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La grande arnaque du « jour de libération fiscale »

Le niveau de dépenses publiques est une tarte à la crème du débat médiatique monopolisé par les néolibéraux, qui ne cessent de faire passer notre pays pour une sorte d’enfer fiscal où les citoyens, et surtout les plus riches, seraient maltraités par un État obèse dont les impôts matraqueraient le secteur privé, toujours présenté comme étant le seul « productif ». Pourtant, dès lors que l'on oublie les chiffres abscons issus de la comptabilité nationale pour regarder par la fenêtre, on observe une réalité tout à fait différente. Cela signifie donc que cette propagande est fausse et qu'elle vise à manipuler les citoyens. Elle repose en particulier sur une grave incompréhension du fonctionnement d’une économie, et parfois même de la simple définition du PIB. Ne vous faîtes plus avoir ! On vous explique tout.

Article Économie
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publié le 01/02/2024 Par Olivier Berruyer
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Qui n’a jamais entendu la propagande néolibérale sur le thème du « Nous vivons dans un régime communiste : l’État prend 56 % de nos revenus » ?

Source : Le Point - 28/08/2013

En effet, alors que les enjeux sont énormes pour maintenir un niveau de vie décent des séniors, c’est-à-dire à nous-mêmes dans quelques années, les néolibéraux n’ont eu de cesse de promouvoir la destruction de notre modèle social, pour être certains de ne pas voir la contribution des plus riches augmenter, quand il ne s’est pas agi de la faire baisser. Leur propagande s’est donc déchainée depuis une quinzaine d’années, directement ou via des « thinks-tanks » bidon, simples instruments de lobbying. Ils ont ainsi martelé en permanence cette notion de dépenses publiques à « 58 % du PIB » (voir notre article) ou dénoncé les « 45 % du PIB » de prélèvements obligatoires (voir notre article).

Le poujadisme made in USA

Différentes associations poujadistes sont parvenues à introduire en France la notion de « jour de libération fiscale », qui avait été inventée aux États-Unis après-guerre (Tax Freedom Day). Son principe est simple : on applique à l’année une estimation du taux d’imposition pour déterminer le jour où, en théorie, on aurait payé 100 % de nos impôts annuels si l’on avait payé 100 % d’impôts chaque jour de l’année.

Le prophète du néolibéralisme Milton Friedman l’a reprise à son compte lorsqu’il écrivait dans son livre Free to Choose :

« Nous avons proposé d'instituer une nouvelle fête nationale, le Jour de l'Indépendance personnelle - le jour de l'année où nous cesserions de travailler pour payer les dépenses du gouvernement et où nous commencerions à payer pour les biens que nous choisissons (individuellement ou à plusieurs) à la lumière de nos besoins et de nos désirs. »

Les Contribuables associés ont introduit ce concept en France en 1999 :

« Enfin libre », « travailler pour l’État », prison, etc., tout y passe. Cette propagande a logiquement été reprise par les principaux médias néolibéraux, puisque le poujadisme fait toujours cliquer…

Source : RMC, Figaro, Les Echos, Le Point

L’analyse des multiples manipulations de ce concept permet de comprendre comment la propagande fabrique le consentement des populations à des politiques contraires à leur intérêt.

D’abord, le « travailler pour soi » versus « travailler pour l’État » n’a guère de sens, car cela supposerait que les impôts seraient une dépense « à perte », au bénéfice d’autres personnes. Or, d’une part, le contribuable bénéficie d’une contrepartie financière immédiate (bouclier énergie, subvention) ou différée (retraite, chômage) pour la partie correspondant aux transferts financiers. Mais il en est de même du reste des impôts, qui servent au fonctionnement des administrations, avec un retour sous forme de services rendus par des enseignants, des juges, des infirmières, des cantonniers qu’on ne paye pas directement.

Bref, avec un tel raisonnement poussé à l’absurde, on pourrait affirmer qu’on travaillerait 15 jours dans l’année « pour Carrefour » ou « pour Total », vu les importantes sommes qu’on dépense chez eux… Sauf qu’en retour, on bénéficie de courses ou d’essence. Les dépenses publiques ne sont souvent que des dépenses classiques préfinancées. Le fait d’avoir collectivisé le financement des dépenses publiques ne change en rien leur nature.

Coiffeur versus infirmière

Autre élément récurrent des néolibéraux : il y aurait un secteur public qui « vampiriserait » un secteur privé, complètement étouffé par l’obésité d’un État « noyé » sous le nombre de fonctionnaires. On se demande bien comment, dans ces conditions, la Suisse n’a pu avoir qu’une croissance de 2,6 % en 2022 et 1,1 % en 2019, contre 2,5 % et 1,8 % pour la France, alors que ce pays a un taux de dépenses publiques deux fois plus faible qu’en France (27 % contre 48 %). L’argument des néolibéraux est donc à l’évidence complètement erroné.

Cet élément de propagande repose sur le postulat qu’un emploi public, par exemple une infirmière à l’hôpital, verrait son salaire payé par le secteur privé, par exemple par un coiffeur, dont elle « volerait » finalement les revenus. Au premier regard, cet argument peut sembler logique si on ne prend pas le temps de la réflexion.

En réalité, cette analyse largement est biaisée, car elle repose sur une mauvaise compréhension de l’activité économique, car centrée sur le mode de financement des services. Or, l’économie repose d’abord sur le travail, et dans les deux cas, on a deux salariés qui vont travailler le matin, rendent des services toute la journée à des clients, et rentrent le soir chez eux. Il n’y a aucune différence à leur niveau. La différence est qu’on paye le salon de coiffure après la coupe, alors qu’on a prépayé via l’État la possibilité d’avoir accès gratuitement à une infirmière en cas de besoin.

Et l’identité de la nature des fonctions est encore plus flagrante si l’on compare une infirmière fonctionnaire à l’hôpital et une infirmière libérale qu’on paye pour un soin à domicile. Réciproquement, imaginons qu’une coupe de cheveux pour un homme coute en moyenne en France 25 €, et qu’un Président communiste décide que la coupe de cheveux est un service public qu’il décide de nationaliser : les coiffeurs deviennent des fonctionnaires, et les hommes (pour simplifier l’exemple) ont désormais droit à une coupe gratuite chaque mois où ils veulent, moyennant une hausse des impôts des hommes de 25 € (le législateur créera bien entendu tout un tas de niches fiscales pour les chauves).

Sans discuter de l’intérêt de cette mesure, on peut dire que ce Président sera lourdement critiqué par les néolibéraux pour avoir gonflé les effectifs de fonctionnaires et les dépenses publiques. Mais en réalité, qu’est-ce qui a vraiment changé pour l’économie du pays après cette nationalisation du secteur ? En premier ordre, rien n’a changé.

S’il est faux d’affirmer que le secteur public vampirise le secteur privé, c’est parce que l’économie est circulaire : la demande entraîne l’offre de produits et de services qui d’abord crée de l’emploi, puis génère des salaires qui financent de la nouvelle demande. Oui, le salaire de l’infirmière est partiellement payé par les impôts du coiffeur. Mais celui-ci a droit en échange à des services d’infirmière, c’est un achat prépayé de services. Et ensuite, une fois par mois, l’infirmière dépense une partie de son salaire chez le coiffeur, dans le cadre d’un achat de service payé après réalisation. Le coiffeur a peut-être payé 20 % de son salaire en impôts, mais il se trouve que 20 % de sa clientèle est fonctionnaire, donc 20 % de son salaire vient du secteur public qu’il a financé. Le coiffeur vampirise-t-il alors les fonctionnaires ? Non, bien évidemment.

Le plus interpellant dans ces exemples est que, pour le coiffeur ou l’infirmière libérale, comme il s’agit d’emplois privés, un néolibéral trouvera toujours ces activités désirables, « créatrices de richesses », et espérera que les « dépenses privées » correspondantes monteront sans cesse pour alimenter la sacro-sainte croissance. Mais en revanche, il considérera toujours l’emploi de l’infirmière fonctionnaire comme surnuméraire, à supprimer d’urgence pour diminuer les « dépenses publiques » tout comme le serait l’emploi de coiffeur fonctionnaire dont on a vu qu’il est en réalité identique à celui du coiffeur privé. Pour les néolibéraux, les dépenses publiques doivent toujours baisser, et les dépenses privées doivent toujours monter.

La pathologie de la liberté de choix absolue rend donc les néolibéraux imperméables à de la logique élémentaire. Ensuite, bien entendu, on peut débattre de l’utilité de certains postes de fonctionnaires ou de secteurs publics, mais il s’agit d’un débat de second ordre. Au final, tous les secteurs, public et privé, bénéficient au final de ces dépenses publiques. Et tous les secteurs bénéficient d’une dépense privée.

Dès lors, on comprend qu’il serait très simple d’augmenter le montant des dépenses publiques, sans la moindre douleur pour les citoyens : il suffirait par exemple de créer une « prime énergie et soutien » de 500 € par mois par ménage, financé par un impôt de 500 € par mois par ménage. Les dépenses publiques augmenteraient ainsi de 180 Md€, soit + 7 points de PIB, et atteindraient 65 %. Les néolibéraux hurleraient encore plus fort, et pourtant strictement rien n’aurait changé au niveau du pouvoir d’achat des ménages.

C’est exactement ce genre de phénomène qui se passe en réalité, certes en un peu plus redistributif (l’impôt serait par exemple de 6000 € pour la moitié des ménages les plus riches et de 400 € pour les autres), mais cela ne change rien au schéma général de circulation de l’argent de la dépense publique. Et c’est pour cette raison que des pays économiquement proches ont parfois des dépenses publiques très différentes en % du PIB, sans qu’il y ait de grandes conséquences économiques.

La principale différence entre une dépense publique et une dépense privée est donc le prépaiement de la première ; ce n’est pas l’activité elle-même. C’est une différence réelle, dont il faut étudier l’intérêt pour savoir si un service mérite de devenir public. Économiquement, ce n’est qu’un choix de deuxième ou troisième ordre, qui ne devrait pas mériter le dogmatisme actuel qui monopolise une large part du débat public. Et encore, cette différence s’estompe parfois, car de plus en plus de services privés fonctionnent en prépaiement, et souvent même à volonté, comme une souscription à Netflix ou Deezer, des livraisons à volonté Amazon Prime, ou encore une carte d’abonnement au cinéma.

Ne reste alors au final que la simple liberté de choix de souscrire, ou pas, un tel abonnement. Elle est très importante vu le caractère récréatif de ces exemples. Mais que signifierait cette « liberté de choix » dès lors qu’il s’agirait d’avoir une retraite, de se faire soigner, d’éduquer ses enfants, de vivre en sécurité, d’avoir de l’électricité, de pouvoir faire appel à la justice, de disposer de routes et de trains, de vivre dans un environnement non toxique, etc. ?

Production, valeur ajoutée et PIB

Revenons au jour de libération fiscale. Reste à savoir comment on calcule ce fameux jour. Comme on l’a vu dans précédemment, les Contribuables associés ont simplement pris le ratio des dépenses publiques exprimées en pourcentage du PIB (60 %), qu’ils ont appliqué aux 365 jours de l’année, soit 220 jours, ce qui donnait en 2022 le 9 août. Ce calcul est en réalité une erreur très répandue et très grave, car il révèle une incompréhension totale de la notion de PIB. Comme on l’a expliqué dans cet article, le PIB est la valeur réelle produite par un pays, qui se compose en quasi-totalité de la somme des valeurs ajoutées des entreprises (à laquelle on ajoute simplement quelques impôts sur les produits).

Pour connaître la valeur réelle produite par un pays, il ne faut pas simplement additionner les chiffres d’affaires des entreprises, c’est-à-dire la valeur de toutes les ventes. Sinon, il suffirait de multiplier de simples intermédiaires en achat/revente pour augmenter fortement et fictivement le PIB. Prenons l’exemple de la baguette de pain. Si on additionne la valeur de la vente de farine par le meunier et celle du pain par le boulanger, on va compter deux fois la production de farine qui a été incorporée dans le pain. C’est pourquoi on a créé la notion de valeur ajoutée, qui est égale au chiffre d’affaires moins les consommations intermédiaires, c’est-à-dire les achats extérieurs qui ont été nécessaires à la production (pour le boulanger, ce sera donc la farine, le levain, le sel, l’eau, l’électricité, le loyer…). C’est en additionnant ces valeurs ajoutées qu’on obtient le PIB, qui donne une valeur bien plus réaliste que la simple somme des ventes.

Prenons l’exemple, fictif, d’un service de livraison de pain à domicile décrit dans le graphique suivant. L’agriculteur cultive et livre le blé au meunier, qui fournit de la farine au boulanger, qui vend une baguette à l’entreprise de livraison.

Cet exemple permet de bien montrer les effets cumulatifs : on arrive à 4,20 € d’achats et de ventes, mais à seulement 2,19 € de valeur ajoutée et 2,01 € de consommations intermédiaires. Au niveau national, la consommation intermédiaire est également égale à environ la moitié de la valeur de la production.

Les dépenses publiques ne sont pas une part du PIB !

Ce détour par le PIB est très important, car quand la propagande néolibérale martèle sans cesse que « les dépenses publiques représentent 56 % du PIB » ou « la moitié du PIB », le sous-entendu est clair : les dépenses privées représenteraient donc seulement 44 % du PIB, d’où « le dernier pays communiste », etc. Mais tout ceci est totalement faux, car le PIB n’est pas la somme de toutes les dépenses. Les dépenses publiques ne sont pas un ensemble inclus dans le PIB, cela n’a rien à voir. Elles sont ici exprimées en pourcentage du PIB, mais elles pourraient tout aussi bien être exprimées en pourcentage de n’importe quelle autre valeur monétaire.

Redisons-le clairement : les dépenses publiques ne sont pas « une part » du PIB. C’est une grave erreur de le dire ou de le laisser entendre, ce que font très fréquemment les néolibéraux. Éric Ciotti a déclaré en 2022 :

« Il y a une date qui est importante dans le calendrier civil de l'année, c'est le 19 juillet. Le 14 juillet c'est notre fête nationale, mais, le 19 juillet, c'est le jour de libération fiscale des Français. Ça veut dire que du 1er janvier jusqu'au 19 juillet les Français travaillent pour l'État. »

Mais Emmanuel Macron avait également dit durant ses vœux pour 2019 : « Nous dépensons pour le fonctionnement et en investissement pour notre sphère publique plus que la moitié de ce que nous produisons chaque année ». Il reprenait ainsi la propagande du gouvernement précédent, en la personne de Michel Sapin, qui déclarait en 2016 : « Cela se traduit logiquement par une baisse de la part des dépenses publiques dans le PIB ». On pourrait également citer Pierre Moscovici : « Alors que les dépenses publiques représentent 58 % du PIB, a-t-on réellement le sentiment que la qualité du service public en France est à son plus haut niveau ? ». Et d’ailleurs, eux-mêmes reprenaient la propagande de Nicolas Sarkozy en 2010 :

« La solution est de diminuer le poids de la dépense publique. Il n'y a pas le choix. La dépense publique représente la moitié de notre richesse nationale, 10 points de PIB de plus que chez nos amis allemands, mais, que je sache, l'Allemagne n'est pas sous-administrée. »

« Sous-administrée », non, mais elle a logiquement beaucoup moins de transferts financiers publics. Tous se sont engouffrés dans le sillon tracé de longue date par Jean-Marie Le Pen, comme ici en 2007 : « La dépense publique a crû de manière continue depuis des décennies, pour représenter aujourd'hui 55 % du PIB. […] La dépense publique est monopolisée par les crédits de fonctionnement de l'État-Providence ». Ce dernier point est évidemment totalement faux, comme nous l’avons expliqué précédemment.

Même l’Insee se laisse régulièrement aller à cette propagande, comme ici quand l’institut évoque « la part des dépenses [publiques] dans le PIB ». C’est comme parler de « la part de la dette publique dans le PIB » ou de « la part de la fortune d’Elon Musk dans le PIB français » : cela ne veut tout simplement rien dire…

Source : Insee - 31/05/2023

Il y a un point fondamental à bien comprendre. Quand on parle de « dépenses publiques », on parle des dépenses réalisées par le secteur public. Dès lors, on pourrait définir les « dépenses privées », comme celles réalisées par le secteur privé, qui seraient donc égales à l’ensemble de toutes les dépenses moins les dépenses publiques.

Mais comme les dépenses publiques ne sont pas une part du PIB, le ratio de « dépenses publiques » ne dit absolument rien de ce que serait un ratio de « dépenses privées ». Et l’erreur à ne surtout pas commettre, c’est d’en conclure que les dépenses privées seraient égales à 100 % moins le pourcentage des dépenses publiques, par exemple 100 - 57 % = 43 %. C’est exactement le piège mental tendu par les promoteurs du jour de libération fiscale pour manipuler les esprits en faisant croire que les dépenses publiques représentent la majorité des dépenses. On le voit notamment dans cet article de Contrepoints : « le journal libéral de référence en France », avec en bonus un doublé avec le fameux « secteur public financé par le secteur privé » :

Source : Contrepoints - 08/10/2014

Contacté par nos soins, l’Insee nous a d’ailleurs répondu que « la notion de “dépense privée” n’est pas définie dans le cadre des comptes nationaux » et qu’elle ne disposait donc pas d’un tel chiffre, ni même d’une façon de le calculer. Comme quoi, l’obsession de la dépense publique ne s’étend nullement à la dépense privée, pourtant autrement plus importante.

On peut cependant essayer d’évaluer l’ordre de grandeur de la dépense privée à partir de celui de la dépense totale, qui ne peut pas être inférieure à la valeur totale de la production (c’est-à-dire aux chiffres d’affaires des entreprises), qui a dépassé en 2022 les 5 000 Md€. En retirant le montant des dépenses publiques, on obtient ainsi un premier ordre de grandeur minimal de ce que seraient les « dépenses privées », qui représentent donc au moins 130 % du PIB. On commence dès lors à bien comprendre l’arnaque du « jour de libération fiscale ».

En réalité, si on veut vraiment mettre en rapport le secteur public et le PIB, c’est simple, il suffit de calculer la part du secteur public dans la valeur ajoutée : elle valait selon l’Insee 430 M€ en 2022. Comme elle fait bien partie du PIB, on peut donc dire que les administrations publiques représentent environ 17 % du PIB ; c’est d'ailleurs l’ordre de grandeur du taux de prélèvements nets consolidés que calculait l’Insee jusqu’en 1997. Si on compare ce qui est comparable, on peut aussi calculer que la part des dépenses de fonctionnement et d’investissement des administrations publiques représente environ 12 % de l’ensemble des dépenses.

Si on réalise le même calcul avec les emplois, notion beaucoup plus simple à appréhender, il apparaît que le secteur public représente environ 20 % de tous les emplois. On peut donc en conclure au final que le poids réel des administrations publiques est de l’ordre de 16 % à 20 % de l’économie. Et il a assez peu évolué depuis un demi-siècle.

Le soleil ne se couche jamais sur l’empire de la propagande néolibérale

Un autre think tank néolibéral réalise la promotion du jour de libération fiscal au niveau européen : l’Institut Molinari. Comme certains lobbyistes néolibéraux ont fini par comprendre qu’il était totalement stupide de réaliser des calculs à partir du ratio des dépenses publiques en proportion du PIB, ce think tank évite cet écueil et utilise plutôt une estimation du taux d’imposition d’un salarié célibataire ayant un salaire moyen (pour les cotisations patronales et salariales, l’impôt sur le revenu et la TVA). Ils aboutissent à 54 %.

Il n’y a pas cette fois d’erreur méthodologique, mais on reste dans de la manipulation intellectuelle, puisque là encore, on s’intéresse uniquement aux impôts payés, et pas aux transferts reçus (ce salarié a probablement perçu une prime pour l’emploi, des réductions d’impôts, un bouclier énergie, des remboursements de la Sécurité sociale, etc.). Et cet institut se concentre simplement sur les contributions payées durant la moitié de la vie (en tant qu’actif) et pas aux situations à d’autres âges ou situations de la vie. Quel est le jour de libération fiscale pour un enfant, un retraité, un chômeur, un handicapé ? Bref, c’est une tromperie de plus de cet institut « peu reconnu » et habitué aux polémiques. Désormais, vous ne vous laisserez plus prendre à cette propagande ridicule qui essaie de faire croire que « les Français travaillent 7 mois sur 12 pour la collectivité ».

Ce qu’il faut retenir

La « hausse des dépenses publiques » est un élément central et récurrent de la propagande néolibérale, qui vise à nous faire passer pour un pays communiste. Mais ce qui a nettement augmenté depuis les années 1970, ce n’est pas une forme « d’étatisation de l’économie », c’est en réalité la circulation de l’argent. Une partie a été destinée à augmenter la solidarité entre les citoyens pour, d’une part, sortir nombre de retraités de la misère où ils étaient durant les 30 Glorieuses, et d’autre part, faire face aux crises survenues depuis lors, en particulier de l’emploi suite à la désindustrialisation du pays. Une autre partie est causée par le vieillissement de la population, et correspond plutôt à une forme d’épargne forcée des actifs, destinée à être consommée durant la retraite. La contrepartie est le maintien d’un système social permettant une vie plus longue et terminée dans la dignité.

Les néolibéraux cherchent cependant à casser ce modèle, en faisant croire qu’il vampiriserait plus de la moitié des revenus, ce qui est complètement faux, car les dépenses publiques ne sont pas une partie du PIB. Ils inventent également le spectre d’un secteur public pléthorique qui aspirerait les revenus du secteur privé, alors que chaque jour montre au contraire son insuffisance pour gérer le présent et le futur. Cette analyse trompeuse repose simplement sur l’incompréhension totale du fonctionnement d’une économie.

Photo d'ouverture : Kaspars Grinvalds - @Shutterstock

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