La conception occidentale de l’individu est partagée entre la tradition libérale et la pensée marxiste. À la suite d’un premier entretien, François Flahault, philosophe et anthropologue, propose de recourir à la notion de « prométhéisme » pour cerner cet aspect de la pensée occidentale. À partir de là, il élabore une écologie politique efficace, fondée sur une nouvelle définition de l’individu et du collectif, et dont découle une nouvelle manière de concevoir le Bien commun. Entretien.
François Flahault est un penseur singulier dont les travaux concernent à la fois l’histoire des idées – notamment une généalogie de l’individualisme dans la pensée européenne – l’anthropologie et la philosophie. Au fil de ses ouvrages, il interroge la relation entre être humain et société à la lumière aussi bien des découvertes scientifiques récentes qu’en proposant une lecture critique des modes de pensée et des croyances européennes traditionnelles dans ce domaine.
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Philippe Chapuis (Élucid) : Dans un premier entretien, vous avez évoqué la puissance de mythes occidentaux – comme celui de Robinson Crusoé – qui invitent à imaginer un individu autonome et tout-puissant, extérieur à la nature. Vous vous êtes aussi intéressé à l’un des plus anciens mythes de cette veine, Prométhée…
François Flahault : Dans la mythologie grecque, Prométhée est un Titan qui a volé le feu sacré des dieux pour le donner aux hommes et Zeus l’a condamné à avoir le foie dévoré par un aigle en étant attaché à un rocher. Ce mythe possède une certaine ambivalence. D’un côté, le feu sacré va représenter dans l’histoire occidentale une forme de puissance, par l’innovation technique – surtout aux XIXe et XXe siècles – la supériorité de l’humanité sur les autres espèces, et sa capacité à résoudre virtuellement tous les problèmes.
D’un autre côté, quand on lit par exemple la tragédie d’Eschyle, elle comporte une autre idée. Prométhée est enchaîné à son rocher et il maudit Zeus, il est révolté par la punition qu’on lui inflige. Différents personnages lui rendent visite pour le plaindre et ils reconnaissent volontiers que la punition de Zeus est très cruelle, mais ils suggèrent aussi que Prométhée lui-même a exagéré, qu’il a été victime de l’excès, de l’hubris…
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