Le fonctionnement d'Élucid et le soutien indéfectible de son lectorat nous permettent de nous extirper de l’actualité brûlante, réactive, pour prendre le temps d'aborder des sujets de fond. Cet article revient donc sur les travaux de l’historien américain, Kenneth Pomeranz, qui étudie les raisons de la divergence au XIXe siècle des destins économiques entre l’Europe et le reste du monde, singulièrement l’Asie. Les travaux de Pomeranz, rassemblés dans son livre The Great Divergence publié en 2000, ont marqué le champ académique mais restent néanmoins peu connus du grand public. Ces travaux théoriques en lien avec l’histoire économique éclairent pourtant les mécanismes clés qui permettent ou inversement empêchent le développement des sociétés. Les relire à l’aune de la « transition » énergétique et écologique sensément en cours s'avère donc éclairant à plus d’un titre.

publié le 14/02/2025 Par Hovannès Derderian

Le principal apport de Kenneth Pomeranz est de montrer que la divergence économique entre l’Europe et l’Asie, notamment la Chine, est relativement récente, datée selon lui de la fin du XVIIIe siècle-début du XIXe, quand le consensus historique la plaçait jusqu’alors au XVIe voire au XVe siècle. Ce décrochage récent et brutal heurte la conception classique du développement qui voit dans le « succès » occidental des dynamiques de fond, des processus accumulatifs de capital permis par l’organisation des sociétés européennes et la plus forte croissance économique du continent.

Kenneth Pomeranz montre qu’en réalité, sur un certain nombre d’indicateurs, la société chinoise était tout aussi avancée si ce n’est plus que la société européenne, avec des indicateurs tels que la consommation de biens de luxe (café, thé, sucre, tabac…), la productivité du travail, le taux d’urbanisation ou l’espérance de vie… D’un point de vue purement comparatif, rien ne permet d’identifier une différence radicale entre sociétés européennes et sociétés asiatiques jusqu’au XIXe siècle environ.

Pomeranz parvient à cette conclusion surprenante en comparant les régions européennes à leur équivalent chinois. En effet, les travaux précédents avaient tendance à réduire la situation de l’Empire chinois à un bloc quand, en réalité, d’importantes différences de développement persistaient à l’intérieur de l’empire. On comparait donc l’Angleterre du XIXe siècle à l’englobant bloc chinois pour montrer le retard important de développement de cette zone. Mais le développement britannique est lui aussi singulier au sein de la zone Europe et il ne nous viendrait pas à l’idée de considérer l’Europe et son histoire complexe comme une seule entité socio-économique cohérente.

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