L'Allemagne, première puissance militaire d'Europe ? Une stratégie inquiétante

La séquence historique engagée en 2020 avec la pandémie et approfondie en 2022 par l’intervention de la Russie en Ukraine, condamne tous les pays du monde à un effort d’adaptation à ce qui n’est rien moins qu’une nouvelle donne globale. Si cet effort promet d’être coûteux pour la plupart des pays, il l’est déjà tout particulièrement pour l’Allemagne, écartelée entre des ambitions contradictoires et confrontée aux limites de son positionnement géostratégique.

publié le 22/09/2022 Par Éric Juillot
L'Allemagne, première puissance militaire d'Europe ? Une stratégie inquiétante

L’Allemagne post-guerre froide est à bien des égards un étrange État : Bismarck ne s’y reconnaîtrait pas. En effet, elle doit son importance bien plus à son poids économique qu’à sa puissance militaire ou à son influence diplomatique. La matrice de cette configuration se trouve tout entière dans la Seconde Guerre mondiale, à l’origine d’un déclassement géostratégique que rien par la suite n’a remis en cause, pas même la renaissance militaire de la RFA dans le cadre particulier de l’affrontement Est-Ouest.

Avec l’effondrement du Mur de Berlin (1989) et la Réunification (1990), l’Allemagne est cependant devenue de fait, en raison de son poids démographique, la première puissance économique de l’Union Européenne nouvellement créée. Si elle ne s’est guère autorisée à accroître sa puissance géopolitique, elle a sans complexe utilisé tous les leviers que lui procurait l’accélération de la construction européenne dans les années 1990, pour asseoir son influence dans le domaine économique et s’imposer comme la puissance dominante — notamment par le truchement de l’euro.

Ayant fait don à ses partenaires européens de son Mark — sous la forme dilatée de la monnaie unique — Berlin pouvait en contrepartie exiger et obtenir que ses conceptions monétaires et budgétaires soient (au moins en droit) adoptées par les autres pays. L’euro, dans son principe même tout autant que par les croyances qui président à sa gestion, a donc constitué un pilier de l’influence économique de l’Allemagne depuis plus de vingt ans. Si on y ajoute une base industrielle sans équivalent en Europe et la très active politique de dumping social et salarial mise en œuvre dès le début des années 2000 par le chancelier Schröder, on comprend que la puissance économique de l’Allemagne peut être qualifiée de complète : elle est monétaire, industrielle, mais aussi commerciale, les excédents allemands dans ce domaine atteignant des sommets, au moment même où la France sombre dans des déficits structurels chaque année plus importants.

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