L'Organisation météorologique mondiale a publié, comme chaque année, son rapport sur l’état du climat en 2022 et les nouvelles sont loin d’être bonnes… Échec de l’Accord de Paris, augmentation des émissions de gaz à effet de serre, fonte des glaciers ou encore élévation du niveau de la mer, les impacts socio-économiques et environnementaux sont de plus en plus importants. Mais alors qu’attendons-nous pour agir ?
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On ne cesse de répéter qu’il faut réduire nos émissions de gaz à effet de serre drastiquement et rapidement pour limiter le réchauffement climatique. Et pourtant, le rapport de l'Organisation météorologique mondiale (OMM) indique que les concentrations des trois principaux gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, méthane et protoxyde d’azote) ont atteint des niveaux record en 2021, dernière année pour laquelle les valeurs mondiales consolidées sont disponibles. Comme le dénonce Luis Tuninetti, professeur de la licence « Environnement et Énergies renouvelables » de l’Université Nationale de Villa Maria (Argentine) et examinateur externe d’un des derniers rapports du GIEC :
« La forte consommation de matières premières, la déforestation et un modèle économique qui tend à exacerber la consommation sont les trois principaux responsables de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Sans oublier que les lobbies des grandes compagnies pétrolières empêchent, à un moment donné, la transition vers les énergies renouvelables. »
Malgré l’effet refroidissant du phénomène climatique de La Niña, au cours des trois dernières années, les huit années comprises entre 2015 et 2022 ont été les plus chaudes jamais enregistrées. « L’OMM a prévenu que cette année, en présence d’un possible épisode de El Niño, c'est-à-dire un courant plus chaud, nous aurons une année de records climatiques absolus », assure le professeur.
Chaque année, des COP sont organisées pour fixer des objectifs climatiques mondiaux mais, en parallèle, le changement climatique continue de s’accélérer. « Le problème des COP c’est que les négociations sont toujours bloquées, principalement, par les lobbies pétroliers et les pays finissent par adopter des mesures légères », indique Luis Tuninetti.
L’Accord de Paris qui devait limiter le réchauffement climatique à +2°C, voire à +1.5°C, par rapport à l’ère préindustrielle, est un véritable échec… « Nous allons vers une augmentation des températures d’au moins +2.7°C à la fin du siècle. L’OMM a même averti que cette année nous allons probablement dépasser les +1.5°C », ajoute-t-il.
Et pour couronner le tout, la COP28 sera présidée par le Sultan Al Jaber, ministre de l’Industrie des Émirats Arabes Unis mais aussi PDG d’une des grandes compagnies pétrolières du pays.
Hausse de la fonte des glaciers et du niveau de la mer
Ces dix dernières années, la fonte des glaciers s’est accélérée et, d’après l’OMM : « Six des dix bilans de masse annuels les plus négatifs jamais enregistrés (1950-2022) se sont produits depuis 2015 ». Les glaciers situés dans les régions tempérées sont les plus touchés, en particulier dans les Alpes, le Caucase ou encore dans les massifs montagneux de la Nouvelle-Zélande.
« Au cours des vingt dernières années, les Alpes européennes ont perdu un tiers de leur volume de glace. C’est une perte très importante », explique Antoine Rabatel, glaciologue à l'Institut des Géosciences de l'Environnement de l'Université Grenoble Alpes, tout en ajoutant que, « dans la région intertropicale, en particulier dans les Andes, il y a également un taux de perte supérieur à 30 % sur la même période ». Quant aux hautes latitudes, le pourcentage de perte est inférieur, mais les volumes initiaux sont beaucoup plus importants :
« Dans ces hautes latitudes proches des pôles, nous avons les plus grands réservoirs de glace, mais même si le pourcentage de perte est moindre, en valeur absolue, celle-ci représente des quantités de glace, et donc d’eau, colossales. »
La fonte des glaciers, due à l’augmentation des températures mondiales, a effectivement un impact sur la hausse du niveau de la mer. D’après des études réalisées par le glaciologue Antoine Rabatel et une équipe de chercheurs, « ces vingt dernières années, la fonte des glaciers de montagne, en dehors de l’Antarctique et du Groenland, a contribué à une élévation d’un peu moins de 1 mm par an du niveau des mers ». Cependant, comme le rappelle Miguel Cifuentes-Jara, auteur principal du rapport spécial du GIEC sur l'océan et la cryosphère, et Directeur principal du Programme « Climat bleu » pour l’ONG Conservation International :
« La majeure partie de l’élévation du niveau de la mer que nous avons observée jusqu’à ce jour est principalement due à l’expansion thermique des océans. Une mer ayant des températures plus élevées ou ayant plus d'énergie accumulée va provoquer une fonte plus rapide des calottes polaires, des deux pôles bien sûr. »
À plus petite échelle, la fonte des glaciers a un impact sur les ressources en eau et sur le fonctionnement du régime hydrologique des rivières dans les bassins versants des montagnes et dans les zones de piémont. En effet, les glaciers sont capables de fournir de l’eau liquide pendant les saisons où les populations et les écosystèmes en ont le plus besoin, c’est-à-dire en été et pendant les périodes de sécheresse. Le glaciologue l'assure :
« La fonte des glaciers et leur potentielle disparition pour un grand nombre d’entre eux, pour ceux situés aux plus basses altitudes et en particulier dans les Alpes, aura nécessairement un impact sur l’évolution du débit des rivières, surtout à la fin de l’été, avec potentiellement des endroits où l’écoulement pourrait se tarir. »
Une chose est sûre, les glaciers ont un rôle hydrologique fondamental, c’est pourquoi le rythme accéléré de leur fonte est si préoccupant. Ce dernier a un impact direct sur la biodiversité, mais aussi sur l’usage de l’eau dans notre quotidien, que ce soit pour la consommation, pour l’agriculture ou encore pour la production hydroélectrique :
« Ce qu’on peut espérer dans le meilleur des cas, c’est arriver à faire en sorte que les glaciers ne perdent plus de masse comme ils le font actuellement, mais pour cela il faudrait être capable de limiter le réchauffement climatique à +1.5°C, comme il est prévu dans les Accords de Paris. Malheureusement, aujourd’hui, nous sommes assez loin de cette trajectoire. »
Si on continue sur cette voie, avec une élévation des températures globales de presque +3°C à la fin du siècle, les glaciers alpins perdraient entre 70 et 90 % de leur volume actuel. « On n’aurait vraisemblablement pas une disparition totale car, par exemple, le Mont Blanc culmine à 4 800 mètres d’altitude et aurait sûrement encore une petite calotte avec quelques petits glaciers », rassure Antoine Rabatel. Cependant, dans les massifs alpins de basses altitudes, les glaciers pourraient complètement disparaître dès les années 2050.
La migration climatique est une réalité
Face au réchauffement climatique, la montée du niveau de la mer est de plus en plus visible sur les zones côtières et de nombreuses grandes villes mondiales situées en bord de mer, comme c’est le cas en Inde, au Bangladesh ou même la célèbre ville de New York, pourraient être presque complètement inondées, d’après les scénarios climatiques.
On se focalise souvent sur les zones côtières, car on peut observer les changements de nos propres yeux, mais en réalité, les Petits États Insulaires en Développement (PEID) sont les régions du monde les plus affectées par cette problématique. « Il y a déjà des migrants climatiques, par exemple, à Vanuatu ou dans d'autres petits pays qui sont essentiellement des atolls coralliens. Ils ont déjà dû commencer à migrer vers la Nouvelle-Zélande » indique Miguel Cifuentes-Jara.
De plus, les évènements climatiques et météorologiques extrêmes sont de plus en plus fréquents et intenses, obligeant certaines populations à se déplacer et à migrer ailleurs. Comme le déclare Petteri Taalas, Secrétaire général de l’OMM :
« Les émissions de gaz à effet de serre ne cessent de croître, le climat continue de changer et les populations du monde entier subissent toujours durement des phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes. En 2022, par exemple, un épisode de sécheresse prolongé en Afrique de l’Est, des précipitations record au Pakistan et des vagues de chaleur sans précédent en Chine et en Europe ont touché des dizaines de millions de personnes, entraîné une insécurité alimentaire, provoqué des migrations massives et coûté des milliards de dollars en pertes et dommages. »
Le pire dans tout ça, c’est qu’on en arrive toujours aux mêmes conclusions : il faut réduire les émissions de gaz à effet de serre pour limiter les dégâts dès maintenant ! Miguel Cifuentes-Jara conclut en parlant du rapport de l’OMM :
« Il représente la triste réalité de ce qui s'est passé au cours des dernières décennies. Les efforts que nous avons déployés n'ont pas été suffisants pour contrôler la dynamique croissante du changement climatique et maintenant nous allons continuer à faire face à des problèmes qui correspondent davantage à l'adaptation ou à l'atténuation des dommages, en payant un prix plus élevé avec, notamment, la destruction des infrastructures côtières, l'érosion des ports, la salinisation des aquifères côtiers, les problèmes de santé, la migration des personnes, etc… »
Photo d’ouverture : Zebra-Studio ; Mongkolchon Akesin ; Pong Ch - @Shutterstock
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