Même si elle a été dissipée trop tôt pour produire des effets politiques majeurs, la colère du monde paysan a apporté une contribution appréciable à la mise en cause de l’ordre idéologique néolibéral.
Il ne fallait certes pas s’attendre à un résultat spectaculaire. La crise qui affecte le monde agricole a des racines si profondes et si enchevêtrées qu’il n’était pas possible de les traiter en quelques jours et dans l’urgence. Le bilan de ce soudain accès de fièvre politique pourra donc sembler modeste : quelques aides sectorielles, quelques concessions partielles et parfois contestables – sur le plan environnemental notamment – auront suffi à désamorcer la crise pour le moment.
Mais cette dernière aura eu deux grands mérites : en mettant à nu l’écheveau des contraintes intenables et parfois contradictoires sous lesquelles les agriculteurs doivent travailler, peut-être aura-t-elle permis une prise de conscience générale de nature à faire progresser le débat public sur ce sujet stratégique. Plus utilement encore, elle aura mis en lumière le tragique affaiblissement des pouvoirs publics, dépossédés des moyens d’agir par quarante ans de construction européenne sous le sceau du néolibéralisme.
Une responsabilité politique diluée jusqu’à l’impotence
La crise a mis à nu des effets de structure qui jouent habituellement de manière souterraine. Personne ordinairement, dans les milieux gouvernementaux comme au sein des médias institutionnels, ne souhaite s’appesantir sur la faiblesse des moyens d’action concrets dont disposent les pouvoirs publics sur tel ou tel sujet. Il ne faudrait pas alimenter ainsi par mégarde le « populisme » ou l’hostilité à l’UE. Mais l’extrême sensibilité de la crise agricole aussi bien que le soutien massif de la population à la colère paysanne ont obligé les responsables politiques à agir précipitamment, au risque d’exposer au grand jour leur faiblesse et leur dépendance. Si, in fine, ils sont parvenus à éteindre l’incendie, la séquence politique qui s’achève les aura vus chercher frénétiquement secours et appui du côté de Bruxelles, où se prennent des décisions essentielles sur lesquelles ils n’ont qu’une prise modeste.
Lisez la suite et soutenez un média indépendant sans publicité
S’abonnerAccès illimité au site à partir de 1€
Déjà abonné ? Connectez-vous
10 commentaires
Devenez abonné !
Vous souhaitez pouvoir commenter nos articles et échanger avec notre communauté de lecteurs ? Abonnez-vous pour accéder à cette fonctionnalité.
S'abonner