La spectaculaire affaire de corruption qui touche actuellement le parlement européen met incidemment en lumière la perception que les parlementaires ont de leur institution. En proie à l’émotion la plus vive, la présidente de ce parlement, Roberta Metsola, a jeté un cri du cœur devant l’hémicycle : « La démocratie européenne est attaquée. Et nos sociétés démocratiques, ouvertes et libres, sont attaquées ».
Ces formules ont un objectif : en dramatisant l’enjeu, elle gonfle le parlement européen d’une importance politique qu’il n’a pas. La présomption de corruption visant l’eurodéputée Eva Kaili est certes tout sauf anodine, mais elle ne va pas jeter dans les rues des millions de citoyens indignés et inquiets à l’idée d’un risque mortel pesant sur leurs libertés. Céder à l’emphase sur ce sujet, c’est prendre le risque d’un ridicule certain. Mais la sortie de Roberta Metsola était peut-être sincère, dénuée de calcul. Elle exprimerait dans ce cas l’idée que le parlement serait l’enceinte par excellence où la vertu trouverait à s’incarner, un sanctuaire dont rien ne devrait pouvoir salir la pureté morale.
La position fera sourire tout ceux qui savent à quel point la vie parlementaire européenne est gangrenée par un lobbying de tous les instants, d’autant plus actif et efficace qu’il est institutionnalisé. S’il est un parlement, en Europe, dont le rapport aux intérêts privés, à rebours de l’intérêt général qu’il est censé porter, est structurellement favorable à toute sorte de dérives, c’est bien celui dont s’est doté l’Union Européenne.
Le brevet de vertu que s’accorde a priori le parlement par la voix de sa présidente, sonne donc tout à fait faux. S’il permet à ses membres de se persuader que le problème ne réside pas en leur sein, mais dans un extérieur malveillant, il conduit par ailleurs à s’interroger sur le degré d’enfermement cognitif qui les caractérise. Cet enfermement culmine dans l’affirmation d’une « démocratie européenne », dont le parlement serait le cœur vivant, comme si la réalité n’avait pas la moindre prise sur l’idée que l’on s’en fait. Car s’il y a bien quelque chose que le Parlement européen ne représente pas et ne représentera jamais, c’est la démocratie.
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