En France, plus de la moitié du déficit commercial provient de la zone Euro

La France a enregistré un déficit commercial record de 85 milliards d’euros en 2021. L’importation de produits énergétiques est de loin la première cause de ce chiffre historique, tandis que l’aéronautique, la chimie et l’alimentation sont les secteurs économiques les plus en excédent. Concernant ses partenaires, la France effectue plus de la moitié de ses échanges commerciaux avec des pays de la zone euro.

Deux manières de calculer le solde commercial

Il existe deux façons de calculer le solde commercial français, le solde « FAB-CAF » et le solde « FAB-FAB ». Ces méthodes diffèrent selon la manière de calculer le coût des importations.

Le solde « FAB-CAF » comptabilise ainsi les exportations et les importations différemment. Les exportations sont ainsi comptabilisées « franco à bord » (FAB) et les importations « Coûts, assurance, fret » (CAF).

Selon cet indicateur, en 2021, le montant des importations CAF de la France est de 605 milliards d’euros, tandis que le montant des exportations FAB est de 495 milliards d’euros : le déficit commercial français est donc de 110 milliards d’euros.

Le solde « FAB-FAB », qui est l’indicateur retenu par la comptabilité nationale, comptabilise les exportations et les importations de la même manière. Il comptabilise ainsi également les importations FAB, en retirant des importations CAF les frais d’acheminement des marchandises (transport et assurance) depuis la frontière du pays partenaire jusqu’à la frontière française. Cette correction est appelée « taux de passage CAF-FAB ».

Selon cet indicateur, en 2021, le montant des importations FAB de la France est de 586 milliards d’euros et le montant des exportations FAB de 501 milliards d’euros (1) : le déficit commercial français est ainsi de 85 milliards d’euros.

La zone euro, premier partenaire commercial

L’Europe, et plus spécifiquement les pays de la zone euro, sont de loin les premiers partenaires commerciaux de la France. 70 % des échanges commerciaux français — soit 758 milliards d’euros sur un volume total de 1 100 milliards d’euros — s’effectuent ainsi avec des partenaires européens dont :

- 54 % avec les pays de la zone euro, soit 590 milliards d’euros. L’Allemagne à elle seule représente 16 % des échanges ;

- 7 % avec les autres pays de l’Union européenne non-membres de la zone euro, soit 81 milliards d’euros ;

- 8 % avec les autres pays d’Europe non-membres de l’Union européenne, soit 87 milliards d’euros.

Les États-Unis et la Chine sont les deux autres partenaires commerciaux les plus importants de la France, pesant chacun 6 % des échanges commerciaux avec l’hexagone.

La France est le sixième exportateur mondial de biens et services en 2021 et compte plus de 136 000 entreprises françaises exportatrices. Le montant total des exportations françaises en 2021 est de 495 milliards d’euros et les principales destinations de ses exportations sont les pays de la zone euro. Ainsi la France exporte :

- 71 milliards d’euros de biens vers l’Allemagne, soit 14 % du total de ses exportations ;

- 39 milliards d’euros de biens vers l’Italie, soit 8 % du total ;

- 38 milliards d’euros de biens vers la Belgique, soit 8 % du total ;

- 37 milliards d’euros de biens vers l’Espagne, soit 7 % du total.

Les États-Unis sont la cinquième destination des biens français, pour 35 milliards d’euros (7 % du total), tandis que la Chine est le septième destinataire des exportations françaises : seuls 5 % des biens français y sont exportés.

Ce sont également les pays de la zone euro qui représentent plus de la moitié des 603 milliards d’importations françaises. Les cinq premiers fournisseurs de la France sont ainsi des pays de la zone euro. La France importe :

- 102 milliards d’euros de biens depuis l’Allemagne, soit 17 % du total de ses importations ;

- 65 milliards d’euros de biens depuis la Belgique, soit 11 % du total ;

- 54 milliards d’euros de biens depuis les Pays-Bas, soit 9 % du total ;

- 51 milliards d’euros de biens depuis l’Italie, soit 8 % du total ;

- 48 milliards d’euros de biens depuis l’Espagne, soit 8 % du total.

La Chine et les États-Unis sont les deux autres fournisseurs principaux de la France. La Chine exporte ainsi 41 milliards de biens (7 % du total) vers la France, contre 27 milliards (4 % du total) pour les États-Unis.

La France, déficitaire vis-à-vis à ses voisins

En s’intéressant à la balance commerciale française vis-à-vis de ses principaux partenaires commerciaux, on constate que la France enregistre un déficit commercial avec les autres puissances économiques de la zone euro. La France est ainsi en déficit commercial :

- De 34 milliards d’euros vis-à-vis des Pays-Bas, qui exportent notamment des produits agroalimentaires ;

- De 31 milliards d’euros vis-à-vis de l’Allemagne, qui exporte notamment des matériels de transport (automobile) et des machines industrielles et agricoles ;

- De 27 milliards vis-à-vis de la Belgique, qui exporte notamment des métaux et des produits chimiques et pharmaceutiques ;

- De 11 milliards d’euros vis-à-vis de l’Italie : qui exporte notamment des machines et des médicaments et préparations pharmaceutiques ;

- De 11 milliards d’euros vis-à-vis de l’Espagne, qui exporte notamment des matériels de transport et des produits industriels.

La balance commerciale française vis-à-vis de la Chine est déficitaire de 17 milliards d’euros, notamment en raison de l’importation de produits médicaux — renforcée lors de la pandémie de Covid-19 — et de matériel informatique (ordinateurs).

À l’exception du Royaume-Uni, tous les pays vis-à-vis desquels la France est en excédent commercial sont extra-européens. La France est ainsi en excédent commercial :

- De 8,6 milliards d’euros vis-à-vis des États-Unis, qui importent principalement des matériels de transport, des équipements mécaniques, des matériels électriques, électroniques et informatiques, et des produits agroalimentaires et pharmaceutiques ;

- De 5,6 milliards d’euros vis-à-vis de Singapour, qui importe principalement des matériels du secteur aéronautique, des produits de luxe et des composants électroniques ;

- De 4,4 milliards d’euros vis-à-vis de Hong-kong, qui importe principalement des articles de cuir (bagageries, chaussures), des produits du secteur aéronautique, ainsi que des boissons (vins et spiritueux).

Le Royaume-Uni constitue le deuxième excédent commercial bilatéral français : il est le seul pays européen parmi les 10 premiers excédents bilatéraux français. Les échanges de biens avec le Royaume-Uni sont principalement des échanges intrabranches dans les secteurs de la construction aéronautique et spatiale et de la construction automobile.

À noter que selon Eurostat, les exportations françaises vers le Royaume-Uni n’ont progressé que de 1 % de janvier à mai 2021 par rapport à la même période en 2020, contre 17 % vers les autres pays hors Union européenne. Ceci peut être en partie lié à la crise sanitaire ainsi qu’au Brexit.

L’aéronautique, fer de lance des exportations françaises

En répartissant les excédents et les déficits commerciaux français selon les secteurs économiques, on distingue que seuls cinq secteurs économiques français sont exportateurs nets vis-à-vis de l’étranger :

- Le transport aéronautique et spatial est le secteur enregistrant l’excédent le plus important : en excédent de 17 milliards d’euros ;

- Les produits chimiques, en excédent de 13 milliards d’euros ;

- L’alimentation, en excédent de 11 milliards d’euros ;

- L’armement, en excédent de 7 milliards d’euros ;

- Les produits pharmaceutiques, en excédent de 4 milliards d’euros.

À l’inverse, si l’on regroupe plusieurs catégories de produits, pour avoir une vision plus synthétique, on distingue que les principaux produits dont le solde commercial est déficitaire sont :

- Les produits énergétiques, qui représentent 48 milliards d’euros du déficit commercial français ;

- Les matériaux au sens large, qui représentent 47 milliards d’euros du déficit commercial français ;

- Les machines et matériels électriques, qui représentent 41 milliards d’euros du déficit commercial français ;

- Les véhicules, qui représentent 21 milliards d’euros du déficit commercial français.

Comme chaque année depuis presque deux décennies, la balance commerciale française est encore déficitaire en 2021. Ce solde est même d’un montant record : 85 milliards d’euros selon le solde « FAB-FAB » et 110 milliards selon le solde « FAB-CAF ».

Si les premiers partenaires commerciaux de la France sont les pays de la zone euro, c’est aussi auprès de ces pays que la France enregistre plus de la moitié de son déficit commercial. Les excédents commerciaux français sont quant à eux tirés par les exportations dans les secteurs de l’aéronautique, la chimie, la pharmacie, l’armement et l’alimentation, tandis que le secteur de l’énergie est largement déficitaire.

Les douanes françaises notent cependant qu’après une forte contraction des échanges en 2020, due à la crise sanitaire, la France connaît un redressement de ses échanges commerciaux en 2021. Certains secteurs comme l’aéronautique peinent cependant à retrouver leur niveau d’activité d’avant-crise.

« L’œil de l’économiste »

par Frédéric Farah

Le dernier chiffre du déficit commercial ne cesse d’interroger. Depuis 18 ans, la France est entrée dans un déficit commercial qu’il semble impossible d’enrayer. Plusieurs causes peuvent l’expliquer. Elles sont de nature structurelle et conjoncturelle.

Les causes structurelles du déficit commercial

De nature structurelle, la France a subi à partir de la fin des années 1990, le néomercantilisme allemand. À la fin des années 1990, l’Allemagne était considérée comme l’« homme malade » de l’Europe. La France affichait des excédents commerciaux, et représentait le moteur de la croissance européenne. La période 1998-2001 dans l’histoire économique française a été nommée les « trois glorieuses ». Pour faire face à son concurrent, l’Allemagne a œuvré dans trois directions :

- Par le biais de l’Agenda Schröder, chancelier avant Angela Merkel, le coût du travail en Allemagne a été comprimé et l’État social allemand a été redimensionné à la baisse

- D’autre part, l’Allemagne a profité d’une monnaie stable, l’Euro, mais sous-évaluée par rapport au Mark, ce qui lui a permis de renforcer sa compétitivité prix.

- Enfin, les élargissements à l’est de l’Europe de 2004 et 2007 ont permis aux entreprises allemandes de comprimer leurs coûts par des délocalisations de proximité.

À cette première cause, s’ajoute un élément souvent négligé, le rôle du taux de change. La France vit avec une monnaie surévaluée, l’euro. La période 2001-2008 a été celle de l’euro fort, qui a été très coûteux pour l’industrie française.

L’autre cause structurelle est la désindustrialisation qui aujourd’hui fait l’objet d’une préoccupation constante après plus de trois décennies de négligence. Cette situation interroge sur la nature des spécialisations françaises, mais aussi sur la stratégie de nos multinationales qui ont délocalisé des pans entiers de la production et embauché à l’étranger depuis les années 2000. La politique de l’offre conduite depuis 2013 consistant à réduire les coûts de production, ou encore à baisser la fiscalité sur les entreprises n’a pas donné tous les effets escomptés pour enclencher une véritable réindustrialisation.

Il est difficile de se contenter d’une meilleure situation du secteur des services pour en conclure à un rééquilibrage entre les deux domaines. Selon la Banque de France, l’excédent du secteur service atteint 37,5 milliards en 2021, contre 16,4 milliards en2020. Mais l’observation de la balance courante qui tient compte des biens, des services et des revenus est déficitaire de 28,5 milliards.

Les facteurs conjoncturels

Des facteurs plus conjoncturels expliquent aussi ce chiffre. La récente pandémie a affecté deux fleurons de l’industrie française, l’automobile et l’aéronautique. Ce dernier a vu, selon la direction générale du Trésor, baisser ses exportations de 42 % en 2020 par rapport à 2019. Quant au secteur de l’automobile, les exportations restent inférieures de 12 % par rapport à 2020, selon les chiffres des douanes.

À cela s’ajoute, une modification de la structure de consommation des ménages, qui se tourne moins vers les activités de service — comme l’hôtellerie ou la consommation culturelle — pour privilégier des consommations à domicile faisant appel à de nouvelles technologies très largement importées.

Un autre facteur conjoncturel est la reprise des investissements de la part de nos entreprises. En effet, les importations sont liées à la tenue du revenu national : si la demande intérieure augmente, les importations sont susceptibles de repartir à la hausse. Ainsi, le retour de l’investissement des entreprises en 2021 a stimulé l’achat d’équipements et de machines venant de l’étranger. La question qui se pose dans le cadre des spécialisations économiques françaises est de savoir ce qui, parmi ces biens, pourrait être produit sur le territoire. Enfin, la facture énergétique a également joué un rôle dans la dégradation. Du déficit

En somme, le mal français réside dans une désindustrialisation préoccupante, une monnaie surévaluée et un environnement économique qui favorise les stratégies non coopératives (dumping social, fiscal, politique de compétitivité). Mais si le déficit commercial est préoccupant, la religion des excédents pratiquée en Allemagne, aux Pays-Bas, ou encore en Autriche est aussi l’expression d’un déséquilibre. Ce dernier étant d’une autre nature, car il exerce une pression à la baisse sur la demande intérieure.

Annexes