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En ce début 2024, la France voit refluer l’inflation, mais le retour à la normale semble encore lointain. Et malgré les revendications d'une indexation des salaires sur l'inflation, ces derniers n'ont pas suivi. La santé économique des Français s'est donc dégradée, avec des répercussions sur notre économie qui vient d'entrer en décroissance. De plus, notre gouvernement a convenu avec Bruxelles de diminuer son soutien à l'économie cette année – les 10 milliards d’économies annoncés par Bruno Le Maire ne sont qu’un début. La situation devrait donc continuer à se détériorer dans les prochains mois, dans un contexte de crises internationales compliquées, entraînant un climat social pour le moins chaotique. Qu'avons-nous à craindre pour notre pouvoir d'achat et nos emplois ? On vous explique tout.

publié le 14/03/2024 Par Olivier Berruyer

1- Une quasi-récession
2- Les talents de magicien de l'Insee
3- Une croissance sauvée par l'écroulement des importations
4- Les dividendes ont terminé leur forte croissance
5- Le pouvoir d'achat en berne
Ce qu'il faut retenir


Rappelons tout d’abord que le fameux PIB (Produit Intérieur Brut) est un indicateur économique qui mesure la production économique, c’est-à-dire la valeur de tous les biens et services produits. Souvent décrié – et pour de très bonnes raisons – pour son utilisation en tant que principal indicateur économique, le PIB offre cependant une bonne vision de la production économique de la France, et donc de l’évolution corrélative de nos revenus et de notre pouvoir d’achat.

Une quasi-récession 

Le deuxième trimestre 2023 avait été marqué par une croissance étonnement élevée de +0,6 %, causée essentiellement par une très forte hausse des stocks. Cet effet ne pouvant évidemment pas durer, la croissance a fortement baissé au troisième trimestre, jusqu’à devenir très légèrement négative. Pour le 4e trimestre, le PIB est annoncé en hausse de +0,1 %. On ne parle donc pas de récession, car sa définition impose de connaître pour cela deux trimestres consécutifs de baisse du PIB.

Croissance du PIB trimestriel réel de la France, 2012-2023Croissance du PIB trimestriel réel de la France, 2012-2023

Rappelons également que ces chiffres sont calculés avec le controversé indice des prix de l’Insee, mais que celui d’Eurostat, à la méthode de calcul harmonisée en Europe, lui est quasiment toujours supérieur. L’écart entre ces deux indices a atteint 1 point de pourcentage au début de 2023, et il est de 0,2 point actuellement (à comparer au 0,1 point de croissance).

Taux d'inflation annuel en France, 2015-2023Taux d'inflation annuel en France, 2015-2023

De façon générale, les calculs de ces deux instituts publics de statistique ont fortement divergé en 2022. Au final, l’écart entre leur évaluation de l’inflation depuis 2015 atteint 2,7 %, pour une croissance totale durant cette période de +9,4 %. Il y a donc une incertitude sur au moins le quart de la valeur de la croissance de ces 8 dernières années, ce qui est colossal.

Si on utilisait le chiffre d’Eurostat, la décroissance actuelle serait manifeste. En effet, « la croissance du PIB » correspond à son augmentation sous déduction du montant de l’inflation. Le calcul de ce dernier a donc une grande importance pour la communication du gouvernement. Au final, selon l’Insee, après le choc de la crise Covid, la croissance sur un an semble donc se stabiliser un peu au-dessus des +0,5 %.

Croissance annuelle du PIB trimestriel réel de la France, 2000-2023Croissance annuelle du PIB trimestriel réel de la France, 2000-2023

Il y a donc clairement « une panne » du PIB français, qui semble « caler » à un niveau 2 à 3 fois moindre que son niveau de 2017-2019. Si une faible croissance ou une décroissance est évidemment une bonne nouvelle pour la Planète, cela pose d’importants problèmes économiques et sociaux (chômage, pouvoir d’achat, pauvreté), puisque les gouvernements s’obstinent à ne pas adapter l’économie aux objectifs environnementaux (qui est en outre une réalité inévitable à terme pour des raisons physiques), pour créer un système qui permettrait une prospérité sans croissance.

La croissance totale pour l’année 2023, par rapport à 2022, s’établit au final à +0,9 %, contre +2,5 % en 2022.

Croissance annuelle en volume du PIB de la France, 1990-2023Croissance annuelle en volume du PIB de la France, 1990-2023

Cependant, cette croissance clôture simplement le rebond post-Covid. La perte de production (et donc de pouvoir d'achat) par rapport à la tendance 2016-2019 est très importante.

PIB trimestriel réel de la France, 2008-2023PIB trimestriel réel de la France, 2008-2023

Les talents de magicien de l’Insee

Le fait de savoir si le PIB a baissé durant 2 trimestres consécutifs est très important, car cela marque officiellement une entrée en récession, ce qui est très problématique pour l’image du gouvernement.

Quand le PIB baisse beaucoup il n’y a pas de discussion, mais les « latitudes statistiques » deviennent un sujet important quand la croissance flirte avec le niveau zéro. Et cela a été le cas aux 3e et 4e trimestres 2023, à tel point que la récession aurait été manifeste si l’Insee avait employé le niveau d’inflation calculé selon les normes européennes. Il est donc intéressant de comparer les chiffres de croissance annoncés au départ par l'Insee avec les chiffres révisés que la France a obtenu au final.

Au 3e trimestre, l’Insee a d’abord annoncé une croissance de +0,1 %, avant d’annoncer une décroissance de -0,1 % un mois plus tard. Au 4e trimestre, l’institut a d’abord annoncé une « stabilité » durant les deux trimestres, mais des observateurs attentionnés ont bien noté qu’en réalité, le PIB avait bien baissé durant les 2 trimestres, certes très légèrement quand on zoomait après la virgule, mais cela répondait bel et bien à la définition de la récession. Mais, heureux hasard pour le gouvernement, un mois plus tard, l’Insee a revu à la hausse le chiffre du 4e trimestre à +0,1 % (+0,052 % pour être précis), et l'annonce d'une récession a ainsi pu être évitée !

Le PIB par habitant en 2023 est à peine à son niveau de 2019

Le recours au PIB trimestriel par habitant permet de mieux analyser l’évolution du niveau de vie moyen. Il est en effet important de tenir compte de la croissance démographique : si le PIB augmente de +1 % et que la population augmente de +2 %, la richesse par habitant baisse en réalité de -1 %, car la croissance est trop faible.

C’est pour cette raison que, contrairement au PIB du pays, le PIB trimestriel par habitant vient à peine de légèrement dépasser son niveau d’avant crise du deuxième trimestre 2019, où il était à son plus haut historique : 5 ans sans croissance !

PIB trimestriel réel par habitant de la France, évolution, 2008-2023PIB trimestriel réel par habitant de la France, évolution, 2008-2023 PIB trimestriel réel par habitant de la France, 1995-2023PIB trimestriel réel par habitant de la France, 1995-2023

Sans surprise, puisque notre pays connaît toujours une croissance démographique, la croissance sur un an du PIB par habitant est nettement plus faible que celle du PIB, et s’établit à peine à +0,4 %.

Croissance annuelle du PIB trimestriel réel par habitant de la France, 2003-2023Croissance annuelle du PIB trimestriel réel par habitant de la France, 2003-2023

On est très loin du niveau qu’aurait atteint le PIB si la très forte croissance de la période 1995-2007 s’était maintenue : le PIB devrait être supérieur de 20 points environ. Cela confirme bien que, compte tenu de notre niveau de développement, il est illusoire de penser maintenir une croissance élevée sur une longue période.

PIB trimestriel réel par habitant de la France, tendance, 1995-2023PIB trimestriel réel par habitant de la France, tendance, 1995-2023

Pour mémoire, sur toute l’année 2023, le PIB par habitant a crû de +0,4 % (contre +2,2 % en 2022), soit 0,5 point de moins que le PIB. Rappelons bien qu’une partie de cette croissance est probablement « fictive », simplement due à une sous-estimation de l’inflation.

Croissance annuelle en volume du PIB par habitant de la France, 1990-2023Croissance annuelle en volume du PIB par habitant de la France, 1990-2023

Une croissance sauvée par un écroulement dramatique de nos importations

L’analyse des contributions à la croissance du PIB (c’est-à-dire au montant de croissance totale que chaque poste a généré) permet de constater qu’après un trimestre de rebond, la demande intérieure (hors stocks) est repartie à la baisse au 4e trimestre 2023. Elle a plombé la croissance à hauteur de -0,1 point de pourcentage. C’est une mauvaise nouvelle qui montre bien que l’économie est en panne ; la demande n’a augmenté que de +0,3 % durant toute l’année 2023.

Le PIB a aussi été plombé de -0,7 point par une forte baisse des stocks, les entreprises hésitant donc à les reconstituer, ce qu’elles vont cependant bien être obligées de faire début 2024, car ils sont à des niveaux très faibles (les précédents remontent à la crise du Covid et à la crise de 2008).

Si la croissance ne s’est pas écroulée, c’est en raison d’une contribution positive historique du commerce extérieur, qui s’est élevée à +0,9 point. Un tel niveau n’est en général pas du tout une bonne nouvelle. Ce n’est que la 7e fois depuis 1950 que le commerce extérieur a un tel apport trimestriel de croissance, et les fois précédentes étaient en 2020, 2010, 1983 et 1974, soit des années de crises économiques majeures.

Contributions à la croissance du PIB trimestriel réel de la France, 2016-2023Contributions à la croissance du PIB trimestriel réel de la France, 2016-2023

Intéressons-nous à l’évolution trimestrielle des principales composantes du PIB (c’est-à-dire de combien elles ont progressé chacune, ce qui est différent de la contribution à la croissance totale précédemment évoquée). Le seul poste à avoir notablement augmenté a été la consommation du secteur public (avec un faible +0,3 %). À peu près tous les autres postes ont été en décroissance, avec en particulier les stocks, ainsi que l’investissement des entreprises (-0,9 %) et celui des ménages (-1,4 %), ce dernier correspondant principalement à la construction immobilière qui est sinistrée.

Contributions à la croissance du PIB du quatrième trimestre 2023 en FranceContributions à la croissance du PIB du quatrième trimestre 2023 en France

Mais la décroissance la plus forte a frappé les importations, qui ont chuté de -2,3 % alors que les exportations sont restées stables (la baisse des exportations en matériels et en services de transport a été compensée par une nette hausse des exportations d’énergie et de produits pétroliers). C’est cela qui explique le très fort impact positif du commerce extérieur qui a soutenu la croissance (puisque les importations ont un impact négatif sur le PIB, leur baisse augmente donc la croissance). C’est une anomalie car de façon générale, le commerce extérieur pèse plutôt négativement sur la croissance française, comme nous l'avons analysé dans cette chronique.

Contrairement à une situation de croissance qui aurait été causée par une explosion de nos exportations (qui n’est pas à l’ordre du jour vu la désindustrialisation de notre pays), cette forte baisse des importations est en réalité un signal extrêmement négatif, qui montre que la demande intérieure est à bout de souffle, en raison de la baisse de pouvoir d’achat d’une large partie de la population (ce qui ne se voit pas facilement sur la moyenne à cause de la hausse des inégalités de revenu).

Rappelons également que le 1er trimestre 2023 avait vu une autre baisse historique des importations de -3 %. Au cours de 70 dernières années, seules 3 autres années ont connu 2 trimestres avec un tel recul des importations : 2020, 2009 et 1974. C’est dire que 2024 ne s’ouvre pas sur les meilleurs auspices économiques.

Évolution trimestrielle des composantes du PIB en France, T1-2023 à T3-2024Évolution trimestrielle des composantes du PIB en France, T1-2023 à T3-2024

Décroissance de la construction et de la consommation

Analysons plus en détail ces chiffres et leur évolution. Au niveau de la production, le trimestre précédent a été marqué par :

  • une stabilité de la production de biens, ce qui est cohérent avec la consommation déprimée depuis un an ;
  • une forte baisse de la construction immobilière, qui va mal depuis plus d’un an en raison de la crise immobilière qui se développe. C’est une autre conséquence de l’inflation, comme on l’a vu dans notre analyse du marché immobilier ;
  • et une reprise modérée de la croissance des services.
Évolution trimestrielle des composantes du PIB en France, T1-2023 à T3-2024Évolution trimestrielle des composantes du PIB en France, T1-2023 à T3-2024

La faible croissance observée de la consommation (tirée par le secteur public) est principalement due à la hausse des achats de biens fabriqués et des services. On observe également une nouvelle baisse du volume des achats alimentaires des ménages. Le léger rebond du trimestre précédent a fait long feu, les ménages se privent de nouveau de nourriture après un an et demi de crise alimentaire en raison de la forte hausse des prix (voir notre article).

La consommation d’énergie a quant à elle fortement chuté, les prix élevés jouant là encore leur sinistre rôle, tant au niveau des entreprises (dont beaucoup ont dû réduire leur production) que des ménages. Avoir faim, avoir froid, c’est aussi une conséquence de l’inflation pour une partie importante de la population française. Au niveau de l’investissement enfin, tous les principaux postes ont été en décroissance : les biens, les services et la construction qui s’enfonce dans la crise.

En résumé, la demande intérieure hors stocks (c’est-à-dire la consommation plus l’investissement) a donc eu une contribution négative de -0,1 point de croissance, essentiellement à cause de l’investissement des entreprises et des ménages en berne. La variation des stocks a également plombé la croissance à hauteur de -0,7 point de PIB (déstockage), ce qui signifie que les entreprises ont préféré diminuer leurs stocks pour répondre à la demande plutôt que produire plus. Enfin, le commerce extérieur a eu un effet positif historique de +0,9 point de PIB en raison de la très forte chute des importations causé par la déprime de la demande.

-0,1 point de demande intérieure, -0,7 point de variation de stocks, +0,9 point d’effet du commerce extérieur : voici l’explication de la décroissance de +0,1 point durant le 4e trimestre 2023.

Contributions à la croissance du PIB du quatrième trimestre 2023 en FranceContributions à la croissance du PIB du quatrième trimestre 2023 en France

La réalité française, c'est que les ménages ont de gros problèmes financiers, au moins pour une grande partie d’entre eux. Leur situation n’est pas très bonne depuis plus d’un an, comme le montrent les chiffres de leur consommation. On peut donc être inquiet pour les prochains trimestres. Les indicateurs avancés de conjoncture économique, que nous avons analysés dans cet article, laissent malheureusement craindre le pire pour les prochains mois.

Les dividendes ont terminé leur forte croissance

Au niveau des ressources des ménages, le trimestre précédent a été marqué par une faible hausse de la masse salariale versée par les entreprises de +0,7 % – c’est la deuxième plus faible hausse depuis début 2021. Les revenus des entrepreneurs individuels sont encore à la peine. L’emploi est resté stable durant ce trimestre.

Évolution trimestrielle des comptes de revenus des ménages, T1-2023 à T3-2024Évolution trimestrielle des comptes de revenus des ménages, T1-2023 à T3-2024

Les traitements des fonctionnaires ont pour leur part augmenté de +2,1 %, essentiellement en raison du versement d’une prime destinée à compenser la forte baisse de leur pouvoir d’achat. Les revenus des entrepreneurs individuels ont baissé de -0,1 % ; ce sont eux qui ont le plus perdu durant la crise inflationniste, et c’était bien un des buts de leur poussée hors du salariat. Les prestations sociales ont quant à elles augmenté de +1,2 % en lien avec la revalorisation des retraites complémentaires.

Enfin, les plus fortunés ont vu leurs revenus provenant des dividendes et des intérêts perçus augmenter encore de +1,2 %, en nette baisse par rapport aux trimestres précédents, ce qui montre que la crise s’approfondit. Ces fortes hausses depuis un an sont une conséquence de la hausse des profits de certaines entreprises, qui profitent de l’inflation pour sur-augmenter leurs prix.

De façon générale, les ménages ont payé moins d’impôt sur le revenu (-0,5 %) et plus de cotisations sociales (+1,0 %).

On constate ainsi au global une hausse des revenus des ménages de +0,8 % et une stabilité de leurs charges. Au final, le revenu par personne (ou plus précisément, le revenu disponible brut par unité de consommation) a augmenté de +0,9 % au cours du trimestre précédent. C’est une moyenne qui connaît évidemment de très importants écarts individuels.

Évolution trimestrielle des revenus et du pouvoir d'achat des ménages, T1-2023 à T3-2024Évolution trimestrielle des revenus et du pouvoir d'achat des ménages, T1-2023 à T3-2024

Le pouvoir d’achat en berne

Le fait économique majeur de 2021-2023 a évidemment été le retour d’une forte inflation (analysée dans cet article). Le dernier trimestre a été marqué une inflation des prix à la consommation de seulement +0,3 %, un niveau inconnu depuis plus de 2 ans. Comme les revenus ont augmenté de +0,9 %, le pouvoir d’achat par personne en France a donc augmenté de +0,6 % sur la même période.

Comme la consommation des ménages est restée stable malgré la hausse de leur pouvoir d’achat, cela signifie que les ménages ont donc plus épargné, craignant sans doute pour l’avenir. Le taux d’épargne totale des ménages atteint donc près de 18 % de leurs revenus, ce qui reste 3 points de plus que son niveau des années 2010 ; c’est autant d’argent qui n’alimente plus le moteur de la consommation.

Taux d'épargne des ménages en France, 1950-2023Taux d'épargne des ménages en France, 1950-2023

Contrairement à l’usage courant du mot, l’épargne des ménages ne correspond pas uniquement à de l’argent « mis de côté » dans un bas de laine. C’est bien la totalité de l’argent non consommé, mais il sert principalement à de l’investissement, en l’espèce l’achat de logement via des remboursements d’emprunt. Une fois qu'on a retranché ces investissements immobiliers (qui sont donc une sorte « d’épargne forcée » non immédiatement disponible), il reste alors bien de l’argent « mis de côté », qu’on appelle l’épargne financière, et qui représente environ 7 % des revenus, 2 points de plus que durant les années 2010.

Taux d'épargne financière des ménages en France, 1995-2023Taux d'épargne financière des ménages en France, 1995-2023

Rappelons que 2022 a été une mauvaise année pour le pouvoir d'achat : selon l’Insee, il a baissé de -0,3 %. Grâce à la hausse du 4e trimestre, 2023 se termine avec une modeste hausse du pouvoir d’achat de +0,3 %. Au vu des écarts de situation personnelle, beaucoup de Français ont donc vu leur pouvoir d'achat réel reculer en 2023.

Évolution du pouvoir d'achat en France, 1960-2023Évolution du pouvoir d'achat en France, 1960-2023

La croissance du pouvoir d’achat sur moyenne période est donc très faible, d’environ +0,5 % par an depuis 2020, tout en sachant que ce résultat médiocre (trois fois plus faible que dans les années 2000) a été atteint au prix d’un énorme endettement public, de subventions aux grandes entreprises, d’une forte baisse des taux et d’une gigantesque création monétaire par la banque centrale. Sans tout ceci, il est certain que le pouvoir d’achat aurait fortement diminué.

Augmentation du pouvoir d'achat par personne en France, 1995-2023Augmentation du pouvoir d'achat par personne en France, 1995-2023

En réalité, la crise de 2008 a mis un brutal coup d’arrêt à la croissance de l’économie, et de nombreux expédients coûteux ont été utilisés depuis lors pour tenter de retrouver « l’économie d’avant », sans aucun succès réel. La poursuite de la cessation progressive de ces expédients en 2024 (par la baisse des déficits publics, qui poursuivront le choc entamé avec la hausse des taux survenue en 2022) va hélas probablement le démontrer.

Terminons par un mot sur les entreprises. En 2023, le taux de marge des entreprises s’est redressé, passant de 32 % à 33 %, effet des hausses de prix liées à l’inflation. La majorité de ces gains ont cependant été absorbés par le paiement d’intérêts supplémentaires suite à la hausse des taux. Au final, le taux d’épargne est resté stable, et le taux d’investissement a très légèrement reculé, à 26 %.

Taux de marge, d'investissement et d'épargne des entreprises en France, 1950-2023Taux de marge, d'investissement et d'épargne des entreprises en France, 1950-2023

Ce qu’il faut retenir

Le PIB a très légèrement augmenté de +0,1 % au 4e trimestre 2023, principalement en raison d’une très importante chute des importations, du niveau des pires crises économiques. Sur un an, le niveau de la croissance n’est plus que de +0,9 %, et la croissance par habitant de +0,4 %.

Dans notre système économique actuel, la faible croissance entraîne de faibles revenus. En conséquence, le pouvoir d’achat par personne n’a augmenté que de +0,3 % en 2023, mais il a été investi dans de l’épargne supplémentaire. Par ailleurs, ces chiffres sont des moyennes nationales, les classes moyennes et défavorisées ont évidemment davantage souffert.

Le pouvoir d’achat est à la traine depuis au moins 4 ans, bien que le véritable point de départ soit la crise de 2008. Les augmentations de pouvoir d’achat survenues depuis lors doivent être mises en parallèle des soutiens hors normes réalisés depuis : déficits publics, création monétaire, baisse des taux. La fin annoncée des soutiens publics à l'économie va sans doute montrer que la crise de 2008 n’a en fait jamais été surmontée, et que ce modèle économique est à bout de souffle. En attendant, il est probable que 2024 soit une année difficile économiquement et socialement. Nous ferons donc de notre mieux pour vous informer sur ces sujets.

Cette analyse graphique originale d'Olivier Berruyer pour Élucid est une mise à jour de notre suivi régulier et actualisé des grands indicateurs économiques.

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