Quel est le premier marché à l’export de la Chine ? La réponse semble à première vue évidente : la première puissance économique mondiale, les États-Unis, serait le déversoir logique de l’Atelier du monde. Pour preuve, les tensions économiques récurrentes entre les deux superpuissances ne cessent de s’envenimer. Et bien non ! En 2023, l’ASEAN (Association des pays de l’Asie du Sud-Est) a détrôné l’oncle Sam en tant que premier réceptacle du made in China. Les douanes chinoises l’attestent : 500 Md$ de biens et services ont été importés de Chine par les États-Unis en 2023 contre 523 Md$ par l’ASEAN. L’écart s’est creusé en 2024 avec 524 Md$ pour les États-Unis et 586 Md$ pour l’ASEAN. Une tendance se dessine : les exportations chinoises en direction des États-Unis et l’ASEAN ont augmenté respectivement de +4,9 % et de +12 % en 2024. Et cette déferlante du « made in China » sur l’Asie du Sud-Est ne va pas sans susciter de remous.

publié le 28/04/2025 Par Jack Thompson

À Malacca, l’un des derniers ferblantiers en activité saisit un fer à souder qu’il a mis à chauffer dans un brasero en terre cuite. L’odeur âcre du métal rougi taquine les narines. Quelques brasages à l’étain plus tard, l’armature d’une lanterne au design « maison » prend forme. L’atelier-boutique est encombré d’ustensiles de cuisine, de burettes à huile, de boîtes à lettres… Du fait main et du sur-mesure, chacun peut y venir avec ses cotes et y faire réaliser l’objet introuvable qui s’insérera parfaitement dans le recoin biscornu d’une cuisine. S’y dénichent encore des arrosoirs métalliques, ultimes vestiges d’une époque où l’on irriguait les jardins avec une paire de gros arrosoirs soutenus par une palanche. Leurs successeurs en plastique made in China les ont avantageusement remplacés avant de céder la place aux tuyaux et pompes, tout aussi made in China.

Les feuilles de fer blanc (ou feuilles d’inox) de l’atelier-boutique sont probablement fournies par l’Atelier du monde. C’est d’ailleurs par l’exportation de ces biens intermédiaires (matériaux entrant dans la fabrication de produits finis) que la Chine a retissé ces liens avec l’Asie du Sud-Est à la fin du XXe siècle. Par des échanges fructueux, la Thaïlande, la Malaisie, les Philippines, etc., bénéficiaient alors d’un surplus de biens intermédiaires qu’ils transformaient avant de les exporter vers l’Occident. Ainsi, l’Atelier du monde soutenait le développement de ses voisins du Sud. Depuis, la situation s’est déséquilibrée en faveur de la Chine, qui voit ses exportations atteindre des sommets, tandis que celles de l’ASEAN vers la Chine périclitent.

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