le Bien, soit une règle de justice rationnelle, sur une vision morale universelle pour régir la société. Or, cette règle de justice fondée sur la neutralité axiologique et la rationalité sert de paravent à une « justice d’en haut ». L’apparente neutralité du libéralisme légitime les agissements du Droit et du Marché et permet à une minorité de gouverner tout en gardant les citoyens dociles. Contre cette logique, le principe de common decency permet de développer une conception socialiste de la vie en société. Selon ce principe, la décence doit primer sur la justice. En d’autres termes, il s’agit de donner à l’homme les moyens de devenir meilleur, de vivre décemment et dans la dignité. C’est donc une conception qui réhabilite une forme d’axiologie.

La domination du Marché et du Droit, en revanche, aboutit nécessairement à l’augmentation des inégalités entre les individus tirant parti de la Croissance, et les autres, laissés pour compte. Les classes dirigeantes protègent leurs intérêts et en font pâtir les classes populaires (sans conclure qu’elles sont responsables de la misère sociale). L’égoïsme qui imprègne cette logique de fonctionnement tend vers l’avènement d’un Homme sans civilité et sans décence, au point de risquer de « réintroduire […] cette guerre de tous contre tous » contre laquelle le libéralisme a été précisément érigé. En somme, cette société du moindre mal nous prive du bonheur que la décence apporte.

Chapitre VI. L’inconscient des sociétés modernes

Le concept de common decency nous apprend qu’il est impossible d’améliorer les conditions de la vie humaine sans valeurs morales. Le libéralisme, comme le totalitarisme, s’appuie sur « une même vision négative de l’homme », celle de l’égoïsme qui remplace la morale.

Il convient alors de distinguer « l’empire du moindre mal », de « l’empire du bien ». Dans le premier, on accepte l’homme tel qu’il est, donc égoïste. Dans le second, en revanche, on maintient l’idée de l’existence d’un Bien qui permet l’apparition d’un Homme nouveau. L’ambition première d’une société décente, s’appuyant sur une vision du Bien constituée par des valeurs morales et culturelles, est de décourager, sans pour autant interdire, les comportements égoïstes. Une société fondée sur la common decency invite donc les hommes « à donner le meilleur d’eux-mêmes […] c’est-à-dire à développer l’entraide et l’amitié. »

L’obstacle principal à l’établissement d’une société décente, selon Orwell, est le désir de pouvoir, qui se trouve au cœur de l’inconscient des sociétés modernes. Cependant, ce désir traverse l’ensemble du champ des relations humaines ; on ne peut le soustraire parfaitement du mode de vie de l’Homme. Ce désir, inné, n’a toutefois pas la même intensité selon les individus. Seuls certains d’entre eux connaissent un désir de pouvoir excessif, lié à un égoïsme exacerbé. Cet égoïsme existe tant chez l’adulte que chez l’enfant. Cependant, chez ce dernier, l’égoïsme peut encore être modelé. Bien que « le désir de toute puissance constitue l’une des premières figures du devenir de l’esprit individuel », l’éducation permet d’offrir à l’enfant les capacités de dépasser cet égocentrisme, afin de le rendre autonome. Seule la disparition du désir de pouvoir et de l’égoïsme nous permettra d’atteindre une « vraie vie », et une maturité psychologique. Il nous faut donc « un monde dans lequel nous pouvons trouver un sens une fois que nous avons compris que les autres y ont également droit ». Ce n’est qu’en atteignant cette maturité psychologique que l’enfant devenu adulte tient sa place dans l’ordre humain lui permettant « d’entrer dans les chaînes socialisantes du don et de la réciprocité ». Si ce processus échoue pour une raison ou une autre, alors l’enfant se retrouve privé de son pouvoir de grandir.

Or, dans la société libérale qui obéit aux dispositifs « axiologiquement neutres » du Marché et du Droit, cette maturité psychologique n’est jamais atteinte. Ainsi, la société est régie par des experts, les seuls ayant accès à l’autonomie pourtant promise par la pensée libérale. D’une société de contrôle empêchant la guerre de tous contre tous, on arrive à une société de contrôle empêchant « la guerre de chacun contre lui-même », pour atteindre l’autonomie.

Chapitre VII. De l’empire du moindre mal au meilleur des mondes

« Comment échapper à la guerre de tous contre tous […] si l’on ne peut faire confiance à personne et si l’on ne doit compter que sur soi-même ? » L’idéologie libérale a placé l’intérêt des individus au centre de la société. Elle a pour vocation d’assurer aux êtres égoïstes que la paix et la liberté seront maintenues malgré l’égoïsme d’autrui. Cet « empire du moindre mal » tend pourtant aujourd’hui à se définir plus noblement : « L’empire du moindre mal, à mesure que son ombre s’étend sur la planète tout entière, semble décidé à reprendre à son compte, un par un, tous les traits de son plus vieil ennemi. Il entend désormais être adoré comme le meilleur des mondes. »

L’idéologie libérale proclame que, anthropologiquement, l’individu cherche à maximiser son intérêt. Pourtant, dans toute sa contradiction, la politique libérale tend à contraindre l’individu à se comporter de cette manière. Le libéralisme est en cela une utopie : il tend à définir l’homme tel qu’il devrait être, alors qu’il n’avait, initialement, que pour ambition de définir l’homme tel qu’il est. Et l’homme tel qu’il devrait être dans l’idéologie libérale est l’homme égoïste. « Alors commencera une nouvelle histoire, au-delà de l’humain. » Avec le sacre des nouvelles technologies, le futur de l’homme égoïste semble bien sombre et la disparition de l’humanité n’est plus un scénario de film hollywoodien, mais une hypothèse concrète.

Pour éviter cette dramatique issue, chacun doit se questionner sur son existence et son futur : « La richesse suprême pour un être humain – et la clé de son bonheur – a toujours été l’accord avec soi-même. C’est un luxe que tous ceux qui consacrent leur bref passage sur terre à dominer et exploiter leurs semblables ne connaîtront jamais. Quand bien même l’avenir leur appartiendrait. »

*

Vous avez aimé cette synthèse ? Vous adorerez l’ouvrage ! Achetez-le chez un libraire !

Et pour découvrir nos autres synthèses d'ouvrage, cliquez ICI