Qui mène le monde ? (2016), ouvrage de Noam Chomsky, dénonce la mainmise des grandes sociétés privées sur les institutions gouvernementales des États-Unis, et donc du monde.
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Prenant de nombreux exemples historiques, Chomsky met en évidence l’impérialisme latent qui dirige la politique extérieure américaine. Tandis que ceux qui profitent du système et leurs vassaux continuent de présenter l’Occident comme un modèle de démocratie et vertu, les puissants du monde continuent de mettre en œuvre leur potentiel destructeur.
Ce qu’il faut retenir :
Les « puissants » sont les ennemis déclarés du peuple et de la démocratie. Pour asseoir leur domination, ils utilisent le système médiatique, politique et le monde intellectuel. Ceux que l’on peut nommer les « intellectuels d’État » rivalisent d’imagination pour se faire bien voir et obtenir les faveurs des « dominants ».
Le discours en faveur des droits de l’homme, de la démocratie et de la paix dans le monde prend de moins en moins parmi la population américaine. Cette dernière se montre de plus en plus favorable à des politiques de ruptures. L’élite l’a parfaitement compris et s’efforce de détourner le peuple de la véritable source de son malheur.
Les décideurs, ceux qui ont le pouvoir de régler l’horloge de la fin du monde, ne se soucient guère de la sécurité de la population et de la survie de l’humanité tant que leurs intérêts sont saufs.
Biographie de l’auteur
Noam Chomsky, né en 1928 à Philadelphie, est un linguiste américain, professeur émérite de linguistique au Massachusetts Institute of Technology où il a enseigné durant l’intégralité de sa carrière. Également connu pour son activisme politique et sa critique de la politique étrangère et des médias américains, il s’affiche comme un sympathisant de l’anarcho-syndicalisme. Entre autres, il fustige l’utilisation du terme « terroriste » qui, selon lui, permet aux gouvernements de se dédouaner de la dimension terroriste de leurs propres politiques. Il est également un fervent défenseur de la liberté d’expression.
Très apprécié par l’extrême gauche, Noam Chomsky est soumis à de vives critiques de la part des libéraux et des partisans de la droite américaine. Il reste pourtant reconnu comme l’un des plus grands intellectuels vivants, ayant notamment reçu de nombreux diplômes honorifiques des plus grandes universités au monde.
Avertissement : Ce document est une synthèse de l’ouvrage de référence susvisé, réalisé par les équipes d’Élucid ; il a vocation à retranscrire les grandes idées de cet ouvrage et n’a pas pour finalité de reproduire son contenu. Pour approfondir vos connaissances sur ce sujet, nous vous invitons à acheter l’ouvrage de référence chez votre libraire. La couverture, les images, le titre et autres informations relatives à l’ouvrage de référence susvisé restent la propriété de son éditeur.
Plan de l’ouvrage
I. La responsabilité des intellectuels
II. La main invisible du pouvoir
III. La guerre des classes aux États-Unis
IV. L’horloge de la fin du monde
Synthèse de l’ouvrage
I. La responsabilité des intellectuels
De manière générale, on peut distinguer deux catégories d’intellectuels : les « progressistes » ou conformistes, à la solde de l’État, qui défendent les moindres décisions du gouvernement au nom de la conception du « Bien » et des « valeurs morales » qu’on leur a enseignées ; et les intellectuels qui osent critiquer le bien-fondé du discours dominant – ce sont les dissidents. « Ceux qui se rangent derrière l’État reçoivent généralement les honneurs de l’ensemble de la communauté intellectuelle, et ceux qui s’y refusent sont punis ».
Le discours dominant est décidé par des institutions de grande envergure. L’une d’entre elles, très influente aux États-Unis puisqu’elle forma de nombreux conseillers à la Maison-Blanche, est la Commission Trilatérale, fondée par Rockefeller en 1973. Selon cette Trilatérale, les intellectuels sérieux sont nécessairement « technocrates et axés sur les politiques ». Les chercheurs de la Trilatérale craignent en particulier « l’excès de démocratie » que représentent les mouvements populaires : les minorités, les femmes, les travailleurs, les jeunes, les personnes âgées… en un mot, le peuple.
Adam Smith, l’un des pères fondateurs du Libéralisme, dont les idées furent allégrement tordues pour des raisons idéologiques, considérait ces puissants comme les “maîtres de l’espèce humaine”, qui ne respectent que la vile maxime : “Tout pour nous et rien pour les autres”. Ils sont, selon Smith, les principaux ennemis du peuple et de la démocratie. Ce sont ces puissants que les intellectuels conformistes s’efforcent avec ardeur de défendre. Leur parti pris est bien visible dans les incohérences de leur jugement. En effet, ils condamnent sans effort les comportements de certains au sein du pays, tout en louant les mêmes à l’étranger. Par exemple, durant la Guerre froide, les intellectuels contestant la politique belligérante des États-Unis sont accusés d’être de dangereux marxistes, tandis que les intellectuels européens qui critiquent le régime soviétique – quand bien même ils auraient des opinions communistes – sont considérés comme d’ardents défenseurs de la liberté et des droits de l’Homme.
Un comportement similaire est constaté lorsqu’il a fallu juger les guerres menées en Amérique latine entre les années 1960 et les années 1990. Vatican II, fameux concile œcuménique, appelait à rendre compte des particularismes de chaque peuple et à aider à leur émancipation. L’Église reconnaissait ainsi que sa sécularisation croissante lui avait fait perdre de vue les véritables intérêts des plus pauvres et s’engageait à les défendre à nouveau. Il n’en fallut pas plus aux évêques d’Amérique latine pour organiser la résistance contre l’empire américain. Nombre de jésuites, comme Oscar Romero, la « voix des sans-voix », furent alors assassinés par des milices armées à l’occasion de coups d’État organisés et financés par les « maîtres de l’humanité ». « L’École des Amériques, célèbre centre de formation des assassins d’Amérique latine, a alors annoncé dans l’un de ses "points de discussion" que la théologie de la Libération née au moment de Vatican II avait été "vaincue avec l’aide de l’armée des États-Unis". » Il en allait de la crédibilité de Washington, disait Henry Kissinger.
Il est également amusant de remarquer la facilité avec laquelle les États-Unis donnent à leurs armes meurtrières le nom des peuples qu’ils ont exterminés : Apache, Black Hawk, Cheyenne. « Quelle aurait été notre réaction si la Luftwaffe avait baptisé ses avions de chasse "Juif" ou "Gitan" ? »
L’un des principaux ennemis des États-Unis, Oussama Ben Laden, avait parfaitement compris leur façon de procéder. Il savait que, pour chasser les Américains du monde musulman, il fallait les pousser à s’engager dans une série de guerres de faible intensité, mais très coûteuses, qui finiraient par causer leur faillite. Il comptait par ailleurs sur les États-Unis pour commettre des crimes de guerre et radicaliser le monde islamique. Ainsi, « les États-Unis demeurent l’unique allié indispensable de Ben Laden et, de toute évidence, ils le restent même après sa mort. »
« Les intellectuels sont généralement privilégiés ; le privilège offre des possibilités, lesquelles entrainent des responsabilités ». Or, ces intellectuels ont fait le choix de défendre l’indéfendable et de soutenir leur État.
II. La main invisible du pouvoir
Alors que la Seconde Guerre mondiale n’était pas encore achevée, les États-Unis étaient déjà parfaitement conscients qu’ils seraient de loin une puissance dominante. En 1939, naît la doctrine de la « Grande Région », désignant les parties du monde que les Américains étaient destinés à dominer : Amérique, Europe, ancien empire britannique, Moyen et Extrême-Orient. « Dans la Grande Région, les États-Unis veilleraient à maintenir un pouvoir incontesté en limitant tout exercice de souveraineté par des états susceptibles d’interférer dans ces visées planétaires. » L’OTAN est une parfaite illustration d’une institution dédiée à la défense des intérêts impérialistes des États-Unis. Créée initialement pour « combattre » le bloc soviétique, l’OTAN fut pourtant étendue vers l’Est lorsque sa raison d’être devint caduque, en 1989 – cela, en violation des accords verbaux faits à Mikhaïl Gorbatchev.
La doctrine de la Grande Région prône l’intervention militaire à volonté, comme en fit état l’administration Clinton lorsqu’elle déclara que les États-Unis disposaient du droit d’employer la force pour s’assurer « l’accès illimité aux marchés clés, à l’approvisionnement énergétique et aux ressources stratégiques ». Les principes démocratiques furent utilisés par la propagande d’État afin de manipuler l’opinion publique. En réalité, la défense de la démocratie est loin d’être un principe directeur de la politique américaine. Wikileaks montra, à cet égard, comment les États-Unis soutenaient les dictateurs du monde arabe.
C’est dans cette perspective que les États-Unis ne laisseront jamais les pays arabes devenir des démocraties. Comme le montrèrent les études d’opinions faites dans la région, 75 % des populations arabes considèrent les États-Unis et Israël comme les plus grandes menaces qui pèsent sur eux, et pensent que, si l’Iran possédait l’arme atomique, leur sécurité s’en verrait renforcer. « Si l’opinion publique avait le moindre effet sur les politiques, les États-Unis perdraient non seulement leur mainmise sur la région, mais s’en verraient chassés aux côtés de leurs alliés, et les fondations mêmes de leur domination mondiale en seraient ébranlées. »
III. La guerre des classes aux États-Unis
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la moitié de la richesse mondiale était détenue par les États-Unis. Cette part chuta à près de 25 % en 1970. Au cours de la décennie qui suivit, l’économie du pays fut progressivement dirigée presque essentiellement par les procédés de financiarisation et de délocalisation. Ce nouveau contexte permit à quelques privilégiés – PDG, gestionnaires de fonds de placement, etc. – de concentrer la richesse entre leurs mains.
Les coûts des campagnes électorales s’envolèrent, plaçant les partis politiques, républicains comme démocrates, dans une situation de dépendance vis-à-vis des détenteurs du capital concentré et financier. De fait, le pouvoir politique se fit de plus en plus favorable à cette concentration économique : politiques fiscales, règles de gouvernance en entreprise, déréglementation, etc.
Les revenus réels de la majorité de la population stagnèrent, les heures de travail augmentèrent, tout comme les dettes et l’inflation du prix des actifs, rendus incontrôlables par la déréglementation financière. Pendant que la population américaine s’appauvrissait et que le niveau de chômage réel atteignait des taux dignes de la Grande Dépression, les banques et les entreprises d’investissement prennent toujours plus de risques, sachant qu’en cas de crise l’État Providence viendrait les sauver. On appelle cela privatiser les profits et socialiser les pertes.
Pendant ce temps, les grands médias, détenus par quelques milliardaires, s’efforcèrent de cacher cette réalité, en faisant tourner une immense machine de propagande. Des boucs émissaires furent ainsi désignés : les fonctionnaires, l’enseignement, les taxes, les minorités, les immigrants, etc. Cette propagande fut également dirigée vers l’immigration, essentiellement originaire du Mexique et de l’Amérique du Sud, alors qu’en réalité, leurs travailleurs sont forcés de fuir les conditions de vie désastreuses qu’ont directement créées les politiques des États-Unis dans cette région. Les nombreux coups d’État, le soutien américain aux dictateurs, ainsi que l’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain) ont largement contribué à cette situation. À cause de cet accord, le Mexique fut submergé par des produits agricoles subventionnés (à hauteur de 40 %) par l’État américain. Dès le départ, cet accord devait détruire l’agriculture et l’industrie mexicaine en le soumettant à la concurrence des grandes sociétés des États-Unis.
« Ces mesures ont entrainé l’émigration de Mexicains acculés au désespoir et, aux États-Unis, à une hystérie anti-immigrants croissante de la part des victimes des politiques étatiques favorables au monde des affaires. »
Ce que Joseph Stiglitz qualifiait de « religions » des marchés est en train de ravager nos sociétés. Tout est fait pour que la masse « demeure apathique, indifférente et distraite par le consumérisme et la haine envers les plus vulnérables. Les puissants peuvent agir comme bon leur semble, et il ne restera plus aux survivants qu’à contempler le résultat. »
IV. L’horloge de la fin du monde
Deux tiers des Américains se disent favorables à l’adoption d’accords internationaux contraignants pour réduire les gaz à effets de serre, et trois Américains sur cinq pensent que le climat doit l’emporter sur l’économie. Mais, l’opinion publique ne compte pas : voilà une autre insulte adressée aux Américains par la classe dirigeante.
Les experts atomistes auraient le pouvoir de régler l’horloge de l’humanité. Un spécialiste du sujet, Seth Baum, dénombre entre 43 et 255 fausses alertes de la part des systèmes de défense américains entre 1977 et 1983. Selon lui, « la guerre nucléaire est le cygne noir que nous ne pouvons voir, excepté pendant le bref instant où il nous détruit. Nous repoussons l’élimination de ce danger à nos risques et périls. C’est maintenant qu’il faut éradiquer la menace, pendant que nous sommes encore vivants. » Ce n’est manifestement pas l’avis des dirigeants et des scientifiques atomistes, qui appellent à investir toujours plus d’argent public dans l’armement nucléaire et à défaire un à un les traités de non-prolifération.
Un autre danger pour l’humanité, dont les États-Unis sont responsables, est l’expansion de l’OTAN vers l’est de l’Europe. La Russie (tout comme la Chine et les stratèges américains, par ailleurs) sait pertinemment que les systèmes de missiles de défenses sont, dans les faits, destinés à établir un ascendant stratégique et une immunité en cas de représailles. Plus que des systèmes défensifs, ce sont des systèmes offensifs. Si ce type de projet peut sembler irréalisable et inefficace en situation réelle, les cibles ne peuvent jamais en être entièrement certaines. Ce qui explique leurs réactions violentes. Ces réactions sont évidemment perçues par l’OTAN comme une menace contre l’Occident. La situation en Ukraine est, à cet égard, un véritable « paradoxe géographique dramatique » qui illustre dramatiquement que « l’OTAN a seulement pour vocation de gérer les risques créés par sa propre existence ».
Il faut bien se rendre à l’évidence, qu’il s’agisse du réchauffement climatique ou de la prolifération des armes nucléaires, les décideurs ne se soucient guère de la sécurité de la population. « Les perspectives de survie à long terme ne sont guère encourageantes à moins de procéder à d’importants changements. C’est à nous que revient, en grande partie, cette responsabilité, car nous en avons le pouvoir. »
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