L’idée que le Président de la République ait à incarner le Peuple et la Nation peut sembler surannée et dangereuse. Elle trahit, pour beaucoup de partisans d’un changement de nos institutions, une conception aristocratique contraire à l’égalité politique et une fascination pour l’homme providentiel toujours susceptible des pires dérives.

publié le 31/12/2021 Par Laurent Ottavi
Chef d’État : À la recherche de l’incarnation perdue

Tout pouvoir, y compris en démocratie, a pourtant besoin d’une incarnation. Il se perdrait sinon en abstraction, comme une morale s’en tenant exclusivement à des préceptes sans se transmettre par la vertu de l’exemple.

La mystique de l’incarnation en politique

Chaque chef d’État est ainsi investi d’un manteau de légitimité (habit de sacre, sceptre, tenue officielle de la présidence, décorations, etc.) par lequel il se distingue du commun des hommes. L’image du vêtement est cependant trompeuse. Tout comme l’habit ne fait pas le moine, il ne fait pas non plus un dirigeant à la hauteur de sa charge.

Il existe, d’ailleurs, des incarnations politiques sans fonction officielle et tous les signes extérieurs qui s’y rattachent. De Gaulle en donna une illustration héroïque en 1940 quand il parla au nom de la France. Il ne disposait pas, alors, des attributs de souveraineté d’un État et il était seulement reconnu officiellement par le Royaume-Uni.

En fin de compte, un titre et des apparats pèseront toujours peu par rapport à « l’habit de chair ». L’expression a de forts accents mystiques également familiers au Général. Le chef d’État en mesure d’incarner est, en effet, habité par un plus grand que soi (le Peuple, la Nation, Dieu) conférant légitimité et autorité à sa fonction.

Le Roi et le Président constituent une représentation visible de cet invisible, une personnalisation. Ils en sont aussi une forme d’idéalisation dans la mesure où les attributions de chef d’État leur reviennent en raison de leur supériorité présumée : par la naissance et une éducation préparant au règne dans les dynasties ; par la force de caractère, le sens des responsabilités et la portée de la vision dans les systèmes électifs.

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