« Le capitalisme cannibale transforme nos corps en marchandises » Fabrice Colomb

La gestation pour autrui et le trafic d’organes occultent bien d’autres marchandisations du corps dont le business est florissant. Dans Le capitalisme cannibale, la mise en pièces du corps (L’Échappée), Fabrice Colomb, sociologue et enseignant-chercheur à l’université d’Évry-Paris-Saclay analyse le rapport au corps à l’origine de ces pratiques, leurs liens avec un capitalisme cannibale, avec l’État et la science moderne, ainsi que le rôle de la « bioéthique » dans leur dissimulation aux yeux des citoyens.

publié le 19/11/2023 Par Laurent Ottavi

Laurent Ottavi (Élucid) : Le concept de cannibalisme qui donne le titre de votre ouvrage est assez surprenant de prime abord. Quelle thèse avez-vous voulu soutenir à travers ce terme ?

Fabrice Colomb : Le capitalisme cannibale est un concept qui m’est apparu dans la continuité de la lecture de plusieurs auteurs, à commencer par Karl Marx, mais également de travaux récents comme ceux de Nancy Fraser (Cannibal Capitalism, 2022) en passant par ceux de David Courpasson (Cannibales en costume, 2019). Il y a deux manières de le comprendre. La première est métaphorique. Le capitalisme se dévore lui-même. Il détruit ses propres bases et ses propres ressources : la nature, mais aussi la base qui produit sa richesse, c’est-à-dire les travailleurs qu’il remplace par des machines.

La deuxième approche m’a davantage intéressée. Elle reprend la notion de cannibalisme de l’anthropologue Claude Lévi-Strauss dans Nous sommes tous des cannibales, qu’il définit comme « l’introduction volontaire dans le corps d’êtres humains des parties ou des substances provenant du corps d’autres humains ». Il ne voit pas de différence substantielle entre le fait de boire du sang et de recevoir une injection sanguine. Les pratiques cannibales sont certes très anciennes. Mais, la spécificité du cannibalisme dans le capitalisme est que ce type de pratiques à tendance à se banaliser. Elles ne font plus l’objet d’un tabou, contrairement aux périodes précapitalistes, et elles se répandent au nom du marché.

Élucid : Le sujet de votre livre fait penser à des pratiques comme le trafic d’organes et la gestation pour autrui. Or, il est question de bien d’autres choses dans votre livre. Pouvez-vous donner quelques-uns des exemples que vous abordez et souligner leur importance ?

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