Le 26 septembre 2022, un attentat a frappé le gazoduc européo-russe Nord Stream qui fournissait l’Allemagne en gaz russe. Afin de bien comprendre les enjeux fondamentaux autour de ce gazoduc, et les graves implications de cet évènement, ce premier article proposera une analyse de la situation énergétique de l’Europe, ainsi que des conditions de mise en place de ce fameux gazoduc. Un second article suivra, et reviendra sur l’attentat à proprement parler pour en étudier les conséquences économiques.
La Russie, fournisseur de près de la moitié de l’énergie importée par l’Europe
Pour assurer le fonctionnement de son économie, l’Union européenne a besoin de 63 exajoules (= 63 milliards de milliards de joules) d’énergie brute. Comme elle produit seulement 25 EJ (10 EJ à partir de sources renouvelables, 8 EJ à partir du nucléaire, 7 EJ à partir de combustibles fossiles sur son sol), l’UE doit donc importer 38 EJ d’énergie, soit 60 % de ses besoins.
Ces importations proviennent d’énergies fossiles : 22 EJ de pétrole, 13 EJ de gaz et 3 EJ de charbon. Sur ce total, 41 % de notre énergie importée venait de la Russie en 2019, ce qui représentait le quart de toute l’énergie consommée dans l’UE. La dépendance est particulièrement forte pour le gaz (plus difficilement remplaçable que le pétrole), surtout pour des pays comme l’Allemagne, l’Italie ou la Hongrie. Nous allons voir pourquoi.
Le gaz, un combustible miracle ?
La consommation planétaire de gaz naturel a fortement augmenté, car il présente plusieurs avantages. D’abord, il est mieux réparti sur la planète que le pétrole, concentré au Moyen-Orient. Ses réserves prouvées font qu’il pourra également être exploité un peu plus longtemps que ce dernier. Par ailleurs, sa combustion est également moins polluante que le pétrole ou le charbon, tant au niveau local (soufre, particules…) que pour le CO2 (gaz à effet de serre).
Enfin, et probablement plus important, jusqu’en 2021, le gaz était peu cher ; cette ère de l’énergie bon marché est révolue.
Au niveau des autres inconvénients, le gaz génère quand même des quantités significatives de CO2 lors de son utilisation : à énergie équivalente, il n’émet que 25 % de CO2 en moins que le pétrole et 40 % de moins que le charbon. En conséquence, bien que sa part soit inférieure à celle du pétrole ou du charbon, le gaz contribue de manière significative aux émissions mondiales de CO2. De plus, le gaz naturel est essentiellement constitué de méthane, qui est un gaz à effet de serre 28 fois plus puissant que le CO2. Les fuites de gaz naturel, non brulé, sont donc très polluantes.
Ceci explique pourquoi il est scandaleux que la Commission européenne et le Parlement européen l’aient inclus dans les énergies « vertes » à soutenir, ce qui a valu d’ailleurs un procès à la Commission.
Enfin, le gaz naturel n’est pas plus renouvelable que les autres combustibles fossiles. Plus sa consommation augmentera pour remplacer du charbon et du pétrole, plus vite il s’épuisera (en 15 ans seulement s’il remplaçait 100 % du pétrole et du charbon).
La fabrication d’électricité à l’origine de la hausse de 40 % de la consommation de gaz en Europe en 20 ans
La consommation de gaz de l’UE a nettement augmenté, passant de près de 300 Gm3 à 380 Gm3 en 30 ans, avec de larges fluctuations causées par l’utilisation du gaz dans le but de produire de l’électricité, qui ne représente pourtant que le tiers de la consommation. Cette situation a été compliquée par le fait que la production de gaz dans l’Union européenne (en particulier aux Pays-Bas) n’a cessé de décroitre, baissant de près de 70 % durant ces trois dernières décennies.
Contrairement à une idée reçue, cette forte hausse de la consommation de gaz n’a pas été principalement causée par l’Allemagne, qui n’a représenté qu’environ 15 % de la hausse. Celle-ci a principalement été causée par l’Italie (un tiers de la hausse de l’UE) et l’Espagne (20 %), la France ayant eu le même poids dans la hausse que l’Allemagne. Tous ces pays ont en effet augmenté la part du gaz dans leur mix énergétique.
Ces fortes augmentations de la consommation ont une raison simple : le développement de l’utilisation du gaz naturel a permis de produire une électricité moins carbonée, et donc moins polluante en CO2, en particulier en Italie et en Espagne. C’est une des raisons de la baisse des émissions de CO2 en Europe.
Des importations européennes de gaz plus que doublées en 30 ans
La consommation de gaz a augmenté de plus d’un tiers, pendant que la production européenne a baissé des deux tiers : en conséquence, entre 1990 et 2022, les importations de gaz naturel dans l’UE ont plus que doublé (+ 140 %) ; elles représentent désormais plus de la moitié de l’énergie obtenue du pétrole.
On constate que la consommation de gaz russe est restée stable durant 25 ans, la Norvège et l’Algérie ayant alimenté la hausse de la consommation. Ce n‘est qu’à partir de 2016 que la consommation de gaz russe a fortement progressé, augmentant de 40 %, en particulier pour remplacer du pétrole et du charbon dans l’optique de la diminution des émissions de CO2. La moitié de cette hausse récente des importations européennes de gaz est cette fois bien imputable à la seule Allemagne.
L’Allemagne, premier client européen du gaz russe
Jusqu’en 2022, la Russie était, de loin, le premier fournisseur de gaz de l’UE, devant la Norvège. Au niveau des clients de la Russie, l’Allemagne était le premier client de la Russie, devant l’Italie et la Hongrie. Le taux de dépendance énergétique est particulièrement fort dans les anciens pays du bloc de l’Est, qui obtenaient du gaz soviétique à bas coût. Mais pour ces derniers, les quantités étaient faibles : 7 Gm3 d’exportations totales en 1973 contre environ 170 Gm3 pour l’UE en 2019, représentant cette année-là une somme de 18 Md€, soit 10 % de toutes nos importations de Russie.
Au vu des risques pour sa sécurité énergétique, l’Allemagne a augmenté ses importations de gaz ces dernières années, en se fournissant davantage en Norvège.
On constate cependant que la consommation de gaz n’a pas augmenté ces dernières années : l’Allemagne a simplement rempli ses stocks de gaz par sécurité.
Dans ce pays, le gaz est principalement utilisé par les ménages pour leur chauffage, puis par le secteur industriel qui a profité de cette source d’énergie bon marché pour accroître sa compétitivité, et enfin pour la production électrique.
Il y a d’autres idées reçues sur le gaz allemand. On imagine que l’Allemagne utilise surtout son gaz pour la production électrique, alors qu’elle représente moins du tiers de la consommation. On entend aussi parfois que l’Allemagne aurait été obligée d’acheter plus de gaz pour compenser sa sortie du nucléaire.
On constate que l’Allemagne a en effet dû faire face à une chute drastique de la production nucléaire, mais également de la production issue du charbon. Pour compenser cette chute, elle a fortement développé sa production d'énergies renouvelables, à commencer par l’éolien, et ce de façon impressionnante comparée à la France.
Ceci étant précisé, il convient de rappeler notre propos initial : le gaz est une source d’énergie hautement stratégique pour l’Allemagne, sur lequel elle a en partie bâti sa prospérité. Il représente 40 % de toute l’énergie importée par l’Allemagne, la moitié du gaz allemand venant de Russie. Elle a donc beaucoup œuvré pour sécuriser ses approvisionnements, en particulier avec le projet Nord Stream.
La sortie du nucléaire et (partiellement) du charbon par l’Allemagne
Le gaz est donc devenu stratégique pour l’Allemagne, tant au niveau de la sécurité de ses approvisionnements, de sa transition énergétique que de sa compétitivité industrielle. Sécuriser ses approvisionnements est donc une priorité de tous les chanceliers. A fortiori quand le pays décide de modifier en profondeur son mix énergétique pour :
- diminuer fortement le recours au charbon afin de limiter les émissions de CO2 ;
- sortir du nucléaire, ce qui a été décidé en 2002, remis partiellement en cause en 2010 et finalement confirmé en 2011 après Fukushima. Il ne reste que 3 centrales sur 17 en activité et elles fermeront d’ici mars 2023.
Ces lourdes modifications du mix électrique allemand sont une des raisons pour lesquelles le gouvernement Schröder a soutenu le projet de gazoduc Nord Stream.
Les gazoducs Nord Stream, piliers de l’approvisionnement en gaz de l’Allemagne
Le pétrole peut circuler largement sur la planète en étant simplement chargé sur un pétrolier, qui peut parcourir le monde. C’est aussi possible pour le gaz, mais c’est beaucoup plus compliqué, car il faut le compresser et le refroidir à -163 °C pour le charger dans un méthanier sous une forme liquide (appelée gaz naturel liquéfié ou GNL) occupant 600 fois moins de place que sous forme gazeuse.
Les étapes de compression, de transport par bateau et de décompression sont très coûteuses en énergie, donc en prix, le rendant nettement plus cher que du gaz reçu par gazoduc (un simple très long tuyau envoyant du gaz sous forte pression) – mais encore faut-il qu’il existe des gazoducs reliant le pays producteur au pays consommateur.
La Russie dispose des plus grandes réserves mondiales, qui représentent 20 % du total (soit plus de 37 000 milliards de m3 ou Gm3). Logiquement, un important réseau de gazoducs a été développé pour alimenter d’abord les pays du bloc de l’Est, puis l’Europe occidentale ; historiquement, les deux principaux sont le Yamal-Europe via la Biélorussie (70 Gm3/an), et le Brotherhood via l’Ukraine (45 Gm3/an).
Point important, il faut savoir que chaque pays traversé par un gazoduc reçoit une rémunération en fonction du transit du gaz ; celle-ci étant importante (4 milliards pour la Pologne et la Slovaquie et près de 3 milliards d’euros par an pour l’Ukraine, ce gaz étant une source majeure de corruption du pays), le prix de vente du gaz s’en trouve renchéri d’autant.
Afin de diminuer le prix d’achat, de développer les échanges et de sécuriser les livraisons (un pays de transit pouvant bloquer le flux de gaz), les compagnies gazières russes Gazprom et allemande BASF et E.ON signent en 2005 le lancement du gazoduc Nord Stream, projet qui datait de 1997 et qui visait à relier directement l’Allemagne à la Russie par un gazoduc sous-marin de 1 200 km plongé dans les eaux internationales de la mer baltique.
Ces entreprises furent rejointes en 2007 par les compagnies néerlandaise Gasunie et française GDF Suez devenue Engie. Gazprom est actionnaire majoritaire de Nord Stream AG avec 51 % du capital, les deux compagnies allemandes disposant chacune de 15,5 % et les deux autres de 9 %.
Après avoir obtenu toutes les autorisations, la construction du gazoduc qui comprenait 2 tubes parallèles (séparées en moyenne de 100 m.) a commencé en 2010 et s’est achevée en 2011/2012 : le gazoduc d’une capacité totale de 55 Gm3 était opérationnel. Le projet a coûté 15 Md€, 9 Md€ pour la partie sous-marine et 6 Md€ pour la partie terrestre.
Le transit par Nord Stream 1 augmenta graduellement.
En 2011, le concessionnaire de Nord Stream commença une étude pour étendre le projet, en créant un second gazoduc, nommée Nord Stream 2, constitué lui aussi de deux tubes jumeaux suivant pratiquement la même route que Nord Stream 1, afin de doubler la capacité, la portant à 110 GM3.
Après de longues difficultés, la construction commença en mai 2018 ; la première ligne a été mise en service en octobre 2021 en étant remplie de gaz technique et la seconde ligne en décembre 2021. Le gazoduc est propriété de la petite sœur de Nord Stream AG, Nord Stream 2 AG, mais qui est, pour sa part, une filiale à 100 % de Gazprom (l’autorité polonaise de la concurrence ayant refusé la constitution d’un consortium comprenant les partenaires européens). Ce second projet a coûté 17 Md€, 10 Md€ pour la partie sous-marine et 7 Md€ pour la partie terrestre. Le coût total de ces 4 tubes est donc d’environ 30 Md€, financés à 70 % par la Russie.
Les deux gazoducs Nord Stream permettent donc de se passer presque entièrement du transit par l’Ukraine et/ou d’augmenter, si besoin, les importations européennes de gaz russe.
La fronde anti-Nord Stream : plus qu'un gazoduc, un enjeu géopolitique.
Sur le papier, il n'est pas censé y avoir de grandes difficultés à ce qu’un gros client de la Russie comme l'Allemagne, puisse se brancher directement à la source du gaz, sans passer par d’autres pays comme l’Ukraine, embourbée dans la guerre civile depuis 2014. Cela permettrait d'augmenter la sécurité énergétique de l’Europe. Mais dans les faits, cela s’est avéré bien plus compliqué que prévu...
Le projet Nord Stream 2 fut confronté à une fronde prévisible des bénéficiaires de la rente des droits de passage terrestre du gaz russe, à commencer par la Pologne et l’Ukraine, mais aussi la République tchèque et la Slovaquie :
« La Pologne est particulièrement sensible […] aux accords passés au-dessus de notre tête. C'était la tradition de Locarno, c'était la tradition Molotov-Ribbentrop. […] Nous ne voulons pas que cela se répète. » [Radek Sikorsk, ministre polonais de la Défense, 2 mai 2006].
« Nous [la Pologne] désapprouvons cet investissement […] qui est de nature politique. » [Andrzej Duda, Président polonais, 18 janvier 2016]
« Ce projet est complètement inacceptable et n'a aucun sens d'un point de vue économique. Je continue de croiser les doigts pour que nous puissions mettre un terme à Nord Stream 2 dans une action conjointe et efficace. » [Petro Porochenko, président ukrainien, 12 juillet 2018 à son arrivée au QG de l'OTAN]
« La Slovaquie soutient la position de l'Ukraine sur Nord Stream 2, ainsi que l'intention de l'Ukraine d'adhérer à l'Union européenne et à l'OTAN. » [Zuzana Caputova, Présidente de la Slovaquie, 16 septembre 2019]
« Le président [Volodymyr Zelensky] a toujours souligné que l’Ukraine allait se battre contre ce projet politique russe jusqu’à son achèvement et après celui-ci et même après le commencement des livraisons de gaz. Kiev a néanmoins reçu des "garanties" de Berlin et Washington sur la préservation du transit du gaz russe par son territoire "pendant au moins dix ans". » [AFP, 4 octobre 2021]
Le 7 mars 2016, huit États de l’UE ont envoyé une lettre à la Commission européenne pour s’opposer à Nord Stream 2 : il s’agissait de la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Roumanie, la Hongrie et les 3 pays baltes :
« Le projet Nord Stream-2 actuellement en préparation peut présenter certains risques pour la sécurité énergétique dans la région de l'Europe centrale et orientale. Cela influencerait fortement le développement du marché du gaz et les schémas de transit du gaz dans la région, notamment la route de transit via l'Ukraine. »
Plus interpelant, même des pays non concernés et la technostructure de l’UE se sont battus contre une décision souveraine de l’Allemagne, dont les citoyens n’ont aucune obligation de financer leurs voisins :
« Le Premier ministre italien Matteo Renzi, qui a retardé une décision de l'UE sur le renouvellement des sanctions contre la Russie pour s'assurer que Nord Stream soit discuté lors du sommet, a déclaré que les dirigeants de l'UE devaient avoir le courage de bloquer [Nord Stream 2]. » [Reuters, 18 décembre 2015]
« Le président du Conseil européen Donald Tusk a estimé que le projet controversé de gazoduc Nord Stream 2 ne servait pas "les intérêts européens", dans une lettre au président de la Commission. Mon point de vue sur ce projet est négatif. » [Le Figaro, 07 juin 2017]
« Boris Johnson a indiqué qu'il est bon de souligner "la division que ce pipeline sème à travers l'Europe", ajoutant que "l'unité euro-atlantique reste notre outil le plus puissant pour résister à l'activité malveillante de la Russie". » [The Guardian, 22 mai 2018]
Bruxelles avait en fait déjà torpillé en 2014 le projet South Stream, un gazoduc reliant la Russie à l'Italie par le sud de l'Europe qui n’aurait selon elle pas respecté la législation européenne. Mais elle s’est cassé les dents sur le lobby économique allemand pro-Nord Stream, selon Tusk. Cela a d’ailleurs fortement mécontenté le Premier ministre hongrois Viktor Orban, qui demandait en 2015 « un argument sérieux pour expliquer pourquoi le South Stream est mauvais et le North Stream est acceptable ».
Mais c’est bien sûr les États-Unis qui ont le plus œuvré contre ce gazoduc. Barack Obama s'est opposé à Nord Stream 2, faisant écho à la politique de son prédécesseur George W. Bush qui s'est opposé à Nord Stream 1. Il a été suivi par son vice-président Joe Biden, qui a déclaré en août 2016 que les États-Unis voyaient le projet de gazoduc Nord Stream 2 comme « un accord fondamentalement mauvais pour l'Europe ». Trump poursuivit la même politique, qui se matérialisa dans les directives du Département d’État de mai 2020 :
« Nord Stream 2 pourrait compromettre la sécurité énergétique de l'Europe en maintenant la part dominante de la Russie sur les marchés européens du gaz pendant des décennies […] Ces projets pourraient déstabiliser l'économie et le gouvernement ukrainiens en limitant considérablement le transit du gaz à travers l'Ukraine, privant ainsi le gouvernement ukrainien de revenus de transit importants. […] Le développement de ces projets fournit également à la Russie des véhicules pour étendre davantage son influence néfaste en Europe. »
Dans ce contexte, les sanctions se sont mises à pleuvoir sur le projet. Dès 2014, des sanctions européennes sont prises contre la Russie, mais elles épargnent le secteur gazier, contrairement aux États-Unis. En 2017, ces derniers étendent les sanctions aux gazoducs, mais épargnent Nord Stream 2 jusqu’en 2019, où une loi cible toutes les entreprises construisant Nord Stream 2, ce qui ralentit les travaux pendant un an. Suite aux protestations de l’Allemagne, Joe Biden s'est abstenu de mesures plus sévères qui auraient arrêté la construction qui s’est donc achevée fin 2021.
Les Européens ne sont cependant pas restés sans réaction. Le 15 juin 2017, le ministre allemand des Affaires étrangères Sigmar Gabriel et le chancelier autrichien Christian Kern ont indiqué dans une déclaration commune :
« Nous ne pouvons pas accepter la menace de sanctions extraterritoriales contre des entreprises européennes […] en violation du droit international ! […] Les sanctions politiques ne doivent pas être associées à des intérêts économiques. Et menacer des entreprises [européennes] de sanctions si elles participent à […] Nord Stream 2 introduit une qualité complètement nouvelle et très négative aux relations euro-américaines. […] L'approvisionnement énergétique de l'Europe est l'affaire de l'Europe, pas des États-Unis d'Amérique ! Nous décidons qui nous fournit de l'énergie et comment, selon les règles de l'ouverture et de la libre concurrence. »
Les dirigeants ne faisaient que répondre aux attentes de leur population : 75 % des Allemands soutenaient le projet :
Mais le respect de la volonté populaire ne faisant pas partie, à l’évidence, des « valeurs » de la Commission européenne, celle-ci n’a pas cessé ses attaques contre le gazoduc, arguant qu’il ne respectait pas sa Directive gazière, qui impose que les fournisseurs n’aient pas la propriété des réseaux de distribution qui doivent être mis à disposition de tous les concurrents – comme pour l’électricité par exemple, avec EDF et RTE.
Or, Gazprom possède les deux avec Nord Stream, et scinder les activités après construction lui poserait de lourds problèmes pratiques. La mauvaise foi de la Commission est cependant patente : Nord Stream étant en sens unique, et Gazprom ayant le monopole en Russie, quel autre gaz que le sien pourrait bien entrer par ce gazoduc ? Quel est le problème si elle le possède ?
En octobre 2021, l’Allemagne, qui venait de changer de gouvernement, mena une politique dilatoire avant de finalement suspendre la certification de Nord Stream 2 et donc son démarrage, en raison de sa non-conformité à la directive européenne gazière. Le refus de permettre le démarrage de Nord Stream 2 contribua à la crise énergétique de la fin 2021 et donc au redémarrage de l’inflation.
Enfin, le 22 février 2022, le chancelier Scholz interrompt le processus de certification en réponse à la reconnaissance par la Russie de l’indépendance du Donbass. Nord Stream 2 ne démarra jamais...
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Photo d'ouverture : Conteneur orné d'une carte indiquant la position du gazoduc Nord Stream 2, zone industrielle de Lubmin, dans le nord-est de l'Allemagne, 1er mars 2022 - John MacDougall - @AFP