L’économie de la nature (2019) est la première publication d’un « feuilleton théorique » dans lequel Alain Deneault analyse le sens attribué au terme « économie » à travers l’histoire. Dans cet ouvrage, il explique comment les premiers « économistes » ont dévoyé ce terme pour fonder une science de l’agriculture.

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Dépouillée de son lien direct avec l’idée de nature, l’économie de la nature perd son sens et sa raison d’être pour être réduite à une activité d’intendance, un détournement dont nous pâtissons encore aujourd’hui et sans lequel le terme « écologie » n’aurait pas lieu d’être.
Ce qu’il faut retenir :
Le sens actuellement attribué au mot « économie » est un héritage des physiocrates du XVIIIe siècle. Il est antinomique de l’esprit qui a habité cette expression tout au long de l’Histoire. L’économie, jusqu’à cette époque comprise comme « la connaissance des relations bonnes entre éléments, entre gens, entre sèmes, entre choses », a été ainsi réduite à des activités comptables, commerçantes, de gestion et d’intendance.
L’économie, dissociée de la nature, a donné naissance à l’écologie et a fait naître une opposition entre l’Humanité et son environnement. Cette opposition rend impossible une évolution harmonieuse de l’Homme au sein de la nature.
L’attitude des sociétés capitalistes envers leur habitat naturel est la preuve la plus flagrante du dévoiement du terme économie puisque, bien au contraire, elles le traitent de manière dépensière et destructrice, et en aucun cas de façon économe.
Biographie de l’auteur
Alain Deneault, né en 1970, est un philosophe québécois, docteur en philosophie de l’Université Paris VIII et directeur de programme au Collège international de Philosophie à Paris. Auteur de nombreux essais politiques et économiques, il s’est intéressé, au cours de sa carrière, aux questions d’évasion fiscale, au pouvoir des multinationales, à la culture de la gouvernance ou encore au fondement colonial du Canada en développant des concepts comme l’extrême-centre et la médiocratie. Plus récemment, il s’est penché sur la question de l’éparpillement des gauches en une multitude de causes identitaires dans Mœurs. De la gauche cannibale à la droite vandale (2022).
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Plan de l’ouvrage
I. Manifeste
II. L’économie de la nature
III. L’économie comme œuvre souveraine
IV. Un savoir précaire
V. L’espèce humaine prise en compte
VI. De l’économie de la nature à l’économisme
VII. La souveraineté du calcul
VIII. Origine du processus d’accumulation
IX. Les conséquences pratiques
X. Quid de l’économie de la nature ?
XI. L’autre Darwin
XII. Une économie politique de la nature
XIII. L’économie et la nature antagoniques
XIV. Un savoir aveugle
XV. Recentrer les économies
XVI. L’évolution de la théorie
Synthèse de l’ouvrage
Manifeste
L’objectif de ce travail de recherche est de reprendre l’économie aux économistes, c’est-à-dire de dissocier économie et capitalisme et, plus précisément, économie et intendance. Parce que chaque personne exerçant un métier traite d’économie à sa façon, la notion d’économie appartient à tous ; elle n’est pas l’apanage des économistes.
L’utilisation du mot « économie » au cours de l’Histoire relève, à travers toutes ses déclinaisons, de « la connaissance des relations bonnes entre éléments, entre gens, entre sèmes, entre choses ». Il désigne ainsi, dans une perspective politique, une connaissance des relations escomptées, du sens des finalités et du sens de délibération sur les fins.
L’économie de la nature
L’expression « économie de la nature » renvoie à un équilibre vivant, mais précaire entre des espèces évoluant dans les écosystèmes. Autrement dit, elle est une pensée des relations au vivant. Cependant, au XVIIIe siècle, l’économie est pervertie : elle est réduite à la comptabilité et au commerce, et l’écologie, à un champ d’études marginal des écosystèmes. Cette distinction entre les considérations sur la nature et celles portant sur l’industrie et le commerce est un trait regrettable de l’époque moderne.
L’économie comme œuvre souveraine
Carl Von Linné, naturaliste suédois pionnier des sciences naturelles, confère toute son « autorité » au concept d’économie de la nature. Sous sa plume, on découvre un principe régulateur ordonnant les stratégies, pratiques et habitudes qui animent les différents éléments du monde. Oeconomia Naturae (1789), ouvrage célèbre de Von Linné, décrit dans un premier temps un suprême dessein : la Nature étant l’œuvre de Dieu, l’économie qui s’en dégage est Sa volonté. Dans cette perspective, il définit ainsi l’économie de la nature de cette façon : « par économie de la nature, on entend la très sage disposition des Êtres Naturels, instituée par le Souverain créateur, selon laquelle ceux-ci tendent à des fins communes et ont des fonctions réciproques ».
Linné pose les enjeux de fragilité de la Nature, en insistant sur les enjeux de propagation, de conservation et de destruction des différentes espèces animales ou végétales. Il présente explicitement ces systèmes comme reposant sur un fragile équilibre, et, ce faisant, pourvoit les termes d’une approche qu’on adoptera par la suite, en s’éloignant cependant de sa conception originelle.
Un savoir précaire
Après que Linné a posé les assises théoriques de l’économie de la nature, ceux qui suivront (de Gilbert White à Charles Darwin, en passant par Jean-Baptiste de Lamarck et Edward Blyth) s’éloigneront de la dimension religieuse pour revenir aux réalités contingentes de la nature. L’économie, auparavant un simple objet d’étude, devient alors une discipline indépendante. Le terme évoque à lui seul « une façon de penser l’ensemble d’interactions et de facteurs en tant qu’on ne peut pas, paradoxalement, le saisir comme tel dans son amplitude ».
En dépit des nombreux angles morts, ce discours économique conduira les économistes à penser, en recourant à des principes et des modèles, un réseau d’interactions incommensurables et impondérables, en s’épargnant des démonstrations exhaustives.
L’espèce humaine prise en compte
Les naturalistes qui prennent la suite de Linné intègrent dans leurs recherches l’économie telle que nous l’entendons aujourd’hui : à savoir l’intendance, la gestion, et la production de biens. Toutefois, ils ne s’y restreignent pas et l’englobent dans une perspective plus large. Ils y considèrent l’espèce humaine comme une espèce parmi d’autres, à l’exception du fait qu’elle se distingue par sa conscience. Leurs recherches tendent ainsi vers la convergence entre des intérêts circonstanciels, en naviguant entre la nécessité de façonner la nature pour pouvoir en tirer profit et la nécessité de ne pas dégrader définitivement l’ordre qui rend ce profit possible – cela, sans tenir compte de l’équilibre naturel.
Si l’on trouve dans leurs travaux une forme de fascination pour les équilibres naturels, ils ne perdent pas pour autant la faculté de compter, y compris en devises monétaires. « L’esprit [de ces naturalistes est le suivant] : ni se laisser aller à la pure contemplation ni céder à l’empressement utilitariste ».
De l’économie de la nature à l’économisme
À la fin du XVIIe siècle déjà, les naturalistes se heurtent aux érudits qui, les premiers, se baptisent « économistes ». Ils ouvrent le champ à ceux qui, plus tard, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, seront les premiers à se dire ouvertement économistes tout en se référant essentiellement aux sciences de la nature (François Quesnay, Dupont de Nemours, Lemercier de La Rivière ou le marquis de Mirabeau).
L’approche productiviste, marchande et capitalistique qui prévaut chez eux enserre le vaste enjeu économique dans des stratégies de rendement beaucoup plus restreintes, en l’occurrence appliquées au secteur céréalier. Ils assujettissent alors les considérations économiques traitées par les sciences de la nature au champ comptable de l’exploitation des grains. La nature qu’ils se proposent d’étudier se présente conséquemment comme une simple source de biens. Le modèle marchand qui a réussi à quelques bourgeois du XVIIe siècle se double alors chez eux d’une récupération des sciences naturelles.
À cette époque, commence à s’imposer une première définition des sciences « économiques », à partir des racines grecques oikos et nomos, qui signifient « maison » et « loi ». On ne retient de cette étymologie qu’un discours sur l’administration de la maisonnée, alors que les termes revêtaient, pour les Grecs, des sens multiples et renvoyaient à une multitude de concepts.
Cette nouvelle conception s’inspire aussi de la théologie, mais dans une moindre mesure que chez Linné ou White. « Selon cette lecture, la nature fait le mal ou, du moins, elle est mal faite, et l’acte civilisateur par excellence consiste à la domestiquer, tant par l’agriculture que par l’élevage et le développement des mœurs ». C’est l’inauguration de l’approche « impériale », dont le moteur est l’Homme qui façonne cette nature et lui laisse son empreinte. Après ce virage scientifique, l’Homme passe désormais pour indispensable à la nature.
La souveraineté du calcul
L’ouvrage publié par Quesnay et Mirabeau en 1763 est fidèle à son titre. Intitulé La philosophie rurale ou Économie générale et politique de l’agriculture, réduite à l’ordre immuable des lois physiques & morales, qui assurent la prospérité des empires, cet ouvrage est effectivement une réduction. Il ne se contente pas d’agréger les disciplines, mais promeut l’une d’entre elles, l’économie, à un rang hégémonique. « L’économie “générale” qui s’ensuit subordonne les sciences de la nature au physicalisme cartésien et ligue la pensée aux mathématiques ». Progressivement, les sciences naturelles devront s’assujettir à cette nouvelle discipline, et François Quesnay se félicitera quelques années plus tard qu’elle soit enseignée dans les sociétés d’agriculture.
Face aux difficultés conceptuelles et intellectuelles, Quesnay propose une marche à suivre en fonction des « vérités immuables de l’ordre physique ». Autrement dit, quelques variables comptables et techniques suffisent à y remédier. L’usage de la formule ceteris paribus sic stantibus, c’est-à-dire « toutes choses étant égales par ailleurs », se popularise, comme si le monde était aussi fixe que les modèles et données qu’ils appliquent.
« “Richesses” ne désigne plus les fruits du monde, cultivés ou spontanés, mais exclusivement ces biens à l’état de surplus, comptabilisables, administrables et commercialisables. »
Scène originaire du processus d’accumulation capitaliste
Au fur et à mesure de l’évolution du concept d’« économie », la valeur monétaire et comptable supplante la valeur naturelle et matérielle d’un bien. On valorise la capacité d’un agriculteur à acquérir des espèces sonnantes et trébuchantes plus que sa capacité à produire des aliments. « Passer de l’économie de la nature à l’économisme nous éloigne d’un rapport sensible aux choses ».
Un pas de plus et on obtiendra la réduction du travail aux offres et demandes du marché. Cette idéologie favorise la domination d’une classe par une autre puisque l’activité principale et essentielle de l’Homme consiste à créer un circuit dans lequel les investissements en travail sur la terre perpétuent la production et la croissance de cet excédent. Mais ce surplus, à sa source, reste l’apanage de la seule classe sociale des propriétaires.
Pour Quesnay, il n'y a pas d’antagonismes entre classes sociales. Selon lui, le pouvoir féodal constitue le rouage central de la vie économique dans un ordre où la société n’est autre qu’un ensemble de relations monétaires entre différentes classes. L’argent devient alors un centre d’intérêt plus important que l’activité laborieuse elle-même ! « Entre en scène le personnage du capitaliste comme créateur de richesse, et non comme celui qui ponctionne la valeur du travail effectué par d’autres ».
Les conséquences pratiques
En 1763, sous l’autorité de Louis XVI et de son ministre économiste Anne Robert Jacques Turgot, le blé sera le premier produit en France à faire le test d’une économie libéralisée. L’année suivante, le fameux moraliste écossais Adam Smith effectue un séjour dans le pays, pour deux ans. Ce n’est pas un hasard si les catégories des « dépenses improductives » et des « dépenses productives » coiffant le « Tableau économique » de Quesnay, se retrouvent telles quelles dans l’œuvre de Smith.
La filiation entre l’Écossais et le Français est directe et explicite. Smith considérait que le travail de Quesnay était, parmi « tout ce qu’on a publié sur l’économie politique, ce qui se rapproche le plus de la vérité ». Il ouvrira lui-même une nouvelle étape de l’histoire de la discipline, en accentuant ce rapport au chiffre, en étendant la qualification de « productive » à toute œuvre contribuant à la croissance d’un capital numéraire, et en réservant l’épithète de « non-productif » au travail – domestique, curatif, culturel et intellectuel – n’en générant guère.
Dès lors, on constate que le legs des physiocrates est la réduction de toute politique – au sens d’une capacité à se déterminer par rapport à la nature, à la spiritualité, et aux membres d’une collectivité – à une attitude strictement comptable. Après eux, « c’est le marché lui-même, sous la forme de la matrice des paiements, qui devient naturel », écrit leur exégète Jean Cartelier. Le rôle du personnage politique est réduit au simple comptable de règles édictées par des experts.
Quid de l’économie de la nature ?
Ce legs de considérations productivistes et marchandes dominant toute approche de l’économie de la nature imprègne nos pensées, jusqu’aux positions critiques à l’égard du système capitaliste. L’exemple de Henry David Thoreau est révélateur. L’auteur de Walden, héraut de la désobéissance aux autorités illégitimes, considéré par certains comme le père de l’écologie et de la contestation sociale, achève de réduire toute appréhension des phénomènes vitaux à la comptabilité marchande. Sous sa plume, la vitalité d’une rivière, la fertilité d’un sol, la puissance du vent recevront une attribution économétrique. « On en est rendu là, à présenter comme un problème l’absence d’indicateur chiffré ».
L’autre Darwin, gardien d’une notion oubliée
À la même époque, Charles Darwin présente sa théorie de l’évolution des espèces, teintée elle aussi de termes qui portent la marque d’un économisme concurrentiel et libéral, mais pas seulement. Les termes de « sélection », « évolution », ou encore « contingences » et « conjoncture » ponctuent son texte. Cependant, dans la perspective darwinienne, tout interagit et tout est donc sujet à transformation conjoncturelle, y compris l’économie. Pour Darwin, la description d’une « économie » reste une profonde énigme. Il ne cède ni à la facilité de faire appel à la théologie pour combler les brèches, ni au déisme comptable qui rationalise à outrance. L’expression « économie de la nature » apparaît dans son ouvrage Voyage d’un naturaliste autour du monde dans lequel Darwin souligne que « nous ne nous rappelons pas assez combien peu nous connaissons des conditions d’existence de chaque animal ».
Les recherches du naturaliste mettent en lumière le paradoxe central de l’« économie » en tant que discipline : un savoir qui ne peut être que parcellaire, une expression dénotant une incapacité à comprendre et à couvrir ce qui est pourtant en cause sous son appellation. « Dire de l’économie qu’elle est “générale” consiste en une façon de nommer un objet qui ne se laisse enfermer dans aucun des pourtours établis par la science, tout en restant ce que la science ne peut pas ne pas continuer à étudier ».
Une économie politique de la nature
La portée politique du travail de Darwin a donc été largement sous-estimée. Dans ses écrits, on trouve une description particulièrement éloquente du « pouvoir sélectif de l’Homme », à savoir sa capacité déterminante – mais pas absolue – à influer sur le cours de la nature et à peser sur l’évolution de son économie générale. Des siècles plus tard, cette domination de l’Homme sur la nature est beaucoup plus largement admise.
« La période historique dans laquelle nous nous trouvons [se définit] par la capacité qu’ont les êtres humains – la catégorie d’entre eux qui en a le pouvoir – à déterminer fortement l’évolution des phénomènes naturels ». Aujourd’hui seulement, nous apprécions la portée historique de cette situation et acceptons notre responsabilité politique, technique, écosystémique. Cependant, nous n’avons pas plus la maîtrise de nos actions qu’auparavant.
La combinaison de cette conscience et de ces connaissances ne suffira pas à forcer la pensée économique à se réaligner sur une cosmogonie intégrant l’ensemble des paramètres écosystémiques. Les théoriciens de la nature ont finalement abandonné l’économie aux économistes, pour forger en parallèle le néologisme d’« écologie ». Dans ce terme, résonne un acte de capitulation sur le sens d’un concept et sur la tradition qu’il transmet.
L’écologie : rendre l’économie et la nature antagoniques
« Traiter alors d’écologie plutôt que d’économie traduit une stratégie consciente ou non d’acteurs soucieux de se distinguer d’un autre groupe », quand bien même l’écologie reprend dans sa définition tous les éléments de l’économie de la nature.
Au moment où l’industrie, le commerce et la finance s’approprient tout le vocabulaire économique et engendrent une destruction sans précédent, ce qui relevait de l’économie de la nature nous est étranger. En effet, l’écologie apparaît au moment où le détournement de sens du mot « économie » est achevé, et ce, au point d’avoir fait oublier ses acceptions anciennes. Plus encore, elle se développe en opposition à cette notion d’« économie » et aux valeurs capitalistes qu’elle contient, qu’il s’agisse de l’autonomie du capital, de la domination des organisations industrielles et marchandes ou du développement de l’argent dans la psychologie et la culture.
« L’être humain ne se présente plus, hélas, dans la pensée que comme un agent perturbateur des écosystèmes ». Dans cette perspective, l’économie passe donc d’un agir impérialiste et colonial de la part de civilisations humaines, tandis que l’écologie se distingue par l’étude des mondes évoluant, bon an mal an, hormis le sujet moderne ou malgré lui, mais jamais en relation avec lui.
La distinction entre « écologie » et « économie » avalise ainsi une dualité qui n’aurait jamais dû être, entre deux termes qu’il faudrait chercher à réunir en tant qu’ils relèvent d’une seule et même chose. Par « écologie », notre ventriloque collectif nous fait admettre une situation absolument déplorable, et de fait incroyable : devant la nature, les sujets humains ont réussi un divorce.
Un savoir aveugle
Le développement logique de cette tendance nous amène aujourd’hui dans une situation où des entités multinationales et leurs actionnaires se fantasment comme des souverains de l’évolution, qui, hier encore, nous fascinait comme une chose infinie. Nous constatons à présent les conséquences désastreuses des exploits génétiques et agricoles d’apprentis sorciers qui perturbent en profondeur les écosystèmes, bien plus qu’ils ne les contrôlent. Chef de file du secteur, le groupe Monsanto tente par tous les moyens de faire taire ceux pour qui l’économie de la nature porte sur des interactions, des effets, des relations mutuelles et des contingences qui échappent à tout contrôle de l’esprit humain.
Recentrer les économies en un point focal
« Du point de vue d’un penseur comme Gilbert White, jamais un régime dans lequel on épuise en un siècle les ressources fossiles des entrailles de la Terre, pollue une majorité de cours d’eau, met en péril de vastes étendues cultivables, extermine massivement des espèces animales et réduit le ciel à une poubelle n’aurait pu se montrer digne “d’économie” ». Jamais, de cette notion, n’aurait dû naître la discipline qui préside à ces transformations néfastes et mortifères, ni le fait qu’on joue dans les informations génétiques des espèces à la manière d’aventuriers.
Cette analyse doit nous amener à un constat brutal : « ce que la science économique appelle “économie” a toutes les allures de son contraire ». Elle n’économise rien et ne considère pas l’enjeu global de ses interactions entre formes du vivant là où elle intervient vigoureusement. Plutôt, dans sa forme idéologique actuelle, les pratiques sociales qu’elle encourage éloignent l’humanité de son habitat naturel, ses croyances morales et son organisation civique. Les dépenses excédentaires qu’elle entraîne ne se trouvent en rien bonifiées au terme des processus d’exploitation, contrairement aux prétentions de l’investissement financier qui qualifie leurs fins de plus-value. « Or, l’économie ne peut qu’être une écologie, d’où l’inutilité de compter sur deux termes ».
L’évolution de la théorie
La dualité dans laquelle nous inscrivons aujourd’hui ces deux notions n’a pas lieu d’être. C’est la novlangue de notre régime idéologique qui fait passer pour « économiques » des activités déstabilisatrices, destructrices, polluantes et indifférentes au tout :
« De toutes ces considérations ressort un grand dessein : conduire une politique de la nature en s’appuyant sur une réflexion large, spirituelle, humble et adaptée à cet ensemble infini de phénomènes naturels complexes et intriqués qu’on nomme “nature” et dont l’humanité dépend bien plus encore que d’une faculté de la surexploiter, soit l’économie. »
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