Après des années de crise économique, la Grèce commençait à montrer des signes de reprise économique, mais la pandémie mondiale a lourdement affecté le pays, notamment le secteur touristique qui constitue l’un de ses atouts majeurs. En 2020, le PIB grec a donc chuté pour atteindre un niveau inférieur au pic de la crise économique des années 2010. La croissance grecque semble cependant repartie solidement en 2021.

La crise de la dette souveraine grecque commence symboliquement le 5 novembre 2009. Le gouvernement socialiste de l’époque annonce que le déficit pour l’année en cours sera de 12,7 % du PIB — contre les 3,7 % annoncé en début d’année — et que la dette publique s’élève à 112 % du PIB. Aussitôt, la Commission européenne enclenche une procédure pour déficits excessifs envers la Grèce, et l’agence de notation Fitch abaisse drastiquement la note de long terme de la dette grecque de A- à BBB+.
En mai 2010, le pays demande et obtient des crédits de l’Union européenne et du Fonds monétaire international (FMI) à hauteur de 110 milliards d’euros sur trois ans. En contrepartie, la Grèce doit prendre une série de mesures dont l’application est étroitement surveillée par ses créanciers, parmi lesquelles : le gel du salaire des fonctionnaires, l’augmentation de la TVA, la diminution du nombre de fonctionnaires, la flexibilisation du marché du travail ou encore l’augmentation de la durée de cotisations pour les retraites. Cette période d’austérité qui s’ouvre plonge l’économie grecque dans une crise profonde et le PIB trimestriel grec chute de manière vertigineuse : -30 % entre le premier trimestre 2008 et le premier trimestre 2013.


En parallèle de la récession, les services publics grecs continuent d’être privatisés afin de continuer à bénéficier de l’aide européenne et du FMI. En février 2011, les représentants de la zone euro et du FMI annoncent un plan massif de privatisations à hauteur de 50 milliards sur cinq ans. Quatorze aéroports régionaux passent sous contrôle du consortium allemand Fraport-Slentel en 2015, puis le port du Pirée est racheté par l’entreprise chinoise Cosco en 2016, tandis que les chemins de fers et les services de distribution d’eau et d’électricité sont convoités par plusieurs entreprises étrangères.
La crise engendre également un chômage colossal — avec un pic à 28 % en juillet 2013 — et fait ainsi fuir la main-d’œuvre grecque, notamment la plus qualifiée, dans toute l’Europe. On estime qu’entre 400 000 et 500 000 Grecs ont quitté le pays entre 2008 et 2020. Une perte colossale pour un pays de 11 millions d’habitants.
Après le choc pandémique, un retour à la croissance
Affaiblie par le démantèlement de l’appareil productif et la fuite de la main-d’œuvre, l’économie grecque met du temps à repartir. Malgré les plans d’aide de l’Union européenne et du FMI — dont le montant s’élève à 273 milliards d’euros entre 2010 et 2018 — la croissance stagne ainsi entre 2013 et 2016. Ce n’est qu’à partir de 2017 que la reprise économique se fait sentir durablement. Le taux de croissance trimestriel grec reste certes inférieur à 1 %, mais il reste positif quasiment sans interruption jusqu’au troisième trimestre 2019.
En 2020, la pandémie de Covid-19 2020 met brutalement fin à près de quatre ans de croissance faible, mais quasi continue. Le PIB trimestriel grec chute de 13 % au troisième trimestre 2020. Depuis le quatrième trimestre 2020, la croissance trimestrielle a connu des variations positives plus amples par rapport à la période pré-pandémie : le taux de croissance trimestriel oscille ainsi autour de 4 %. Ce retour de la croissance a fait revenir le PIB trimestriel à son niveau de fin 2019, comme on le voit sur le graphique précédent.


Le graphique ci-dessous montre l’ampleur des variations du PIB qu’a connu la Grèce lors de la crise de la dette, puis lors de la crise du Covid-19 :
- Au plus fort de la crise de la dette, le PIB a ainsi chuté de 13,5 % sur un an glissant ;
- La chute du PIB a été encore plus forte en 2020, puisque le PIB a chuté de 14 % sur un an glissant, soit un effondrement de 16 points entre le deuxième trimestre 2019 et le deuxième trimestre 2020. C’est notamment l’effondrement du tourisme qui a causé une telle récession en 2020. Selon la Banque de Grèce, le nombre de touristes a baissé de 76 % en 2020. Un drame lorsqu’on sait que les recettes touristiques représentent entre 20 % et 30 % du PIB ;
- Au deuxième trimestre 2021, la croissance grecque sur un an glissant est de 7,1 %, soit un écart de 21 points par rapport au plus fort de la récession de 2020.


Les principaux moteurs de la reprise de la croissance grecque ont été le commerce extérieur, avec un rebond des exportations de biens, ainsi que le redémarrage des dépenses d’investissement, comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous. Le rétablissement de la consommation des ménages, ainsi que les revenus générés par le secteur des services — notamment le tourisme — ont aussi été déterminants. Plus globalement, l’ensemble de la zone euro connaissait une période de croissance relativement forte qui a rejailli sur l’économie grecque.
Enfin, dès 2016, la Grèce a également commencé à sortir des politiques d’austérité et à dégager des excédents budgétaires primaires, qui ont été redistribués aux Grecs, soutenant ainsi la consommation. Après le choc pandémique, ce sont la consommation et les investissements qui ont permis le redémarrage de la croissance.


2010-2020 : la pire décennie depuis 60 ans
L’observation de la croissance grecque sur une longue période permet de se rendre compte à quel point la dernière décennie a été dramatique. De 2010 à 2019, la moyenne de la croissance grecque a ainsi été de -2 % : c’est la première décennie depuis les années 1960 que l’économie grecque est en récession. L’année 2020 a évidemment marqué un début de décennie catastrophique sur le plan de la croissance.


Si l’on prend en compte le facteur démographique, on se rend également compte de la baisse du niveau de vie des Grecs :
- Avant la pandémie, en 2019, le PIB trimestriel par habitant était encore 25 % inférieur au PIB par habitant en 2008 ;
- Au pic de la crise sanitaire, cet indicateur a encore chuté pour retrouver son niveau de 1995 ;
- Au deuxième trimestre 2021, le PIB trimestriel par habitant a retrouvé son niveau pré-pandémie, mais encore loin de celui de 2008.


Cette chute du revenu par habitant se matérialise notamment par un taux de pauvreté de 18 % en 2020, selon Eurostat, soit l’un des plus haut de l’Union européenne. La Grèce est également le seul pays de l’UE où le salaire minimal a diminué depuis 2008, avec une chute de 14 % entre 2008 et 2017, pour atteindre 590 € en 2019. Il a ensuite été rehaussé pour s’établir aujourd’hui à 680 € mensuel, un niveau cependant toujours inférieur à celui d’avant crise (750 €).
La Grèce s’est donc considérablement appauvrie durant la dernière décennie, alors que son PIB progressait au même rythme que le PIB français entre le début des années 1980 et le début des années 2000. La croissance grecque était même plus dynamique que la croissance française entre 2000 et 2008, avant que ne survienne la crise de la dette qui a fait entrer le pays dans sa pire récession depuis 50 ans. La crise du Covid-19 a brièvement fait replonger la croissance, qui semble cependant repartie en 2021, dans un pays toujours fragilisé par cette décennie noire.

