Le bouc-émissaire dans l’entreprise : quand Satan s’invite sur Teams

D’après les données 2022 de la Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques (DARES), un salarié du secteur privé peut passer entre 1 600 et 1 900 heures par an à son poste. René Girard, qui aimait à se définir comme un penseur chrétien, dira de son œuvre qu’elle est « une proposition concrète pour étudier et mieux comprendre la réalité humaine ». Reconsidérer le « désir mimétique », les « crises sacrificielles » et le « bouc-émissaire » à l’aune de la « violence au travail », du « harcèlement » et du « burn-out » ne relève donc pas de l’élucubration, mais bien de l’autodéfense intellectuelle dans une vie rongée par « le monde du travail ».

Le désir mimétique en entreprise : la violence au bout du couloir

Dans Mensonge romantique et vérité romanesque, Girard oppose le « mensonge romantique » qui fait croire à l’individu que son désir est autonome, à la « vérité romanesque » qui démontre qu’aucun désir n’est spontané. La véritable source du désir serait mimétique et triangulaire : nous désirons des objets, des personnes, des statuts professionnels par le biais de médiateurs. C’est ce qu’a bien compris la publicité quand elle utilise une célébrité, fût-elle éphémère, pour nous vendre des produits qui le sont tout autant.

Girard distingue également « médiation externe » et « médiation interne ». Dans le premier cas, le sujet prend un modèle transcendant, lointain et insaisissable (un prophète, par exemple). Dans le second, le sujet s’oppose à son modèle, qu’il perçoit comme un rival ; car ils évoluent dans le même univers : d’abord mental, puis géographique, voire organisationnel (un chef qui vient de recevoir une prime généreuse par exemple).