Vincent Bolloré étend son influence au-delà même des médias qu’il possède. Dans Le péril Bolloré (La Dispute), la journaliste Marie Bénilde retrace le parcours du milliardaire, explique l’évolution de ses liens avec Emmanuel Macron, évoque sa stratégie d’influence culturelle et de soft power en Afrique et détaille la mainmise qu’il exerce sur ses médias. Elle aborde également la nature de son combat idéologique, qu’elle attribue aux liens étroits qu’il a eus avec son oncle. Entretien.

Laurent Ottavi (Élucid) : En quoi le pouvoir acquis par Vincent Bolloré tient-il à un parcours ordinaire, typique du capitalisme français, et aussi à des méthodes prédatrices ?
Marie Bénilde : J’essaye de montrer dans mon livre que Vincent Bolloré est d’abord un héritier soucieux de transmettre un patrimoine professionnel, symbolique et en capital, puis idéologique. Il a été marqué par la faillite de son père, qui a manqué de lui faire subir quelque chose d’inacceptable dans son monde d’ultrariches où l’argent ne peut et ne doit que rapporter plus : une forme de déclassement. Entendons-nous, il n’aurait jamais connu la moindre difficulté financière s’il avait échoué à redresser son entreprise familiale. Il aurait probablement eu une vie d’ultra-privilégié de la haute bourgeoisie parisienne s’il était resté chez Rothschild – où il était un cadre supérieur déjà très en vue dans les années 1970 – et s’il n’avait pas commencé à s’appuyer sur cet outil professionnel avec des gens travaillant directement pour lui. Mais Vincent ne serait pas devenu Bolloré s’il n’avait pas donné à son nom le lustre de nombreuses conquêtes dans les affaires.
Ce qui est donc typique du capitalisme français des années 1980 et 1990, c’est que l’on chasse en meute si je puis dire. Vincent Bolloré n’est pas seul, mais soutenu par des financiers qui cherchent à s’appuyer sur des affairistes rapides et sans scrupules pour s’enrichir eux-mêmes. Ils s’appellent Edmond de Rothschild, Antoine Bernheim, Claude Bébéar… Ensuite, tous profitent des privatisations, de l’essor de la Bourse de Paris, du triomphe du capitalisme financier et d’un espace encore largement dérégulé, notamment en ce qui concerne le trafic maritime avec l’Afrique. La prédation se mesure bien sûr à l’extraction de ressources agricoles sur ce continent (tabac, huile de palme…) ou aux concessions obtenues sur les ports, mais on la retrouve aussi dans les médias où la propriété n'hésite pas à s’exprimer dans la négation des réalités collectives humaines.
Lisez la suite et soutenez un média indépendant sans publicité
S’abonnerAccès illimité au site à partir de 1€
Déjà abonné ? Connectez-vous
1 commentaire
Devenez abonné !
Vous souhaitez pouvoir commenter nos articles et échanger avec notre communauté de lecteurs ? Abonnez-vous pour accéder à cette fonctionnalité.
S'abonner