« Sans Macron et sans élus, le macronisme n'existe plus » - Benjamin Morel

Laurent Ottavi (Élucid) : Pouvez-vous revenir dans un premier temps sur la décision de dissoudre l’Assemblée nationale d’Emmanuel Macron. Les analyses faites à ce sujet ont oscillé entre les considérations stratégiques et psychologiques. Quelle est votre hypothèse ?

Benjamin Morel : Je ne me risque pas à un avis psychologique, que je laisse aux spécialistes. Je préfère me concentrer sur le cadre dans lequel les acteurs politiques se situent, qui les contraint et oriente leurs actions, en ayant conscience que je laisse ainsi de côté tout ce qui relève des actions irrationnelles, notamment des « coups de sang ». D’un point de vue stratégique, donc, la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron s’apparente à un coup de poker avec une paire de deux, ce que confirment a posteriori les informations fuitées dans la presse, même s’il faut toujours se méfier d’une rationalisation a posteriori.

Sur le papier, le pari du Président se tient. Il se fonde sur l’idée que, dans un scrutin majoritaire à deux tours, partir divisé signifie ne pas accéder au second tour (ce que les dernières élections ont encore montré : la gauche en 2022 obtient plus de députés qu’en 2017 alors qu’elle a moins de voix). Emmanuel Macron a ainsi cherché à capitaliser sur les divisions de la gauche, mises en avant lors de la campagne des élections européennes. Il a projeté de nombreux second tour entre la majorité et le RN, où la logique du barrage républicain serait venue renforcer considérablement ses troupes.

« Le front républicain est passé de l’acier au béton, puis du béton à la brique et est en passe de passer de la brique au carton. »