bulb-alert

Il existe une version plus récente de cet article sur Le PIB et la croissance de la France

Nous vous recommandons de lire notre article actualisé sur Le PIB et la croissance de la France daté du

Après un trimestre de baisse du PIB (c’est-à-dire une baisse de la production du pays), le deuxième trimestre 2022 a vu le retour d’une croissance modérée en France. Forte inflation, faibles augmentations de salaire, baisse des dépenses publiques, hausse des impôts, crise internationale : tout concourt à être inquiet pour la suite de l’année. Allons-nous entrer dans une période de récession durable ?

publié le 03/10/2022 Par Olivier Berruyer
Moins de croissance, moins de pouvoir d'achat et nos gouvernants dans le déni

Après une baisse de -0,2 % au premier trimestre 2022 qui avait mis fin à un an de croissance corrigeant les effets de la crise du Covid, le PIB français a rebondi au deuxième trimestre avec une croissance de +0,5 %. Comme nous allons le voir, cette situation ne devrait hélas pas durer.

La croissance sur un an est donc de plus de +4 %, mais cela n’est pas significatif, car ce bon chiffre est lié en fait au simple rattrapage de l’énorme récession de 2021.

Au quatrième trimestre 2021, le PIB trimestriel avait légèrement dépassé son niveau du troisième trimestre 2019, atteignant ainsi un nouveau pic historique. Après la légère contraction de début 2022 et ce rebond, le PIB trimestriel français s’établit donc à +0,7% au-dessus de son niveau d’avant Covid.

Le PIB par habitant ne retrouve pas son niveau d’avant crise

Le recours au PIB trimestriel par habitant permet de mieux analyser l’évolution du niveau de vie moyen. Il est en effet important de tenir compte de la croissance démographique : si le PIB augmente de +1 % et que la population augmente de + 2 %, la richesse par habitant baisse en réalité de -1%, car la croissance est trop faible.

C’est pour cette raison que, contrairement au PIB du pays, le PIB trimestriel par habitant n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant crise : il se situe encore 0,3 point en dessous de son niveau du deuxième trimestre 2019, où il était à son plus haut historique.

Comme pour le PIB total, la croissance sur un an du PIB par habitant de +4 % n’est pas significative.

On est très loin du niveau qu’aurait atteint le PIB si la très forte croissance de la période 1995-2007 s’était maintenue.

Un rebond de la croissance portée par celui de la consommation

L’analyse du PIB par les dépenses permet de constater que la récession du premier trimestre était causée par une nette baisse de la consommation, ayant eu un effet de -0,6 point sur la croissance. Le rebond est porté de façon équitable par les 4 éléments du PIB : la consommation, l’investissement, le commerce extérieur et l’augmentation des stocks.

Si on constate bien un rebond de la consommation des ménages, son impact est nettement réduit par la baisse de la consommation publique, en raison de la mise en place d’une baisse des dépenses publiques. De la même façon, le rebond des investissements des entreprises est contrebalancé par la baisse des investissements publics, et la stabilité des investissements des ménages, ce qui n’est pas bon signe sur leur santé économique.

Au final, la demande intérieure contribue à une hausse de 0,1 point du PIB.

Le commerce extérieur a de nouveau eu ce trimestre un effet positif sur la croissance, de +0,3 point ; ce n’est cependant pas une très bonne nouvelle, car ceci est simplement lié au fait que la croissance des importations a fortement chuté (en raison des difficultés financières des ménages), plus rapidement que la baisse de la croissance des exportations. Sur la dernière décennie, le commerce extérieur pèse plutôt négativement sur la croissance française, comme nous l'avons vu dans cet article.

Enfin, la variation des stocks a soutenu la croissance pour +0,1 point, ce qui signifie que les entreprises ont probablement dû augmenter leurs stocks en raison de la baisse de la demande.

+0,1 point de demande intérieure, +0,3 point de commerce extérieur, +0,1 point de stocks : voici l’explication de la croissance de +0,5 point ce deuxième trimestre 2022.

Cette analyse montre cependant qu’on peut être inquiet pour les prochains trimestres : les ménages semblent aller de plus en plus mal, le soutien public diminue de plus en plus, et les stocks commencent à être pleins.

Forte baisse du pouvoir d’achat

Au niveau des ressources des ménages, le premier trimestre a été marqué par une nette hausse des salaires versés par les entreprises de +1,3 %, un tiers étant dû à la hausse de l’emploi et deux tiers à la hausse du salaire par tête (+0,8 %), malgré une baisse du temps de travail de 0,6 % en raison des arrêts maladie Covid.

On constate cependant une hausse de seulement +0,5 % du traitement des fonctionnaires et une hausse de +0,6 % des salaires des entrepreneurs individuels.

Les prestations sociales ont en revanche de nouveau diminué, de -0,2 %, contrecoup mécanique du versement fin 2021 de l’« indemnité inflation », qui avait augmenté les prestations sociales de près de 3 %. Ce recul a cependant été est en partie atténué par la revalorisation des pensions de retraite en début d’année, et par la forte hausse des arrêts maladie consécutifs à la vague Omicron.

Enfin, il est à noter que les plus fortunés ont eu la joie de constater que leurs revenus venant des dividendes et des intérêts perçus ont augmenté de +3,3 %, venant après +5,4 % au premier trimestre.

À contrario, les ménages ont été confrontés à une hausse de l’impôt sur le revenu (+0,2 %) et des cotisations sociales (+1,1 %), la hausse de l’emploi n’ayant joué ici que marginalement.

On constate ainsi au global une hausse des revenus des ménages, de +0,7 %, et une augmentation de leurs charges, de +0,5 %. En conséquence, le revenu par personne (ou plus précisément, le revenu disponible brut par unité de consommation) a augmenté de +0,6 % au premier trimestre.

Le fait économique majeur de 2021-2022 est le retour d’une forte inflation, que nous avons détaillée dans cet articleComme l’inflation a été de 1,9 % au cours de ce seul trimestre, le pouvoir d’achat par personne en France a au final de nouveau baissé, de -1,2 % au cours du seul deuxième trimestre 2022, ce qui devrait poser des problèmes au prochain trimestre. Cette baisse du pouvoir d'achat annule donc largement toute la hausse survenue au cours des trois trimestres précédents, et le renvoie à son niveau du début de 2019.

En conclusion, en ce milieu d’année 2022, la croissance économique post-Covid constatée en 2021 s’essouffle. La consommation des ménages — dont la vigueur avait tiré le PIB vers le haut durant toute l’année 2021 — est légèrement repartie, empêchant une récession.

Il semble assez probable qu’une récession revienne au cours des prochains trimestres, en raison du maintien de l’inflation ces trois derniers mois et du contexte économique mondial morose. L’euphorie de la croissance de l’année dernière semble bel et bien terminée.

Annexe Graphique

Photo d'ouverture : Conférence de presse du ministre français de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire pour présenter le projet de loi de finances 2023, Paris, 26 septembre 2022 - Stéphane de Sakutin - @AFP

Retrouvez nos autres articles sur Le PIB et la croissance de la France