Le « Emmanuel Macron président » s’explique par le « Emmanuel Macron affectif ». Étienne Campion, journaliste à Marianne et auteur de Président toxique (Robert Laffont, 2025), décrit une personnalité qui concentre son attachement à une figure exclusive, sa grand-mère hier, sa femme Brigitte aujourd’hui, pour mieux se déprendre émotionnellement des autres et occulter ce qu’il leur doit. La commission Attali a constitué pour lui une matrice, qui a structuré son univers relationnel et idéologique, y compris en se liant avec McKinsey. Pour autant, il se trouve aujourd’hui délaissé par le microcosme parisien qui l’a porté au pouvoir. Entretien.

publié le 16/03/2025 Par Laurent Ottavi

Laurent Ottavi (Élucid) : Emmanuel Macron estime que l’intime ne permet pas de comprendre son exercice du pouvoir. Vous êtes allé à rebours de cette affirmation, puisque le livre repose sur l’idée que le résultat de la politique d’Emmanuel est le « fruit direct de sa psyché ». Pourquoi ? Quelles raisons vous y ont poussé ?

Étienne Campion : Ce livre est né d’une démarche journalistique progressive. Je ne me suis pas réveillé un matin avec l’idée préconçue d’écrire 460 pages sur Emmanuel Macron. Tout a commencé par une observation troublante : son rapport paradoxal à des figures qui, en théorie, auraient dû être ses alliés naturels – intellectuels, militants, amis proches – et dont il a pourtant fini par se détacher, parfois de façon brutale. Ce constat m’a conduit à explorer un contraste fascinant et encore peu analysé : celui entre le « Macron hyper-séducteur », omniprésent dans les récits médiatiques, et un président devenant, au fil du temps, de plus en plus abrupt, voire cassant, notamment envers ses premiers soutiens.

À mesure que mon enquête avançait, j’ai réalisé que ce basculement était intrinsèquement lié à son histoire personnelle et à sa relation à la pensée. Il existe une porosité indéniable entre le « Macron intellectuel », qui s’érige volontiers en philosophe du pouvoir, et le « Macron intime », dont les ressorts affectifs influencent profondément sa manière de gouverner.

Ce livre fonctionne donc à la fois comme une chronique et une analyse : il retrace les virages idéologiques du président, son usage stratégique des courants d’idées en France, mais aussi la façon dont l’exercice du pouvoir a révélé un rapport complexe à la fidélité et à la gratitude. Mon ambition était de comprendre comment un homme, initialement perçu comme charmeur et conciliant, a pu évoluer vers un exercice du pouvoir marqué par une forme de distance et de dureté, laissant transparaître une ingratitude parfois déroutante.

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