Les grands mouvements mondiaux de flux de données et d’accaparement constituent des sources d'accroissement du pouvoir des GAFAM, qui peuvent de la sorte asseoir et renforcer leur position dominante.

publié le 26/09/2023 Par Thomas Le Bonniec

Rachat de concurrents potentiels avant qu'ils deviennent trop gros, étouffement de la concurrence, contraintes et taxes sur les producteurs pour accéder aux marchés numériques, etc. : les géants du numérique peuvent imposer leurs règles aux entreprises et aux consommateurs qui sont contraints de les utiliser. Cette extension des activités des géants du numérique repousse les frontières du privé – et empiète sur des activités et des services historiquement dévolus à l'État.

Le libéralisme économique prône la concurrence comme valeur cardinale : celle des entreprises, celle des travailleurs, celle des États. Paradoxalement, le XXIe siècle voit s'ériger de gigantesques monopoles dont le capital et les modes d'appropriation de la valeur sont d'un genre particulier : la monopolisation de la connaissance.

Les cartels numériques

En 2015, une juge fédérale aux États-Unis accepte une proposition de règlement amiable : Apple, Google, Intel et Adobe doivent débourser 415 millions de dollars pour avoir passé des accords secrets au détriment de leurs salariés. Les entreprises de la Silicon Valley s'étaient mises d'accord pour une politique « anti-débauchage » et le maintien de salaires artificiellement bas au moins entre 2005 et 2009. 64 000 salariés étaient représentés dans cette plainte.

Une affaire similaire s'était produite en France dans un autre secteur : en 2015, l'Autorité de la Concurrence avait condamné les entreprises du « cartel du yaourt » à 192 millions d'euros d'amende pour s'être mis d'accord sur les prix et les appels d'offres. Franceinfo précisait :

« En 2011, “les concurrents se sont accordés sur une hausse tarifaire de 6 % pour les yaourts, 8 % pour les fromages frais, 10 % sur la crème fraîche et 4 % sur les desserts”, révèle Le Figaro. Pour faire passer cette décision auprès des distributeurs, les marques se sont mises d'accord sur les arguments à avancer, comme “la hausse du prix du lait (3,5 %), des emballages (20 %) et des coûts de transport et d'énergie”. »

Ces méthodes dites « anti-concurrentielles » sont également anti-libérales, puisqu'il est attendu que les « forces du marché » fassent surgir un ordre spontané (la « catallaxie » chez Friedrich Hayek), déterminant le prix des biens et des services, et donc du travail. Or, suivant le raisonnement poussant vers la maximisation de leur profit, les entreprises n'ont aucune raison de préférer une situation de concurrence à une situation de monopole ou d'oligopole. C'est ce que rappelle le même article en conclusion : « Cette pratique n'est pas nouvelle. En décembre 2011, l'Autorité de la concurrence française a sanctionné les fabricants de lessive Procter & Gamble, Henkel et Colgate-Palmolive pour s'être entendus sur les prix de leurs produits pendant des années ».

Les mécanismes de coopération sont par conséquent bannis entre « concurrents », entre autres par peur de voir surgir des monopoles. C'est précisément ce que rappellent Rebecca Giblin et Cory Doctorow, dans leur ouvrage, Le capitalisme à goulot d'étranglement (1):

« Le capitalisme est censé reposer sur des marchés libres, mais les marchés ont une tendance naturelle “vers le monopole, l'extraction destructrice et la recherche de rentes” et “nécessitent donc une gestion vigilante, précisément pour s'assurer qu'ils restent suffisamment ressemblants à un marché” (2).

Cette vigilance a été absente pendant les cinquante et quelques années de l'approche non interventionniste de l'École de Chicago et, en conséquence, la concurrence aux États-Unis a été virtuellement éliminée dans une variété stupéfiante d'industries. »

La tendance à la concentration du capital entre un nombre limité de firmes n'est donc ni nouvelle, ni spécifique au secteur du numérique. Cependant, celui-ci, par son étendue et par sa capacité à contraindre un très grand nombre d'acteurs, économiques et institutionnels, produit des effets bien particuliers.

Tout d'abord, c'est un secteur dont la tendance à la concentration est extrêmement poussée. Le Washington Post publiait en 2021 une infographie illustrant le nombre d'acquisitions d'entreprises menées par Apple, Amazon, Facebook (Meta) et Google, d'abord dans leur secteur d'origine (électronique, applications, logiciels, vente en ligne, etc.), puis en diversifiant dans de nouveaux secteurs. Le Washington Post lui-même appartient à Jeff Bezos, ex-PDG d'Amazon, depuis 2013.

Acquisitions d'entreprises menées par Apple et Amazon - source : Washington Post, 2021

Ces rachats illustrent, chez Facebook (Meta), d'abord, une tendance à la concentration horizontale avec les rachats de concurrents directs : WhatsApp (2014) et Instagram (2012) par exemple. Les articles ne manquent pas sur le sujet, expliquant que Mark Zuckerberg, PDG de Meta, voyait Instagram comme une « menace » et s'inquiétait de la concurrence de « Twitter et de Google+ ».

Mais c'est aussi le cas avec Amazon, qui contrôle AWS, fournisseur d'un tiers des services d'hébergement à distance au niveau mondial, après le rachat de plusieurs concurrents du secteur (Cloud9 IDE, ClusterK, NICE srl, etc.). Puis l'entreprise se diversifie : Twitch, la plus grande plateforme de « streaming » en ligne (qui n'a pratiquement aucun concurrent) est rachetée en 2015, tandis que Whole Foods Market, chaîne de supermarchés « haut de gamme »est embarquée pour 13 milliards de dollars en 2017.

Ces intégrations se font aussi de manière verticale : Amazon produit l'emblématique « Ring » (suite à l'achat de l'entreprise du même nom), caméra connectée à placer devant chez soi. Et Amazon Prime Video, plateforme de vidéos à la demande, crée une série télévisée intitulée « Ring Nation » avec les images de vidéosurveillance qui en sont issues. Cette série dispose des ressources de la Metro Goldwin Mayer, propriété d'Amazon depuis 2022 (3).

Wanda Skyes, présentatrice de « Ring Nation » sur l'image promotionnelle tirée d'IMDb

Monopoles légalisés, privatisations numériques

Ces acquisitions, lorsqu'elles atteignent un certain poids, doivent être approuvées par les instances de régulation économique nationales. Le dernier exemple en date concerne l'achat pour 68 milliards de dollars du studio de jeux vidéo Activision Blizzard King, l'un des plus grands au monde, par Microsoft. Cette fois, le projet a été retoqué par les autorités de la concurrence étatsunienne et britannique, mais validé par l'UE.

Comme le font remarquer Giblin et Doctorow, il y a bien un défaut de régulation ayant permis le degré de concentration qui est atteint aujourd'hui (4) :

« Les régulateurs deviendraient des agents des entreprises, créant des règles destinées à punir les nouveaux venus qui défient les entreprises dominantes, consolidant ainsi l'avantage des entreprises en place. L'école de Chicago appelait cela la “capture réglementaire” et l'identifiait à juste titre comme un problème grave des marchés monopolisés.

Cependant, l'école de Chicago avait un remède unique au problème des monopoleurs capables de pervertir leurs régulateurs : éliminer complètement la réglementation ! Pas de réglementation, pas de régulateurs, pas de captation de la réglementation, pas de problème […]. »

Il s'agit d'une situation que nous avions déjà décrite dans deux autres articles à propos de l'Autorité irlandaise de la Protection des Données :

« [L]a lutte contre les dominants du monde numérique est à bien des égards inégale, et d'autant plus lorsque les institutions créées pour défendre les intérêts des citoyens européens se retrouvent à protéger les multinationales qui les espionnent. Ce processus, une fois complété, est désigné sous le terme de « capture du régulateur » : c'est le cas de la DPC. […]

C’est d’ailleurs une critique du porte-parole pour les sujets numériques du SPD allemand, Jens Zimmerman, qui décrit « l’approche de l’Irlande à la protection des données comme un fardeau de plus en plus pesant pour la réputation de l’Irlande en Allemagne, similaire à celui causé par sa politique fiscale à l’égard des entreprises. »

Un deuxième mouvement se développe en parallèle, celui du recul des prérogatives de l'État, progressivement remplacé par des services privés numériques. Les chercheurs Simon Cottin-Marx et Gilles Jeanot expliquent, dans leur livre La privatisation numérique (5) :

« Des entreprises de l'économie numérique prennent en charge d'elles-mêmes des fonctions qui étaient historiquement réservées au secteur public, elles font leur miel de biens communs largement coproduits par l'argent public dans la longue durée, et leurs modèles s'imposent dans la gestion publique. Elles se voient confier des services publics ; plus rarement, elles rachètent des actifs publics. Elles peuvent même parfois occuper des positions régaliennes et empiéter sur la souveraineté des États. »

Selon eux, les mécanismes de privatisation par le secteur numérique sont  spécifiques de deux manières, en reprenant les concepts développés par deux essayistes. D'une part, le « capitalisme de surveillance », d'après Shoshanna Zuboff et de l'autre, le « capitalisme de plateforme » tel que décrit par Nick Srnicek. L'apport du premier (en résumé) consiste en la capacité à transformer des surplus de connaissance en information monétisable : des « données » – ou « big data » – qui permettent d'anticiper, voire d'orienter les comportements. Il s'agit, par exemple, des marchés de placement d'encarts publicitaires sur internet, associés à la collecte et la revente de données permettant de « profiler » les utilisateurs.

Celui du second, à grands traits, est le fait qu'en tant qu'intermédiaires, les gestionnaires de plateformes peuvent déterminer les prix et les méthodes de mise en relation, sans avoir à supporter les risques classiques liés à la fourniture d'un service. Airbnb ou Uber ne possèdent pas en propre les logements ou les voitures qui fournissent le service, mais en tant que plateformes, elles peuvent organiser leur marché comme elles l'entendent.

Et c'est pourquoi le capital à l'origine des immenses revenus des « cartels » numériques est d'un genre particulier. L'économiste Cédric Durand explique :

« Les économistes appellent “actifs intangibles” les moyens de production qui, contrairement aux machines, aux bâtiments, aux véhicules ou aux matières premières, ne peuvent être touchés. Il s'agit de codes informatiques, de design, de bases de données ou de procédures pouvant être répliquées à l'infini sans perdre de leur qualité intrinsèque. […]

L'économiste italien Ugo Pagano propose le concept de capitalisme monopoliste intellectuel pour décrire le système économique issu du durcissement drastique des droits de propriété dans les dernières décennies du XXe siècle. »

Dans sa conférence intitulée « Capitalisme numérique : la monopolisation intellectuelle », Cédric Durand expose que celle-ci est désormais fondée sur trois grandes tendances : la « prédation dans les réseaux d'innovation », la centralisation de la collecte de données, et l'appropriation des chaînes globales de valeur (6).

Le processus de prédation est ainsi caractérisé : « La monopolisation intellectuelle, ce ne sont pas que des brevets, c'est aussi un genre de collaboration qui permet de récupérer les connaissances qui sont développées ailleurs et de les enfermer pour pouvoir les valoriser à titre privé ».

Les chercheurs de Microsoft, par exemple, produisent des articles de recherche qui sont cosignés avec des scientifiques d'autres institutions : sur 15 000 articles signés par des chercheurs appartenant à l'entreprise, 88 % sont coécrits avec des universités. En revanche, les brevets que dépose Microsoft ne sont partagés avec des coauteurs que dans moins de un pour cent des cas. En somme, la collaboration ne va que dans un sens : la connaissance est coproduite, mais son pendant économique n'est presque jamais partagé, dans une attitude que Durand qualifie de « prédatrice ».

Quant à la centralisation des données, il s'agit de la capacité, pour un nombre très réduit d'entreprises, à collecter et traiter des flux d'informations qu'aucun autre acteur n'a à sa disposition. Dans une perspective un peu différente, c'est le propos d'un interlocuteur de Gaspard Kœnig dans son livre La fin de l'individu (7) :

« Jinglei Cheng, le fondateur d'un fonds d'investissement spécialisé dans l'IA, utilisa une expression qui m'a marqué : “le lac des données”, point d'aboutissement des rivières qui jaillissent depuis une infinité de sources logées dans l'industrie, le gouvernement ou les plateformes […].

Ne serait-il d'ailleurs pas logique que ces entreprises se regroupent peu à peu pour n'en former plus qu'une seule, Léviathan de la data capable de gérer nos achats et de résoudre nos problèmes de cœur ? Aucun droit de la concurrence ne viendra en tout cas l'empêcher. Ce serait inacceptable en Europe, reconnaît Jinglei Cheng. »

Enfin, les « chaînes globales de valeur » permettent à ces entreprises en situation monopolistique de sous-traiter toutes les activités à faible valeur ajoutée en raison d'une trop grande compétition. En revanche, il y a d'autres activités qui permettent de capter plus facilement de la valeur. Ce sont des activités intensives en termes de « connaissances », soit de capitaux intangibles, et dont le coût de production est faible. Comme le rappelle Cédric Durand :

« Ce que permet l'informatisation, c'est d'avoir des standards extrêmement précis et une communication en temps réel entre des points dispersés. Et donc on peut intégrer informationnellement la chaîne en dépit de sa dispersion géographique. Il y a donc des flux d'information très importants qui circulent, qui sont traités, génèrent une connaissance qui va permettre d'avoir de l'innovation. Donc ceux qui contrôlent ces flux d'information vont être capables de s'approprier une part disproportionnée de la richesse. »

C. Durand, Technoféodalisme, Zones, 2021, p.161

Ces trois grands mécanismes décrits par Cédric Durand viennent en complément des processus d'intégration verticale et horizontale que nous avons décrits : pour lui, ces raisons permettent d'avancer l'hypothèse d'un « technoféodalisme », c'est-à-dire d'un régime de prédation par de grands « fiefs numériques » récoltant une rente issue du travail de leurs utilisateurs et de leur servage.

Des tentatives de régulation anti-trust sans grand effet

De part et d'autre de l'Atlantique, des efforts sont lancés par des libéraux pour desserrer l'emprise de ces grandes entreprises du numérique. Du côté des régulateurs et de la force publique, ce sont Lina Khan, à la tête de la Federal Trade Commission aux États-Unis et Margrethe Vestager, commissaire à la concurrence depuis 2014. Elles sont accompagnées par des entreprises qui se considèrent comme lésées. Le lobby France Digitale s'était lancé dans une procédure à l'encontre d'Apple en mars 2021. Sur son site web, le groupement de start-ups écrit :

« Mardi 9 mars 2021, nous avons demandé à la CNIL de se prononcer sur la façon dont Apple collecte nos données personnelles. C’est une première mondiale : jamais une association de start-ups n’avait ouvert de contentieux contre le géant de Cupertino. […] Pourquoi on fait ça pour vous ?

1- La loi s’applique à tous, que l’on soit une grande ou une petite entreprise technologique. Pendant que nos start-ups françaises respectent le droit et la vie privée, la première capitalisation boursière mondiale pourrait, elle, en survoler les principes les plus élémentaires ?

2- « Faites ce que je dis, pas ce que je fais » : pendant qu’Apple se présente comme un champion de la vie privée, la firme collecterait par défaut les données personnelles à des fins de ciblage publicitaire. »

C'est d'ailleurs le même reproche qu'avait formulé Facebook (Meta) à Apple, et qui lui aurait coûté 10 milliards de revenus publicitaires en 2022. En effet, Apple dispose d'un « goulot d'étranglement » que représente la propriété du terminal d'accès (l'iPhone) et du chemin d'accès aux applications (l'AppStore). Par conséquent, il lui est possible à la fois de bloquer les méthodes de pistage à des fins publicitaires par des tiers, et d'y procéder soi-même.

Pourtant, à ce stade, les grands « fiefs numériques » ont peu de risques de se retrouver contestés dans leur position dominante. Les tentatives de régulation dont ils font l'objet n'ont jusqu'à présent pas suffi à les déstabiliser.

Pour reprendre l'exemple d'Apple, l'entrée en application du Digital Service Act fin août 2023 a contraint l'entreprise à révéler le nombre d'utilisateurs de l'AppStore en Europe : environ 101 millions de personnes. Cet acte législatif inclut une obligation d'ouverture de données, et de « transparence algorithmique » pour les plateformes et services en ligne atteignant un certain seuil.

Quand à son cousin, le Digital Markets Act, il prétend obliger des « gatekeepers », entreprises en situation très dominante et contrôlant les accès à une plateforme, à cesser un certain nombre de pratiques anticoncurrentielles. Elles doivent désormais « permettre aux entreprises de promouvoir leurs offres et conclure leurs contrats en dehors des plateformes » et ne peuvent plus « traiter les services et produits proposés par le “gatekeeper” lui-même plus favorablement en termes de classement que des produits ou services similaires proposés par des tiers sur la plateforme ».

Dès 2021, Tim Cook faisait donc savoir que ces textes lui paraissaient « ne pas être dans le meilleur intérêt des utilisateurs ». Début septembre 2023, Apple publie un communiqué : « Nous nous concentrerons sur la manière dont nous atténuons ces impacts et continuons à fournir les meilleurs produits et services à nos clients européens ». Autrement dit, Apple compte se soustraire aux obligations qui ne lui conviennent pas.

D'ici à l'application effective de ces textes, il y aura sans doute plusieurs années : c'est en tout cas ce que montre l'expérience du RGPD, combattu pied à pied par les entreprises de pistage et de vente de données pour la publicité en ligne. En attendant, les accords entre très grands acteurs continuent de tenir, comme celui qui lie Apple et Google depuis des années – il rapporterait entre 8 et 12 milliards de dollars par an au premier et permet au second d'être le moteur de recherche par défaut des iPhones. Et ce malgré l'instruction par le département de justice américain d'une plainte dénonçant des pratiques monopolistiques illégales de la part de Google. Le procès a commencé le 12 septembre 2023 et doit durer douze semaines. Le New York Times ajoute :

« "Il s'agit d'une épreuve pour nos lois antitrust en vigueur – le Sherman Act, écrit en 1890 – et leur capacité à s'adapter aux marchés qui sont susceptibles d'être monopolisés au XXIe siècle" a déclaré Bill Baer, ancien haut fonctionnaire antitrust du département de justice, ajoutant que Google était "indiscutablement puissant". »

Quant au rachat du gigantesque studio de jeux vidéo Activision Blizzard King, par Microsoft, sur les seize régulateurs devant valider la procédure de rachat, la plupart ont donné leur feu vert. Et ceux qui s'y sont opposés ont fini par perdre. L'accord a été finalement approuvé par un juge fédéral en juillet 2023, contre l'avis de la FTC américaine. Seule la décision de l'autorité britannique est encore en attente, repoussée à la mi-octobre.

Photo d'ouverture : Logos des GAFAM devant un planisphère, 2 juin 2023 - Sébastien Bozon - @AFP