Comment changer profondément nos manières de penser pour dépasser les contradictions de notre système ? Le géographe Nicolas Escach et le sociologue Frédérick Lemarchand se sont attelés à cette question dans Pour une pédagogie de la Décroissance, devenir transitionneur (Le Bord de l’eau, 2024). Ils invitent, entre autres choses, à une pédagogie « hors-les murs », à un dépassement des oppositions rigides comme celle entre le savoir théorique et le savoir pratique, dans le cadre d’un rapport paradoxal au temps (se « presser lentement »), pour faire advenir au mieux un changement systémique qui est aussi une transformation anthropologique. Entretien.

publié le 18/05/2025 Par Laurent Ottavi
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Laurent Ottavi (Élucid) : Votre livre est sous-titré « devenir transitionneur ». En quoi consiste pour vous le concept de transition, qui peut être critiqué par les tenants de la décroissance, et de quelles précautions l’assortissez-vous ?

Nicolas Escach : La transition au singulier n’a pas de sens. La société écologique se construit très différemment en fonction des contextes historiques et géographiques. Je parle de société, car l’écologie doit se hisser à ce niveau de transversalité et pénétrer plus largement, comme nous l’appelons de nos vœux avec l’auteur et pianiste Patrick Scheyder, le champ culturel. Les territoires ont connu des transformations profondes avec les mutations des systèmes productifs agricoles et industriels. La bascule que nous devons engager s’inscrit dans ces personnalités territoriales forgées sur le temps long : la trajectoire des sociétés locales et les configurations qu’elles ont pu adopter dans des contextes d’incertitude.

La redirection écologique est cependant le plus grand bouleversement que nous ayons eu à opérer depuis la Renaissance : nous embrassons une conscience élargie aux entités naturelles et en particulier au vivant non humain. Les transitions ne sont pas des formats que nous pourrions définir très précisément ou une ligne programmatique jalonnée d’étapes claires, mais une méthode, une nouvelle manière d’agir, dont les résultats sont encore inconnus. Le sous-titre est volontairement actif : « devenir transitionneur » n’est pas un projet, mais une manière d’être au monde qui demande un inventaire des valeurs et des formes joyeuses de renoncement.

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