« Chez Gramsci, la révolution passe par l'union des subalternes » - Yohann Douet

La pensée d'Antonio Gramsci fait l'objet de déformations tant à gauche qu'à droite. Yohann Douet, normalien, agrégé et docteur en philosophie, déjà auteur d'un livre sur l'histoire et la modernité dans l'œuvre du révolutionnaire italien, fait paraître L'hégémonie et la révolution – Gramsci penseur politique (Amsterdam, 2023) dans lequel il apporte un certain nombre de clarifications. Il aborde notamment la question centrale dans son œuvre de l'hégémonie, souvent réduite à sa dimension culturelle.

publié le 14/01/2024 Par Laurent Ottavi

Laurent Ottavi (Élucid) : Pouvez-vous rappeler les principaux éléments biographiques de la vie d’Antonio Gramsci et en particulier de son activité révolutionnaire avant d’aborder sa pensée politique ?

Yohann Douet : Gramsci naît en Sardaigne en 1891. Il vient étudier à Turin dans les années 1910, s’engage rapidement dans le mouvement ouvrier, et devient journaliste pour plusieurs périodiques liés au Parti socialiste italien (PSI). En 1919 et 1920, le biennio rosso (les deux années rouges, lors desquelles l’Italie connaît une lutte de classes intense), il dirige avec ses camarades Angelo Tasca, Angelo Terracini et Palmiro Togliatti (qui sera le dirigeant du PCI pendant près de quatre décennies) l’hebdomadaire Ordine nuovo. Celui-ci aura un rôle crucial dans l’animation du mouvement des conseils d’usine à Turin (marqué par l’auto-organisation des ouvriers, des grèves massives, des occupations des usines, une autodéfense armée dans certaines, etc.).

Suite à l’échec du biennio rosso, Gramsci juge, avec d’autres, que le PSI est l’une des causes de la défaite, et décide de participer à la fondation d’une nouvelle organisation, efficace et véritablement révolutionnaire, inspirée par le parti bolchevik : le Parti communiste d’Italie (PCd’I), fondé début 1921. Le principal dirigeant en est d’abord Amadeo Bordiga, mais Gramsci, qui a une ligne politique moins sectaire que Bordiga et plus proche de celle de l’Internationale communiste, parvient à la direction en 1924, année où il est par ailleurs élu député.

Il est cependant arrêté en novembre 1926 par le régime de Mussolini (arrivé au pouvoir en 1922), et c’est en prison, entre 1929 et 1935, qu’il écrit ses textes les plus novateurs intellectuellement, les Cahiers de prison, qui fourmillent de réflexions relevant de domaines extrêmement divers, mais en particulier de la pensée politique. En prison, la santé de Gramsci se dégrade très rapidement, et il meurt en 1937.

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