Les dates des élections législatives indiennes n’étaient pas encore fixées que l’affaire était déjà entendue. Nulle alternative n’était plausible, le Bharata Janatya Party (Parti du peuple, BJP) mené tambour battant par Narendra Modi était assuré d’une victoire écrasante. La question n’était plus de savoir si le Premier ministre sortant allait gagner, mais s’il allait obtenir la majorité des deux tiers au Lok Sabha, le parlement indien. L’unanimité confondante des instituts de sondage incitait à un suivisme béat. Sûr de son fait, l’homme fort de l’Inde avait hissé la barre très haut. « Cette fois-ci, donnez-moi en 400 » : le slogan du BJP et de ses alliés définissait le nombre magique au-delà duquel le Premier ministre aurait les mains libres afin de modifier la Constitution. Sauf que le script dicté par les sondages s’est révélé inepte : rien ne s’est déroulé comme prévu.
New Delhi. Un petit restaurant de la capitale indienne, les dernières sensations de fraîcheurs hivernales se savourent en terrasse tandis que le mercure s’échauffe lentement mais sûrement. Une averse bienvenue colle au sol la poussière des rues particulièrement sales et encombrées. Dans le brouhaha débilitant des klaxons, j'apprécie l’ondée bienfaitrice et en fait part à ma voisine de tablée, une Indienne d’une soixantaine de printemps. « Vous aimez la pluie ? », demande-t-elle. C’est plus un constat qu’une question : « Moi pas, je dors dehors ». Vu sous cet angle c’est différent, la poussière a vite fait de se transformer en une boue gluante et infâme...
En Inde, les personnes vivant dans la grande pauvreté sont si omniprésentes qu’elles en deviennent abstraites pour les élites politiques. Elles sont souvent réduites à de simples éléments de langage chers aux cyniques de la communication. Somme toute, ces misérables du XXIe siècle font partie d’un décor dont les classes dirigeantes se remémorent l’existence le temps d’une campagne électorale.
Cette année, ce fut pratiquement l’impasse : les pauvres ont littéralement été oblitérés des équations préélectorales par les analystes. Résultat, les études d’opinion ont été faussées. À la sortie des urnes le 1er juin, sept sondages post-électoraux donnaient au BJP entre 341 et 401 sièges parlementaires. L’affaire était pliée, le BJP pouvait d’ores et déjà célébrer sa « grande victoire ». Sauf que le jour du dépouillement final, le mardi 4 juin, les instituts de sondage se sont subitement retrouvés sur la sellette.
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