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Tout comme il avait seulement fallu un an au CAC 40 pour se remettre de sa baisse causée par la crise du Covid-19, il s’est également remis en un an du déclenchement de la guerre en Ukraine. Porté par les valeurs de l’énergie et de la défense, il vient même de dépasser son record historique. Les Bourses occidentales restent cependant surévaluées, sans même prendre en compte les perspectives économiques sombres pour le moyen terme.

publié le 04/05/2023 Par Olivier Berruyer
CAC40 : un record en bourse historique, porté par la guerre en Ukraine

Rappelons tout d’abord que l’indice phare de la Bourse de Paris est le CAC 40 (CAC signifiant Cotation Assistée en Continu), qui est une moyenne de la valeur des actions des 40 grandes entreprises françaises dont les échanges sont les plus abondants. Il a été créé le 31 décembre 1987, valant alors 1 000 points de base ; il a progressé depuis lors en moyenne de 5,5 % par an. Sa composition est revue régulièrement pour qu’il reste représentatif de l’évolution des grandes entreprises.

Depuis juillet 2021, l’indice du CAC 40 est passé de 6 500 à près de 7 600 points, nouveau record historique. Cela représente 17 % de hausse sur la période – et même 33 % par rapport au plus bas de 5 700 points en septembre 2022. Une hausse aussi rapide de l’indice n’avait pas été observée depuis la fin des années 1990 (hors rebond Covid en 2020).

Une analyse individuelle des 40 entreprises du CAC montre que sa hausse de 17 % en un an a été largement portée par les secteurs du luxe (+37 %) et, sans surprise au vu du contexte de guerre, de l’énergie (+23 %) et de la défense (+14 %).

Ce mouvement de hausse est encore plus frappant si on observe les cours boursiers depuis 2007.

Les cours sont sur une tendance haussière permanente depuis 2009 – même s’il a fallu attendre 2021 pour dépasser le niveau de 2007. Une partie importante de cette hausse est notamment due aux politiques des banques centrales mondiales, qui ont massivement déversé des liquidités pour soutenir les marchés depuis une dizaine d’années. Sur la seule année 2020, la Réserve fédérale américaine, la Banque centrale européenne, la Banque du Japon et la Banque d’Angleterre ont injecté plus de 6 500 Md$ dans les marchés financiers via leurs programmes de « quantitative easing ». Mais ces politiques ont désormais cessé.

On peine donc à comprendre ce qui peut justifier l'euphorie actuelle, alors que les problèmes se multiplient : inflation qui reste élevée, problèmes de pouvoir d’achat, faillites bancaires en Occident, conflit militaire à la frontière de l’UE, conflits économiques qui se multiplient avec leurs cortèges de sanctions et contre-sanctions, tensions géopolitiques, démondialisation et dédollarisation en marche…

Si on a parfois critiqué par le passé une forme de « cynisme » de la Bourse dans certaines hausses, elles n’en demeuraient cependant pas moins liées à une certaine rationalité (espérance de bénéfices futurs), qui – force est de la constater – est assez largement absente aujourd’hui.

L’évolution à long terme de la Bourse

On entend souvent que les investissements en actions ont une rentabilité élevée. Il est vrai que comme le CAC atteint environ 7 600 points 35 ans après sa création à 1 000 points : cela signifie qu’il a progressé en moyenne de 5,9 % par an depuis 1987. C’est un très joli résultat, mais qu’il convient de nuancer avec le risque pris en raison de la volatilité de son évolution. On est en effet frappé par l’alternance de hausses quasi-délirantes, suivies de baisses vertigineuses.

Ces mouvements sont notamment dus aux crises financières à répétition, qui ont jalonné le début du XXIe siècle, et à l’hyperspéculation qui s’est saisie de ce marché, désormais essentiellement contrôlé par des robots.

Les conséquences ne sont pas minces : les investisseurs en Bourse de 1998-1999 et 2006-2007 sont bien loin d’avoir connu une hausse spectaculaire de leur épargne, bien au contraire. À contrario, ceux de 2013 ont constaté une hausse moyenne de près de 7 % par an – jusqu’à ce qu’un prochain retournement du marché ne vienne effacer une partie de ces gains.

Le problème de la Bourse est donc de savoir entrer quand elle est basse et sortir quand elle est haute, c’est-à-dire qu’il faut à tout le moins pouvoir se permettre de ne pas toucher à son épargne pendant 2, 3 ou 5 ans, le temps que le marché se remette de ses éventuelles années de baisse, qui surviennent régulièrement.

Et encore, nous ne parlons ici que de l’indice CAC 40, c’est-à-dire de la moyenne des cours de 40 entreprises. Il existe des supports permettant d’investir directement sur cet indice, mais beaucoup d’investisseurs choisissent d’investir uniquement sur quelques-unes des entreprises du CAC. En s’éloignant d’un investissement « moyenné », ces choix augmentent alors la volatilité, et s’apparentent alors plus à de la spéculation.

En effet, une analyse rétrospective montre que les cours individuels des entreprises peuvent diverger très fortement. La fortune peut alors être au bout du chemin (par exemple pour ceux qui ont investi sur LVMH en 2013 : le cours a été multiplié par 6), tout comme la ruine (pour les malheureux ayant plutôt accordé leur confiance à Unibail à la même époque : le cours a été divisé par 4).

Ainsi, la Bourse n’est pas un placement miracle : si sa rentabilité moyenne est réelle, il reste risqué et d’abord réservé aux spécialistes fortunés. Et bien sûr aux spéculateurs de tout poil – à leurs risques et périls.

On peut enfin se demander quel est le niveau actuel de la Bourse, mais pour cela, il convient d’abord de jeter un regard sur la situation des autres Bourses mondiales.

Depuis 2010, une divergence entre les États-Unis et l’Europe

Jusqu'à la fin des années 1990, les indices boursiers européens et américains croissent sensiblement au même rythme, tandis que l’indice japonais Nikkei 225 suit une pente décroissante, à cause des lourds problèmes de ce pays depuis une trentaine d‘années.

On observe aussi l’effet positif qu’ont eu les politiques monétaires des banques centrales (et notamment de la Fed) qui ont fourni des liquidités en masse aux investisseurs entre 2009 et 2021, via des politiques de Quantitative easing.

Une analyse des dernières années montre que les Bourses occidentales connaissent des trajectoires parallèles, seule l’intensité des hausses et des baisses les différencient. La crise liée à la pandémie de Covid-19 de 2020 n’a pas fait plonger très longtemps les grands indices occidentaux. Au contraire, le S&P500 a même connu une accélération de sa croissance lors de cette année.

Là encore, on peut avancer que les investisseurs ont été soutenus par la politique monétaire mise en place par la Fed dès le mois de mars, ainsi que par les « plans de relance » décidés par le gouvernement américain.

Les Bourses des BRICS sont beaucoup plus raisonnables

La Bourse chinoise de Shanghai est désormais la quatrième mondiale en termes de capitalisation – fulgurante progression sachant que les investisseurs étrangers n’ont été autorisés à acheter ou à vendre des actions sur l’une des bourses chinoises qu’en 2002. Depuis 2013, l’indice chinois est globalement stable, comme l’indice du Mexique ou celui du Brésil. Pour sa part, l’Indice indien est sur une pente croissante depuis 10 ans.

Ainsi, alors que les BRICS et autres pays émergents sont encore en plein développement, avec de belles perspectives pour la décennie à venir, on constate que leurs Bourses ne connaissent pas une euphorie identique à celle de l’Occident ; beaucoup sont même relativement prudentes. On peut dès lors se demander si les Bourses occidentales ne sont pas surévaluées...

Des Bourses occidentales surévaluées ?

Savoir si les Bourses sont surévaluées ou sous-évaluées fait évidemment toujours l’objet de longs débats entre investisseurs financiers. Parmi les nombreux critères d’analyse possibles, il en existe cependant deux qui sont très souvent utilisés.

Le premier est lié au Price-Earnings Ratio (PER, ou Price-to-Earnings, P/E). il s'agit d'un indicateur utilisé en analyse financière et boursière, qui correspond au ratio entre la capitalisation boursière et les bénéfices. Il indique donc combien d’années de bénéfices il faut pour rentabiliser l’achat de l’action – il faut généralement une vingtaine d’années.

De ce calcul découle le TR CAPE (Total Return Cyclically Adjusted Price-to-Earnings ratio) ou TR Shiller PE (du nom de l'économiste américain Robert Shiller qui l’a créé), qui divise la capitalisation boursière par la moyenne du résultat net sur 10 ans, ajusté avec l'inflation.

On peut le représenter en fonction de son écart à sa propre moyenne, afin de mieux positionner la « valeur de la Bourse » à une date donnée, avec son écart-type (c’est-à-dire la moyenne des écarts à la moyenne). On constate ainsi que selon ce ratio, malgré sa forte baisse récente, le marché américain reste à la limite de la surévaluation.

Comme ce calcul ne tient évidemment pas compte des scénarios économiques futurs, qui s’annoncent clairement moins favorables que ceux des 10 dernières années, on peut donc en conclure que, selon cette analyse, le marché américain reste objectivement nettement surévalué.

En général, la Bourse évolue à l’opposé des taux d’intérêt à long terme. En effet, quand une banque centrale augmente ses taux, en général pour combattre l’inflation, son but est de « ralentir » l’économie, ce qui aura des effets négatifs sur les profits des entreprises et donc sur le cours. Le Shiller PE permet ainsi de bien observer ce phénomène.

On note également que le ratio de novembre 2021 était le deuxième plus élevé de l’histoire de la Bourse américaine, devant le pic de 1929, ce qui en dit en dit long sur l’effet de dopage procuré par les injections monétaires de banques centrales.

Le second calcul fréquemment utilisé est la capitalisation boursière exprimée en pourcentage du PIB, ou indicateur de Buffett, le milliardaire américain Waren Buffet l’ayant longtemps promu comme meilleur outil d’analyse boursier. Il conclut comme le Shiller PE que le marché est à la limite de la surévaluation.

En 2022, la Banque de France pointait déjà un risque de crise boursière et financière à moyen terme, au regard du « niveau d’exubérance persistant » de certains indicateurs de valorisation boursière. On observe que les Bourses restent surévaluées, malgré la hausse des profits des entreprises et de certaines corrections de cours, et ce alors que ces analyses ne prennent pas en compte les perspectives sombres des économies occidentales pour le moyen terme. Après la hausse récente du CAC 40, le moins qu’on puisse dire est que cette alerte de la Banque de France reste toujours d’actualité.

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