La liberté, le sens moral et la sobriété sont, dans la conception de Thoreau, essentiels à la vie d’un homme.

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publié le 23/12/2022 Par Élucid
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Dans ces deux essais, La Désobéissance civile (1849) et La Vie sans principe (1863), Thoreau remet violemment en cause la coercition de l’État, l’esclavage, la ruée vers l’or et l’affairisme. Sa pensée anticonformiste se fonde sur un fort sens moral. L’action et la désobéissance sont, selon lui, les caractéristiques de l’homme juste et vertueux. Il ne conçoit néanmoins pas la désobéissance comme une fin en soi. Au contraire, il affirme qu’il ne faut désobéir que si des raisons morales le justifient.

Ce qu’il faut retenir :

Dans La désobéissance civile :

La morale et la liberté sont les principes de la vie d’un homme vertueux. Au nom de la morale, chacun est obligé par un devoir civil de désobéissance. Autrement dit, lorsqu’elles sont immorales, il faut désobéir aux lois des législateurs, dont la légitimité, tirée d’une majorité qui ne détient pas la vérité, est fausse. Il faut ainsi désobéir, quel qu’en soit le prix ; en assumer les conséquences vous rendra plus déterminé que jamais. Mieux vaut l’inconfort matériel que l’inconfort moral.

Au nom de la liberté, je suis libre de mener ma vie comme bon me semble, mais j’ai le devoir moral de veiller à ce que ma liberté n’empiète pas sur celle des autres. Ainsi, si l’État auquel je suis soumis est un État esclavagiste, par conséquent ne pas lui désobéir revient à accepter de priver de liberté les esclaves, ce qui contrevient à la morale.

La désobéissance est une action, différente du vote, qui peut prendre la forme du refus de payer l’impôt, en tant qu’il finance les actions immorales de l’État — et pas en tant que contribution à la société.

Dans La vie sans principe :

Aujourd’hui, l’humanité n’est que travail, caractérisée par un affairisme perpétuel. Or, la vie d’un homme ne doit pas se réduire à la subsistance, au travail pour un salaire. C’est une activité abrutissante.

Le travail n’est pas un problème, mais le travail mal employé en est un.

La véritable richesse n’est pas matérielle, mais spirituelle et morale. Il faut préférer la vie intérieure, morale et intellectuelle.

Biographie de l’auteur

David Thoreau (1817-1862) est un philosophe américain. Il fut également enseignant, naturaliste et poète. Ses prises de position contre l’esclavage ou contre les guerres du Mexique des années 1840 lui valent d’être un pionnier dans les théories de la non-violence et de la désobéissance civile. Refusant de payer l’impôt, il sera mis en prison. C’est par la suite qu’il écrira ses plus grandes œuvres, notamment La désobéissance civile (1849), Walden ou la vie dans les bois (1854) et La vie sans principe (1863).

Avertissement : Ce document est une synthèse de l’ouvrage de référence susvisé, réalisé par les équipes d’Élucid ; il a vocation à retranscrire les grandes idées de cet ouvrage et n’a pas pour finalité de reproduire son contenu. Pour approfondir vos connaissances sur ce sujet, nous vous invitons à acheter l’ouvrage de référence chez votre libraire. La couverture, les images, le titre et autres informations relatives à l’ouvrage de référence susvisé restent la propriété de son éditeur.

Synthèse de l'ouvrage

La désobéissance civile (1849)

« C’est en laissant chacun des gouvernés vivre à sa guise que [le gouvernement] se montrera le plus utile. » Le gouvernement doit limiter drastiquement son action, car, « le gouvernement le meilleur est celui qui gouverne le moins ». Plus précisément, il ne s’agit pas de demander « "point de gouvernement", mais d’emblée un meilleur gouvernement  ». Pour ce faire, le contrat social doit être constamment réécrit, discuter par les citoyens, qui gardent le droit de retirer leur adhésion. « Que chacun fasse connaître le genre de gouvernement qui lui inspire le respect, et ce sera le premier pas vers son obtention ».

Les décisions individuelles et les choix de chacun en matière de gouvernement sont essentiels. Rien n’atteste que la majorité, qui a donné le pouvoir au gouvernement, détient la vérité. En effet, la majorité n’a pas plus de chances de dire des choses vraies que n’en a la minorité. Si nous acceptons la loi de la majorité, c’est simplement parce qu’elle nous est physiquement supérieure, et ceci n’a donc rien à voir avec la justice. « Ne peut-il exister de gouvernement où ce ne serait pas les majorités […] mais la conscience [qui gouverne]?» Je n’ai pas à respecter la majorité et sa loi, « la seule obligation qui m’incombe est de faire le bien ». Ainsi, la seule loi que je dois respecter est la loi morale.

Or, dans la plupart des cas, les hommes servent l’État sans exercer leur sens moral. Ils obéissent comme des chiens, et n’en valent pas plus. Ainsi, croyant servir le bien, ils servent en fait le diable. Seul un tout petit nombre de gens, les véritables vertueux, agissent en conscience pour l’État, et ceux-là sont alors généralement amenés à lui désobéir. Pourtant, les premiers sont traités comme des bienfaiteurs, les seconds comme des bons à rien. Par exemple, parce que le gouvernement américain défend l’esclavage, on « ne peut s’y associer sans déshonneur ». Tout le monde reconnaît le droit de refuser sa fidélité à un gouvernement devenu tyrannique. Pourtant, aux États-Unis où l’esclavage est une pratique répandue, « il n’en est guère pour dire que c’est le cas maintenant ».

Cependant, la désobéissance n’est pas sans limites. Selon William Paley, aussi longtemps que la désobéissance ne permet pas de changer les choses, ou que celles-ci ne peuvent être changées sans troubler l’ordre public, nous devons obéissance au gouvernement établi. Selon lui, la désobéissance doit être envisagée à l’aune d’une évaluation sur deux niveaux. En premier lieu, il s’agit de déterminer la probabilité que la désobéissance puisse changer les choses, qui découle d’un calcul coût/bénéfice. Autrement dit, quand bien même, la désobéissance modifierait le cours des choses, elle ne doit être engagée que si les bénéfices excèdent les coûts. On peut toutefois remettre en cause la pensée de Paley. N’aurait-il pas oublié que dans certaines circonstances la justice doit primer, quel qu’en soit le prix ? En réalité, le sens moral importe plus que l’utilité. Le peuple « doit cesser de maintenir l’esclavage […], même au prix de son existence nationale ».

Mais l’opposition de principe ne sert à rien, il faut agir. C’est la passivité des gens, et leur consentement à l’impôt, qui donnent au gouvernement sa puissance. Sans cela, il serait inoffensif puisqu’il n’aurait pas les moyens de commettre des violences. « L’action fondée sur un principe, la perception et l’accomplissement de ce qui est juste, voilà qui fait évoluer les choses et les relations ». L’homme vertueux est celui qui agit, mais l’action n’est pas le vote. Le vote n’est que l’expression d’un désir d’action. Je vote pour ce qui me semble le plus juste, mais je veille à ne pas me servir de mon vote comme d’un substitut à l’action.

Bien entendu, chacun a le droit de mener sa vie comme il l’entend, chacun est libre de poursuivre son propre but. « Je ne suis pas responsable du bon fonctionnement de la machine sociale ». Néanmoins, j’ai le devoir moral de faire en sorte que ma liberté n’empiète pas sur celle des autres. Or, les hommes qui obéissent à un État esclavagiste, et qui paient leurs impôts contribuent à cette entreprise, agissent contre la liberté d’autrui. Ne valent pas mieux ceux qui, refusant de partir en guerre au Mexique, font mine de désobéir à l’État, et se contente de payer quelqu’un pour les remplacer. Ce n'est pas de la désobéissance, mais une obéissance criminelle et immorale.

Pourquoi ne pas refuser de verser ses impôts à l’État ? « Il existe des lois injustes », faut-il y consentir ? Non, bien entendu. Faut-il chercher à les amender ? Non plus, car les moyens que l’État prévoit pour remédier aux mauvaises lois prennent tellement de temps, que « la vie d’un homme n’y suffirait pas ». D’autant que si l’État ne tient pas compte de ma pétition, aucun recours n’est prévu : « le mal réside dans la Constitution elle-même ». Dans ce cas, faut-il désobéir immédiatement ? Oui, nécessairement. « Si la machine [étatique] veut faire de nous un instrument de l’injustice envers autrui, alors je vous le dis, enfreignez la loi ». Les hommes pensent qu’il faut attendre d’être une majorité pour agir, et pourtant, répétons-le, la majorité ne détient pas la vérité. Inutile de l’attendre. Et si la désobéissance s’avère être un remède pire que le mal, la responsabilité ne porte pas sur celui qui a désobéi à une loi injuste, mais sur celui qui l’a mise en place, c’est-à-dire le gouvernement lui-même.

Que ceux qui se disent abolitionnistes agissent selon leur morale, sans attendre la majorité, car « tout homme qui a raison contre les autres constitue déjà une majorité d’une voix ». La manière la plus simple et la plus efficace est d’arrêter de payer l’impôt ou de refuser de posséder un esclave.

« Si un millier […] que dis-je, si un seul honnête homme […] renonçait à posséder des esclaves, quitte à se faire jeter dans la prison du comté, cela signifierait l’abolition de l’esclavage en Amérique. […]. Mais nous aimons mieux en discuter. »

« Sous un gouvernement qui emprisonne injustement, la vraie place de l’homme juste est parfois la prison ». Mais que l'honnête ne croit pas qu’une fois en prison il perdrait de son influence à changer les choses. Au contraire, il y gagne. « La vérité est plus forte que l’erreur », car dès lors que vous aurez éprouvé l’injustice, que vous l’aurez ressenti dans votre corps, vous serez plus déterminé que jamais.

La « minorité n’a aucun pouvoir tant qu’elle se conforme à la majorité », mais elle est « une force irrésistible lorsqu’elle fait obstruction de tout son poids ». « Garder tous les justes en prison ou bien abandonner la guerre et l’esclavage, l’État n’hésitera pas à choisir ». « Dès lors que le sujet a refusé l’allégeance […] la révolution est accomplie ».

Et convenons-en, l’argent n’est pas la solution. « Plus on a d’argent, moins on a de vertu ». La vertu c’est l’action et lorsqu’on a de l’argent, on n’agit plus soi-même, on agit en utilisant autrui que l’on paie. Ainsi, les opportunités d’agir diminuent à mesure que la richesse augmente. « La meilleure chose qu’un homme puisse faire pour sa culture, une fois riche, c’est d’essayer de réaliser les idéaux qu’il entretenait lorsqu’il était pauvre ». Bien entendu, on peut redouter les effets de la désobéissance sur notre richesse et notre confort matériel. Il est vrai que si je refuse l’impôt, l’État prendra presque toutes mes richesses, me retirant le confort matériel dont je jouissais jusqu’alors. Il me faut donc vivre sobrement, c’est-à-dire produire le minimum à la hauteur de mes besoins. Or, l’inconfort matériel coûte moins que l’inconfort de l’esprit et l’irrespect de mon propre sens moral.

« Je n’ai payé aucune capitation depuis six ans, ce qui me valut de passer une nuit en prison », explique Thoreau. Pourtant, il a expérimenté plus fortement la liberté en prison, que les autres citoyens, hors des murs. Car ils avaient beau essayer de fuir leur responsabilité, de fuir le jugement moral, la culpabilité suit l’esprit partout où il va. L’État ne peut forcer que le corps des hommes, mais est incapable de forcer leur sens moral. « Seuls peuvent me forcer ceux qui obéissent à une loi supérieure à la mienne. Ceux-là me forcent à leur ressembler ». Ainsi, ne dois-je mon obéissance qu’à la raison morale. La prison peut être une expérience profonde. « Dormir là une seule nuit, c’était voyager dans un lointain pays que je n’aurais jamais cru devoir visiter », dit Thoreau. Cependant, quelqu’un paya l’impôt pour lui, et il fut libéré le lendemain. Une fois sorti, si les affaires publiques n’avaient pas changé, lui-même avait changé : « J’avais une vision plus nette de l’État dans lequel je vivais. » Ses proches qui semblaient bienveillants lui apparurent alors guidés par un degré faible de sens moral : « Leur noblesse n’était qu’apparente ».

Il ne faut toutefois pas confondre le refus de payer l’impôt en tant que financement des activités immorales de l’État, et l’impôt en tant que contribution à la société. « Je n’ai jamais refusé de payer la taxe de voirie » explique Thoreau. « Ce n’est pas du fait d’une ligne particulière de la feuille d’impôts que je refuse de payer, je désire simplement refuser l’obéissance à l’État », lui déclarant une guerre pacifique. Ce n’est pas la désobéissance pour la désobéissance, mais une désobéissance justifiée par des raisons morales : « Je cherche bien plutôt, croyez-moi, un prétexte pour me conformer aux lois nationales » et « je me trouve disposé à passer en revue les initiatives et la position du gouvernement […] afin de trouver une raison de m’y conformer ».

« D’un point de vue terre à terre, la Constitution, malgré tous ses défauts, est fort bonne : la justice et les tribunaux sont fort respectables ». « Mais dès lors qu’on élève un peu le débat » on voit tout le mal qui transpire de l’État. En réalité, il ne faut pas trop attendre du gouvernement. « Si un homme a la liberté d’esprit, de cœur et d’imagination », il fera disparaître l’État de sa vue et celui-ci ne pourra menacer son repos. Mais les hommes d’État n’ont pas cette capacité et manquent de discernement. Parce qu’ils ne regardent jamais au-delà du gouvernement, ils sont déconnectés du monde extérieur. Par conséquent, ils n’ont pas la crédibilité et l’autorité suffisante auprès du peuple.

Nombre d’hommes veulent se faire passer pour des sages et des défenseurs de la vérité. Certains juristes notamment. Mais ils ne détiennent qu’une sagesse et une vérité toute relative. Ils ne mènent pas d’action, et leurs seules attaques sont défensives. Ils défendent la Constitution. Or, celle-ci autorise l’esclavage. En réalité, ils ne cherchent la vérité et la légitimité pas plus loin que dans la Bible ou dans la Constitution. « Mais ceux qui voient par où est alimenté ce lac […] poursuivent leur pèlerinage vers la source originelle ». La source originelle est le sens moral. De ce point de vue, il n’existe pas de véritable législateur en Amérique. En effet, personne n’a été capable de régler les questions d’importance en respectant les exigences de la morale. Et, « sans le correctif de l’expérience bienvenue et des doléances effectives du peuple, l’Amérique ne garderait pas longtemps son rang ».

L’autorité pure « ne peut avoir sur ma personne et sur mes biens d’autre vrai droit que celui que je lui concède ». L’autorité impure, c’est-à-dire le pouvoir de coercition du gouvernement, ne s’en soucie guère. Cependant, « en toute justice, elle doit recevoir la sanction et l’assentiment des gouvernés », car l’individu est la base de l’autorité.

« Ne peut-on franchir une nouvelle étape vers la reconnaissance et l’établissement des droits de l’homme ? Jamais il n’y aura d’État vraiment libre et éclairé, tant que l’État n’en viendra pas à reconnaître à l’individu un pouvoir supérieur et indépendant d’où découleraient tout le pouvoir et l’autorité du gouvernement ».

La vie sans principe (1863)

La plupart des gens préfèrent l’enveloppe à la chair. Rares sont ceux qui s’inquiètent de ce que peut penser autrui. Les gens ne s’intéressent qu’à ce que vous produisez et au mieux, cherchent à apprendre de vous les quelques ragots qui encombrent votre esprit. « Ce monde est une place du commerce ». L’humanité n’est que travail. Or, « il n’est rien, pas même le crime, qui soit davantage opposé à la poésie, à la philosophie, à la vie même, que cet affairisme perpétuel ». Et si votre esprit n’est pas industrieux, vous serez associé à la paresse. Pourtant, il y a mieux à faire que les affaires. « Faire quelque chose dans un seul but lucratif n’est que pure inanité, si ce n’est pire. Si l’ouvrier ne tire rien d’autre de son travail que le salaire versé par l’employeur, alors il est floué, il se floue lui-même  ». Par ailleurs, il est regrettable de constater que « les services que la communauté est encline à payer sont les plus désagréables à rendre. Vous êtes payé à être un sous-homme ». Et si cela ne lui est pas profitable, l’employeur préférera que le travail se fasse rapidement, sans faire de zèle.

« Le but de tout travailleur ne devrait pas être de gagner sa vie, d’avoir un "bon travail" mais de bien faire celui qui est le sien ». Mais en toutes circonstances, la vie d’un homme ne se réduit pas à son activité professionnelle. Ne résumons jamais nos vies à cela.

« La communauté n’a rien qui puisse soudoyer un homme sage », car il n’y a aucune prise sur celui-ci susceptible de le corrompre. En effet, il n’a besoin de rien d’autre que ce que ses propres compétences lui permettent d’acquérir. Il cultive ses oignons et c’est suffisant. L’incompétent en revanche, ne vit que par l’embauche. Il convient de veiller à ce que nos besoins soient suffisamment modestes afin que notre travail ne devienne pas une corvée, car « si je devais vendre à la société mes matinées et mes après-midis, comme le font la plupart des gens, je suis sûr qu’il ne me resterait plus grande raison de vivre ». Le problème n’est pas le travail, mais le travail mal employé. « Il n’y a pas plus funeste ineptie que de consumer la majeure partie de sa vie à la gagner ». La vie doit se gagner avec amour.

Il y a deux catégories d’hommes. Ceux qui se contentent des petits succès de la vie, et ceux qui repoussent sans cesse plus loin leurs objectifs. C’est cette dernière catégorie qu’il faut préférer. Il ne faut pas être de ceux qui seraient satisfaits par un héritage. « Tout héritier qui vient au monde est mort-né ». La vraie question de l’existence ne réside pas dans la manière dont nous assurons notre subsistance. Tentons néanmoins de gagner notre vie honnêtement.

De ce point de vue, la ruée vers l’or fut l’opprobre de l’humanité. Dieu a donné à chacun le droit de se nourrir et certains préfèrent jouer à la loterie. L’or n’a pourtant aucune valeur. La société paie pour un caillou brillant. Préférez la sagesse si vous souhaitez faire briller les choses. Ainsi, « le chercheur d’or est l’ennemi des travailleurs honnêtes ». Si gagner au jeu de cartes n’est pas une manière honnête de gagner sa vie, remuer la boue à la recherche d’or ne l’est pas non plus. Et « ne me dites pas que vous avez travaillé dur pour trouver votre or. Le diable aussi travaille dur ». Ne sachant pas où creuser, les chercheurs d’or creusent au hasard. « Des vallées entières, sur trente miles, ressemblent soudainement à des ruches, percées des puits creusés par les mineurs, qui s’y noient par centaines ». Plutôt que de creuser la terre, exploiter plutôt votre gisement intérieur. C’est là l’or véritable. L’or est également dans la terre nourricière, dans les vallées, dans les cimes. Ce trésor-là personne ne cherchera à vous le prendre.

La société ne se préoccupe plus d’enseigner la morale. « Mieux vaut mourir de faim que de perdre son innocence à gagner son pain ». D’ailleurs, nous dit Thoreau, « je ne connais guère d’intellectuel qui soit suffisamment ouvert d’esprit et libéral pour qu’on puisse penser à voix haute en sa compagnie. ». Les gens parlent d’un point de vue particulier, à partir d’une institution où ils ont des intérêts, mais non d’un point de vue universel. Autrement dit, la plupart des hommes n’ont pas de vie intérieure, se réduisant souvent à la frivolité, la flatterie et la forme. « Nos appuis sont pourris ».

Nos conversations sont généralement creuses. « Dès lors que notre vie cesse d’être intérieure et privée, la conversation dégénère en bavardage ». Rares sont les gens racontant autre chose que ce qu’ils ont lu ou entendu par ailleurs. Notre vie intérieure est si pauvre qu’il nous faut nous nourrir du journal, sans quoi nous ne saurions que dire. Mais en prenant des nouvelles du monde, nous n’avons plus de nouvelles de nous-mêmes. « Lire le journal une fois par semaine est encore trop […] Il faut plus d’une journée de dévotion pour connaître et posséder toute la richesse du jour ». Préservez votre esprit des frivolités. Elles souillent l’esprit et sont bien difficiles à oublier. « Nous devrions traiter notre esprit, c’est-à-dire nous-même, comme un enfant innocent et ingénu dont nous sommes les tuteurs, et veiller aux objets et aux sujets que nous lui soumettons ».

On dit de l’Amérique qu’elle est le pays de la liberté. Mais si nous nous sommes libérés d’un tyran politique, nous sommes encore esclaves d’un tyran économique et moral. La chose publique, la res publica, est instaurée. Veillons maintenant à instaurer la res privata. Plus que naître libre, il nous faut maintenant vivre libres et faire de la liberté politique un instrument de la liberté morale. Préoccupons-nous de cultiver nos valeurs, et non la production et le commerce, « qui ne sont que des moyens, et non des fins ». Nous pensons traiter des affaires essentielles alors que nous n’avons autorité que sur des choses secondaires. En ce sens, « nous ne sommes encore que des provinciaux, et non des métropolitains ». La véritable richesse est la morale.

La politique est devenue une chose si superficielle. Quelle drôle d’époque que la nôtre, où « les républiques mendient à la porte du particulier pour lui présenter leurs doléances  ! ». Le mendiant est le gouvernement et il mendie pour mon vote. Pauvre président, coincé entre ses responsabilités et la nécessité de maintenir sa popularité. Ainsi, « les journaux font la loi » et « si un homme oublie de lire le Daily Times, le gouvernement le suppliera à genoux, car c’est la dernière trahison possible de nos jours ». Pourtant la politique est une fonction vitale de la société. Mais ses activités devraient être au second plan. Nous devrions les mener de manière inconsciente en quelque sorte. Car la politique est le gésier de la société, « empli de terre et de graviers, et ses deux partis politiques en sont les deux hémisphères […] qui se broient mutuellement ». Préférons être pleinement conscients face à la splendeur du matin.

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