Des méthodes importées du monde du militantisme ont permis d’obtenir une directive européenne en faveur des travailleurs des plateformes. L’eurodéputée La France Insoumise Leïla Chaibi, élue en 2019 puis réélue en 2024, raconte ses cinq ans de combat pour parvenir à cette issue et dévoile l’intérieur de « la bulle », l’Union européenne, si fortement imprégnée par les lobbies. Entretien.

publié le 09/02/2025 Par Laurent Ottavi

Laurent Ottavi (Élucid) : L’Union européenne est surnommée « la bulle ». Et vous écrivez dans votre livre que les murs de l’Union européenne « sont imprégnés de l’idéologie néolibérale ». Les deux idées sont-elles liées ?

Leïla Chaibi : La France Insoumise, dont je porte les couleurs, considère que l’Union européenne, sur laquelle je n’avais pas spécialement de connaissance quand j’étais élue (car je venais du milieu militant), est une machine à produire du néolibéralisme. J’ai constaté cependant en arrivant au Parlement que cette idéologie a aussi des causes matérielles. L’essentiel du travail du Parlement européen se fait à Bruxelles, dans le quartier construit ex nihilo où se trouvent ainsi implantés le Conseil, la Commission et les lobbies qui gravitent autour.

Il est difficile, dans ces conditions, de prendre des décisions favorables aux travailleurs puisque les députés ne les voient jamais. Les représentants des lobbies, par contre, sont présents 100 % du temps et ils maîtrisent parfaitement le fonctionnement de l’Union européenne. Dès lors, le député européen n’est pas confronté comme le député de l’Assemblée nationale à la possibilité de se faire interpeller chaque semaine par des citoyens au marché ou dans sa permanence. Il n’est pas « à portée de baffe » comme on dit. Il se déconnecte vite des réalités.

S’ajoute à cela le fait que le Parlement européen a une culture de la coalition, contrairement à l’Assemblée nationale, car aucun groupe ne peut l’emporter seul. L’avantage de cette situation est de donner plus de marge de manœuvre aux petits groupes, ce qui a contribué à me faire gagner mon combat. Néanmoins, la culture de la coalition transforme vite une partie des députés en fonctionnaires dépolitisés, relayant des avis « techniques » et les propositions d’amendements rédigés par les lobbies.

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